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27/03/2017 | FRANCE | N°379624

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 27 mars 2017, 379624


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 4 mai 2016, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi du pourvoi de la Fondation hellénique tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 mars 2014 relatif à l'indemnisation des préjudices que M. B...estime avoir subis en raison de l'illégalité de la décision du recteur chancelier des universités de Paris refusant de le nommer au poste de directeur de la Fondation hellénique et de l'illégalité de la décision nommant Mme A...à ce poste, a sursis à statuer jusqu'à ce que le Tribunal

des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de jur...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 4 mai 2016, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi du pourvoi de la Fondation hellénique tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 mars 2014 relatif à l'indemnisation des préjudices que M. B...estime avoir subis en raison de l'illégalité de la décision du recteur chancelier des universités de Paris refusant de le nommer au poste de directeur de la Fondation hellénique et de l'illégalité de la décision nommant Mme A...à ce poste, a sursis à statuer jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour connaître de ce litige.

Par une décision du 5 septembre 2016, le Tribunal des conflits a déclaré la juridiction administrative seule compétente pour connaître de l'action intentée par la Fondation hellénique.

Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par la décision du Conseil d'Etat du 4 mai 2016 ;

Vu :

- la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits ;

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Tiphaine Pinault, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Bouthors, avocat de la Fondation hellénique, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de M. B... et à la SCP Zribi, Texier, avocat de l'académie de Paris ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un acte de donation du 11 mars 1930 contresigné par le recteur de l'université de Paris, l'Etat grec s'est engagé, d'une part, à édifier puis à donner en propriété à l'université de Paris, sur un terrain mis à disposition par l'université dans l'enceinte de la cité internationale universitaire de Paris, un immeuble destiné au logement d'étudiants helléniques ou français et, d'autre part, à assurer la totalité des charges de gestion en résultant ; que ce même acte a créé une institution dénommée " Université de Paris - Fondation hellénique ", dépourvue de personnalité morale, chargée d'assurer la gestion de cet immeuble ; qu'il a fixé la composition de son conseil d'administration, comprenant notamment l'ambassadeur de Grèce, le recteur de l'université de Paris et le président de la Fondation nationale pour le développement de la cité universitaire de Paris ; qu'enfin, ce même acte a prévu que le directeur de l' " Université de Paris - Fondation hellénique " serait nommé par le recteur de l'université de Paris, sur proposition du conseil d'administration ;

2. Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une délibération du 10 juillet 2003, le conseil d'administration de l'" Université de Paris - Fondation hellénique " a proposé au recteur, chancelier des universités de Paris, la nomination de M. B...au poste de directeur ; que le recteur a refusé cette nomination par une décision du 6 novembre 2003 ; que, par une nouvelle délibération du 17 décembre 2003, le conseil d'administration après avoir écarté la candidature de M. B...en raison de son rejet par le recteur, a proposé à ce dernier le nom d'un autre candidat ;

3. Considérant qu'il ressort enfin des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un arrêt du 18 septembre 2007, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Paris a annulé pour excès de pouvoir la décision du recteur, chancelier des universités de Paris du 6 novembre 2003 rejetant la candidature de M.B... ; que, le 6 mars 2008, M. B...a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à ce que la chancellerie des universités de Paris et l'" Université de Paris - Fondation hellénique " soient condamnées à l'indemniser du préjudice qu'il estimait avoir subi en raison du rejet de sa candidature ; qu'en cours d'instance, la Fondation hellénique a, par un décret du 19 mai 2010, été reconnue comme établissement d'utilité publique ayant pour but, en vertu de ses statuts, de reprendre l'exploitation et l'entretien de l'immeuble qui incombaient jusque là à l'institution " Université de Paris - Fondation hellénique " ; que par un jugement du 2 novembre 2011, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, condamné la chancellerie des universités de Paris au versement d'une indemnité représentative des rémunérations que M. B...aurait dû percevoir en qualité de directeur pendant la durée prévue de son mandat et, d'autre part, solidairement condamné la chancellerie des universités de Paris et la nouvelle Fondation hellénique au versement d'une somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral ; que sur appel de M.B..., la cour administrative d'appel de Paris a, par l'arrêt attaqué du 6 mars 2014, premièrement condamné solidairement la Fondation hellénique et la chancellerie des universités de Paris au versement de l'indemnité représentative de rémunération que le tribunal avait mise à la charge de la seule chancellerie des universités de Paris, deuxièmement modifié, en le fixant au 7 novembre 2007, le point de départ du calcul des intérêts pour les deux chefs de préjudice et, troisièmement enfin, rejeté les appels incidents de la Fondation hellénique et de la chancellerie des universités de Paris ;

