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29/03/2017 | FRANCE | N°406590

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 29 mars 2017, 406590


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Jade, à l'appui de sa demande tendant à la décharge de l'amende fiscale prévue par les dispositions du c du I de l'article 1763 du code général des impôts à laquelle elle a été assujettie à hauteur d'un montant de 39 158 euros au titre de l'année 2010 et d'un montant de 31 514 euros au titre de l'année 2011, a produit un mémoire, enregistré le 30 août 2016 au greffe du tribunal administratif de Lille, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soul

ève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Jade, à l'appui de sa demande tendant à la décharge de l'amende fiscale prévue par les dispositions du c du I de l'article 1763 du code général des impôts à laquelle elle a été assujettie à hauteur d'un montant de 39 158 euros au titre de l'année 2010 et d'un montant de 31 514 euros au titre de l'année 2011, a produit un mémoire, enregistré le 30 août 2016 au greffe du tribunal administratif de Lille, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1509377 du 30 décembre 2016, enregistrée le 4 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Lille, avant qu'il soit statué sur la demande de la SAS Jade, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du c du I de l'article 1763 du code général des impôts.

Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise, la SAS Jade soutient que le c du I de l'article 1763 du code général des impôts, applicable au litige, méconnaît les principes de proportionnalité des peines et d'individualisation des peines proclamés à l'article 8 de la Déclaration de 1789.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts, notamment son article 1763 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes du I de l'article 1763 du code général des impôts : " Entraîne l'application d'une amende égale à 5 % des sommes omises le défaut de production ou le caractère inexact ou incomplet des documents suivants : / (...) c. Etat prévu au premier alinéa de l'article 223 Q (...). / Pour les documents mentionnés aux a, b et c, l'amende s'applique au seul exercice au titre duquel l'infraction est mise en évidence et le taux est ramené à 1 % lorsque les sommes correspondantes sont réellement déductibles ". Aux termes du premier alinéa de l'article 223 Q du même code, dans sa rédaction applicable aux années 2010 et 2011: " La société mère souscrit la déclaration du résultat d'ensemble de chaque exercice dans les conditions prévues à l'article 223. Elle y joint un état des rectifications prévues au sixième alinéa de l'article 223 B et à l'article 223 F, ainsi que de celles prévues aux deuxième, troisième, quatrième, septième et dix-huitième alinéas de l'article 223 B et à l'article 223 D qui sont afférentes à des sociétés du groupe détenues par l'intermédiaire d'une société intermédiaire ".

3. La société Jade soutient que le c) du I de l'article 1763 est contraire au principe de proportionnalité des peines, d'une part, et au principe d'individualisation des peines, d'autre part, garantis par l'article 8 de la Déclaration de 1789.

4. En fixant l'amende en proportion des sommes qui n'ont pas été déclarées par le contribuable dans l'état prévu au premier alinéa de l'article 223 Q du code général des impôts, les dispositions attaquées instituent une sanction dont la nature est directement liée à celle du manquement réprimé. En retenant une telle assiette, en ramenant le taux prévu de 5 % à 1 % lorsque ces sommes sont réellement déductibles et en prévoyant que l'amende ne s'applique qu'au seul exercice au titre duquel l'infraction est mise en évidence, la loi a elle-même assuré, par des taux non disproportionnés, la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés, appréciée à raison de l'importance des sommes non déclarées et des conséquences qui peuvent en résulter au regard des impôts à acquitter par le contribuable. En outre, les obligations déclaratives dont le manquement est sanctionné, qui incombent à la seule société mère, ont pour but de mettre l'administration fiscale à même de contrôler la manière dont les opérations intra-groupes sont comptabilisées dans les résultats individuels des sociétés et les retraitements qui leur sont appliqués pour la détermination du résultat d'ensemble ainsi que de contrôler les régularisations qu'il convient de faire en cas de sortie d'une société du groupe fiscalement intégré. Elles poursuivent ainsi un but de lutte contre la fraude fiscale qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle. Enfin, pour chaque sanction prononcée, le juge décide, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir l'amende, soit d'en dispenser le contribuable si ce dernier n'a pas manqué à l'obligation de déclaration. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées auraient méconnu les principes de proportionnalité et d'individualisation des peines doit être écarté. Dès lors, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

5. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Lille.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Jade et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre ainsi qu'au tribunal administratif de Lille.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 406590
Date de la décision : 29/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 29 mar. 2017, n° 406590
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle Petitdemange
Rapporteur public ?: M. Romain Victor

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:406590.20170329
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