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20/03/2017 | FRANCE | N°402040

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 20 mars 2017, 402040


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 18 octobre 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi du centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges dirigées contre l'ordonnance de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 16BX00926 du 12 juillet 2016 en tant seulement que cette ordonnance a prescrit à l'expert " d'indiquer si le manquement éventuellement constaté lors de son hospitalisation au CHU de Limoges a fait perdre à M. B...une chance d'éviter le dommage survenu ", " de chiffrer la perte de chance " et d

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Vu la procédure suivante :

Par une décision du 18 octobre 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi du centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges dirigées contre l'ordonnance de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 16BX00926 du 12 juillet 2016 en tant seulement que cette ordonnance a prescrit à l'expert " d'indiquer si le manquement éventuellement constaté lors de son hospitalisation au CHU de Limoges a fait perdre à M. B...une chance d'éviter le dommage survenu ", " de chiffrer la perte de chance " et de " déterminer le contenu et l'étendue de l'information délivrée au patient sur les risques des actes médicaux subis ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2016, Mme A...B...conclut au rejet du pourvoi et à ce que soit mise à la charge du CHU de Limoges la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par le centre hospitalier ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 27 janvier 2016, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du CHU de Limoges.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Charles Touboul, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Limoges, à la SCP Ortscheidt, avocat de Mme B...et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. B...a subi, le 15 avril 2013, au centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges une opération consistant dans l'exérèse d'un méningiome de la région sellaire ; qu'un scanner cérébral réalisé le 17 avril a mis en évidence des lésions ischémiques hypothalamiques et thalamiques, à l'origine de graves troubles neurologiques ; que la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de la région Limousin, saisie par M.B..., a diligenté une expertise ; qu'au vu des conclusions de l'expert, la commission a émis, le 29 octobre 2014, un avis défavorable à l'indemnisation de l'intéressé ; qu'à la demande de M.B..., le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a ordonné une nouvelle expertise ; que, le 4 novembre 2015, M. B...et son épouse ont introduit une nouvelle demande devant le tribunal, tendant à la réalisation d'un complément d'expertise et à l'octroi d'une provision ; que M. B...est décédé le 3 décembre suivant ; que, par une ordonnance du 1er mars 2016, le juge des référés a refusé de faire droit à la demande dont il était saisi ; que, par une ordonnance du 12 juillet 2016, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisi par MmeB..., a annulé l'ordonnance du tribunal administratif, prescrit un complément d'expertise et condamné le CHU de Limoges à verser à la requérante une provision de 324 390 euros ; que le CHU de Limoges se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ; que, par une décision du 18 octobre 2016, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi dirigées contre l'ordonnance en tant seulement qu'elle prescrit à l'expert " d'indiquer si le manquement éventuellement constaté lors de son hospitalisation au CHU de Limoges a fait perdre à M. B...une chance d'éviter le dommage survenu ", " de chiffrer la perte de chance " et de " déterminer le contenu et l'étendue de l'information délivrée au patient sur les risques des actes médicaux subis " ;

2. Considérant qu'après avoir relevé que les deux experts désignés successivement par la CRCI de la région Limousin et par le tribunal administratif s'étaient prononcés sur le bien-fondé de l'indication opératoire, sur la qualité du geste chirurgical, sur l'origine des troubles subis par le patient ainsi que sur l'information qu'il avait reçue, remplissant ainsi l'ensemble des missions qui leur avaient été imparties, et que le complément d'expertise sollicité par Mme B...ne présentait d'utilité qu'aux fins de déterminer si les complications de l'état de santé de son époux survenues après le dépôt du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif ainsi que son décès étaient dans la continuité des troubles constatés antérieurement, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a prescrit un complément d'expertise ayant notamment pour objet de " déterminer le contenu et l'étendue de l'information délivrée au patient sur les risques des actes médicaux subis " ; qu'en statuant ainsi, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif ;

3. Considérant, en revanche, qu'en estimant également utile, dans les circonstances de l'espèce, de prescrire un complément d'expertise aux fins, d'une part, d'indiquer si le manquement éventuellement constaté lors de l'hospitalisation de M. B... au CHU de Limoges avait fait perdre au patient une chance de prévenir les complications subies postérieurement à la date de dépôt du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif ainsi que son décès et, d'autre part, de chiffrer, le cas échéant, cette perte de chance, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a entaché son ordonnance ni d'une insuffisance de motivation, ni d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif et n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui étaient soumis ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CHU de Limoges n'est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque qu'en tant qu'elle prescrit à l'expert de " déterminer le contenu et l'étendue de l'information délivrée au patient sur les risques des actes médicaux subis " ;

5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, dans les limites de l'annulation prononcée par la présente décision, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'expert judiciaire s'est déjà prononcé, dans son rapport remis le 19 juin 2015, sur le contenu et l'étendue de l'information délivrée à M. B...sur les risques de l'intervention chirurgicale réalisée le 15 avril 2013 ; que, dans ces conditions, il n'apparaît pas utile, au regard des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de demander de nouveau à ce même expert, dans le cadre du complément d'expertise dont il a été chargé par le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux, de se prononcer sur cette même question ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du CHU de Limoges qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 12 juillet 2016 est annulée en tant qu'elle prescrit un complément d'expertise aux fins de " déterminer le contenu et l'étendue de l'information délivrée au patient sur les risques des actes médicaux subis ".

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant la cour administrative d'appel de Bordeaux tendant à la réalisation d'un complément d'expertise aux fins de déterminer le contenu et l'étendue de l'information délivrée à son époux par le centre hospitalier universitaire de Limoges est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions admises du pourvoi de Mme B...est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de Mme B...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier universitaire de Limoges, à Mme A...B...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 402040
Date de la décision : 20/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 2017, n° 402040
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Charles Touboul
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : LE PRADO ; SCP ORTSCHEIDT ; SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:402040.20170320
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