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13/04/2017 | FRANCE | N°403202

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 13 avril 2017, 403202


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 septembre 2016 et 16 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D...A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les points 2 à 5 de la section IV du chapitre 1 de l'instruction RH2A/2015/12/6335 du 18 décembre 2015 du directeur général des finances publiques relative aux mutations et premières affectations des personnels de catégories B et C pour l'année 2016 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir le point 2 de la section IV

du chapitre 1 de l'instruction RH2A/2016/12/5173 du 16 décembre 2016 du directeur...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 septembre 2016 et 16 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D...A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les points 2 à 5 de la section IV du chapitre 1 de l'instruction RH2A/2015/12/6335 du 18 décembre 2015 du directeur général des finances publiques relative aux mutations et premières affectations des personnels de catégories B et C pour l'année 2016 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir le point 2 de la section IV du chapitre 1 de l'instruction RH2A/2016/12/5173 du 16 décembre 2016 du directeur général des finances publiques relative aux mutations et premières affectations des personnels de catégories B pour l'année 2017 ;

3°) d'annuler la mutation de M. C...B...au service des impôts des entreprises du centre des finances publiques de Saint-Pierre (La Réunion), à compter du 1er septembre 2016 ;

4°) d'enjoindre à la direction générale des finances publiques de prononcer son affectation au service des impôts des entreprises du centre des finances publiques de Saint-Pierre ;

5°) d'enjoindre à la direction générale des finances publiques de procéder à la rectification de l'ensemble des mouvements de mutation à compter du 1er septembre 2016 pris sur la base de la priorité définie aux points 2 à 5 de la section IV du chapitre 1 de l'instruction RH2A/2015/12/6335 du 18 décembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Sirinelli, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

Sur les conclusions dirigées contre l'instruction du directeur général des finances publiques du 18 décembre 2015 relative aux mutations et premières affectations des personnels de catégories B et C :

1. Considérant que si aucun principe général non plus qu'aucune règle ne s'oppose à ce que la publication d'un acte intéressant les personnels prenne la forme d'une mise en ligne de cette décision sur l'intranet de l'administration à laquelle ils appartiennent, ce mode de publicité n'est susceptible de faire courir le délai de recours contentieux à l'égard des agents et des groupements représentatifs du personnel qu'à la condition, d'une part, que l'information ainsi diffusée puisse être regardée, compte tenu notamment de sa durée, comme suffisante et, d'autre part, que le mode de publicité par voie électronique et les effets juridiques qui lui sont attachés aient été précisés par un acte réglementaire ayant lui-même été régulièrement publié ; que la seule circonstance, invoquée par le ministre de l'économie, que l'instruction du 18 décembre 2015 a été diffusée sur le site intranet de la direction générale des finances publiques n'est ainsi pas de nature à établir que cette publication aurait fait courir le délai de recours contentieux ; que, par ailleurs, les dispositions attaquées de cette instruction, qui édictent les critères selon lesquels les fonctionnaires de catégorie B et C de la direction générale des finances publiques ayant un lien de proximité avec un département d'outre-mer bénéficient d'une priorité de mutation pour l'année 2016, revêtent un caractère impératif ; qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que les conclusions analysées ci-dessus seraient irrecevables ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable à la date de l'instruction litigieuse : " L'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires. (...) / Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité (...), aux fonctionnaires handicapés (...) et aux fonctionnaires qui exercent leurs fonctions, pendant une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. Priorité est également donnée aux fonctionnaires placés en situation de réorientation professionnelle (...) " ;

3. Considérant que les dispositions des points 2 à 5 de la section IV du chapitre 1 de l'instruction du 18 décembre 2015 instaurent une priorité au bénéfice des agents ayant un lien de proximité avec un département d'outre-mer pour une mutation vers ce département ; qu'elles fixent ainsi une règle de nature statutaire relative aux conditions de mutation des agents, que le directeur général des finances publiques ne tenait d'aucun texte, notamment pas des statuts des agents concernés, le pouvoir d'édicter ; que, par suite, Mme A...est fondée à soutenir que ces dispositions ont été prises par une autorité incompétente et, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de sa requête sur ce point, à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions dirigées contre l'instruction du directeur général des finances publiques du 16 décembre 2016 relative aux mutations et premières affectations des personnels de catégories B :

4. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984, issu de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : " Dans les administrations ou services mentionnés au deuxième alinéa du présent article, l'autorité compétente peut procéder à un classement préalable des demandes de mutation à l'aide d'un barème rendu public. Le recours à un tel barème constitue une mesure préparatoire et ne se substitue pas à l'examen de la situation individuelle des agents. Ce classement est établi dans le respect des priorités figurant au quatrième alinéa du présent article. Toutefois, l'autorité compétente peut édicter des lignes directrices par lesquelles elle définit, sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, des critères supplémentaires établis à titre subsidiaire, notamment pour les fonctionnaires qui justifient du centre de leurs intérêts matériels et moraux dans une des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat " ;

5. Considérant que les dispositions du point 2 de la section IV du chapitre 1 de l'instruction du 16 décembre 2016 instaurent une priorité au bénéfice des agents ayant un lien de proximité avec un département d'outre-mer pour une mutation vers ce département ; que si les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 autorisent l'administration à procéder à un classement préalable des demandes de mutation à l'aide d'un barème rendu public, le décret du 28 décembre 2016 relatif à la procédure d'édiction des lignes directrices permettant le classement par l'administration des demandes de mutation des fonctionnaires de l'Etat, prévu pour son application, n'était pas encore publié à la date de l'instruction attaquée ; qu'en outre, il résulte des termes mêmes des dispositions précitées de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984, que le recours à un tel barème ne peut se substituer à l'examen de la situation individuelle des agents ; qu'il suit de là, en tout état de cause, que dès lors que la mise en oeuvre de la priorité prévue par les dispositions contestées de l'instruction du 16 décembre 2016 n'est assortie d'aucune exception permettant d'y déroger pour des motifs d'intérêt général ou tenant à l'appréciation particulière de chaque situation, ces dispositions, par lesquelles l'autorité compétente renonce à son pouvoir d'appréciation, fixent une règle de nature statutaire relative aux conditions de mutation des agents, que le directeur général des finances publiques ne tenait d'aucun texte, notamment pas des statuts des agents concernés, le pouvoir d'édicter ; que, par suite, Mme A...est fondée à soutenir que ces dispositions ont été prises par une autorité incompétente et, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de sa requête sur ce point, à en demander l'annulation ;

Sur les autres conclusions de la requête :

6. Considérant que le ministre affirme, sans être sérieusement contredit sur ce point par la requérante, que l'affectation de M. C...B...sur la résidence de Saint-Pierre à compter du 1er septembre 2016 résulte d'une promotion sans changement de service et n'est donc pas fondée sur la mise en oeuvre des règles prévues par l'instruction du 18 décembre 2015 mentionnées au point 3 de la présente décision ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre, que Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation de la mutation de M. B...;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est seulement fondée à demander l'annulation des dispositions des points 2 à 5 de la section IV du chapitre 1 de l'instruction du 18 décembre 2015 et du point 2 de la section IV du chapitre 1 de l'instruction du 16 décembre 2016 du directeur général des finances publiques ;

8. Considérant que la présente décision n'implique pas, par elle-même, qu'il soit enjoint au directeur général des finances publiques de prononcer l'affectation de Mme A...au service des impôts des entreprises du centre des finances publiques de Saint-Pierre ni de procéder à la rectification de l'ensemble des mouvements de mutation à compter du 1er septembre 2016 pris sur le fondement des dispositions de l'instruction du 18 décembre 2015 en litige ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les dispositions des points 2 à 5 de la section IV du chapitre 1 de l'instruction RH2A/2015/12/6335 du 18 décembre 2015 du directeur général des finances publiques relative aux mutations et premières affectations des personnels de catégories B et C sont annulées.

Article 2 : Les dispositions du point 2 de la section IV du chapitre 1 de l'instruction RH2A/2016/12/5173 du 16 décembre 2016 du directeur général des finances publiques relative aux mutations et premières affectations des personnels de catégories B sont annulées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme D...A...et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 403202
Date de la décision : 13/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 avr. 2017, n° 403202
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean Sirinelli
Rapporteur public ?: M. Olivier Henrard

Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:403202.20170413
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