4. Considérant que, par le présent pourvoi, la Fondation hellénique doit être regardée comme demandant l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 mars 2014 en tant qu'il la condamne solidairement au paiement de l'indemnité représentative de rémunération et en tant qu'il rejette son appel incident relatif à sa condamnation au titre du préjudice moral ; que par un pourvoi qui revêt le caractère d'un pourvoi provoqué, la chancellerie des universités de Paris demande l'annulation du même arrêt en tant qu'il rejette son appel incident portant sur ces deux chefs d'indemnisation ; que sur renvoi par une décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 4 mai 2016, le Tribunal des conflits a déclaré, par une décision du 5 septembre 2016, que la juridiction administrative était seule compétente pour connaître du litige indemnitaire engagé par M. B...;

Sur le pourvoi de la Fondation hellénique :

5. Considérant que pour condamner la Fondation hellénique à indemniser M. B... en raison de fautes commises, au moment de sa candidature au poste de directeur de l'" Université de Paris-Fondation hellénique ", par le conseil d'administration de cette institution, la cour administrative d'appel s'est implicitement mais nécessairement fondée sur le fait que la Fondation hellénique reconnue d'utilité publique par le décret du 19 mai 2010, était responsable des dommages causés par les délibérations du conseil d'administration de l' " Université de Paris-Fondation hellénique " ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des termes de l'acte de donation du 11 mars 1930 que les décisions prises, pour la désignation du directeur de l'institution " Université de Paris - Fondation hellénique ", par le conseil d'administration de cette institution antérieurement à la reprise de son activité par la Fondation hellénique, engagent la responsabilité exclusive de la chancellerie des universités de Paris, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il condamne la Fondation hellénique à indemniser M. B...de son préjudice matériel, ainsi qu'en tant qu'il rejette l'appel incident de la Fondation hellénique relatif à sa condamnation au titre du préjudice moral ;

Sur le pourvoi provoqué du recteur, chancelier des universités de Paris :

7. Considérant qu'en jugeant, après avoir relevé dans sa décision par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que l'expérience professionnelle et les qualités personnelles de M. B...correspondaient aux exigences de l'offre d'emploi, que sa nomination avait été proposée à l'unanimité du conseil d'administration et que le recteur ne pouvait se prévaloir d'un autre motif de nature à justifier légalement le refus de le nommer à ce poste, que l'illégalité fautive du refus du recteur de nommer M. B... au poste de directeur avait directement privé celui-ci d'une chance sérieuse d'être nommé à ce poste, la cour administrative d'appel, par un arrêt suffisamment motivé, n'a pas donné aux faits ainsi énoncés une qualification juridique erronée ;

8. Considérant que la cour, qui a relevé que le candidat retenu devait être engagé pour une durée de trois ans, a pu, sans entacher son arrêt de dénaturation des faits ou d'erreur de droit, évaluer le préjudice subi par M. B... au montant de la somme qu'il aurait dû percevoir s'il avait occupé le poste de directeur pour la durée totale de son mandat, sans moduler ce montant de la probabilité qu'il avait d'accéder à ce poste ; qu'elle a également pu, sans erreur de droit, ne pas tenir compte de l'existence d'une période d'essai d'un an dès lors qu'il n'était pas contesté qu'il avait des chances sérieuses d'être maintenu dans ses fonctions au-delà de cette période d'essai ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi provoqué de la chancellerie des universités de Paris doit être rejeté ; que l'arrêt attaqué doit, par suite, être cassé dans la seule mesure mentionnée au point 6 ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette même mesure l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il résulte des termes de l'acte de donation du 11 mars 1930 que les décisions prises, pour la désignation du directeur de l'institution " Université de Paris - Fondation hellénique ", par le conseil d'administration de cette institution antérieurement à la reprise de son activité par la Fondation hellénique, engagent la responsabilité exclusive de la chancellerie des universités de Paris ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 2 novembre 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la Fondation hellénique à l'indemniser de son préjudice matériel ; que, pour le même motif, la Fondation hellénique est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif l'a solidairement condamnée à indemniser M. B...de son préjudice moral ;

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Fondation hellénique, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la Fondation hellénique et la chancellerie des universités de Paris ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 mars 2014 est annulé en tant qu'il condamne la Fondation hellénique à indemniser M. B...et en tant qu'il rejette l'appel incident de la Fondation hellénique relatif à son préjudice moral.

Article 2 : Les conclusions de la requête présentée par M. B...devant la cour administrative d'appel de Paris tendant à la condamnation de la Fondation hellénique sont rejetées.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 2 novembre 2011 est annulé en tant qu'il condamne la Fondation hellénique à indemniser M. B...de son préjudice moral.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la Fondation hellénique et de M. B...présentées devant le Conseil d'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 5 : Le pourvoi provoqué de la chancellerie des universités de Paris est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la Fondation hellénique, à la chancellerie des universités de Paris et à M. C...B....


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 379624
Date de la décision : 27/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 mar. 2017, n° 379624
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Tiphaine Pinault
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : BOUTHORS ; SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE ; SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:379624.20170327
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