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17/03/2017 | FRANCE | N°393777

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 17 mars 2017, 393777


Vu les procédures suivantes :

1° La fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Haute-Vienne, le syndicat des jeunes agriculteurs de la Haute-Vienne et le syndicat de la propriété privée rurale de la Haute-Vienne ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 décembre 2012 par lequel le préfet de la région Centre, préfet coordonnateur du bassin Loire-Bretagne, a délimité les zones vulnérables à la pollution par les nitrates d'origine agricole du bassin Loire-Bretagne. Par un jugement n

° 1300531 du 31 décembre 2013, le tribunal administratif d'Orléans a rejet...

Vu les procédures suivantes :

1° La fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Haute-Vienne, le syndicat des jeunes agriculteurs de la Haute-Vienne et le syndicat de la propriété privée rurale de la Haute-Vienne ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 décembre 2012 par lequel le préfet de la région Centre, préfet coordonnateur du bassin Loire-Bretagne, a délimité les zones vulnérables à la pollution par les nitrates d'origine agricole du bassin Loire-Bretagne. Par un jugement n° 1300531 du 31 décembre 2013, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 14NT00560 du 24 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Nantes, sur l'appel de la FDSEA de la Haute-Vienne et autres, a, dans l'article 1er de son arrêt, annulé cet arrêté du 21 décembre 2012, en tant qu'il classe en zone vulnérable le territoire des communes de Saint-Amand Magnazeix, Saint-Hilaire La Treille et Folles, réformé dans cette mesure le jugement du tribunal administratif d'Orléans et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Sous le n° 393777, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 septembre et 18 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête présentée par la FDSEA de la Haute-Vienne et autres ;

Sous le n° 393778, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 septembre et 18 décembre 2015 et le 29 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête présentée par la FNSEA et autres.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la directive 91/676/ CEE, du Conseil, du 12 décembre 1991 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et autres.

1. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 21 décembre 2012, le préfet de la région Centre, préfet coordonnateur du bassin Loire-Bretagne, a délimité les zones vulnérables à la pollution par les nitrates d'origine agricole du bassin Loire-Bretagne ; que, par deux jugements du 31 décembre 2013, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les demandes respectivement de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Haute-Vienne et autres et de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et autres tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ; que, par deux arrêts nos 14NT00560 et 14NT00594 du 24 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a respectivement, d'une part, annulé l'arrêté du 21 décembre 2012 en tant qu'il classe en zone vulnérable le territoire des communes de Saint-Amand Magnazeix, Saint Hilaire la Treille et Folles, réformé dans cette mesure le premier jugement et rejeté le surplus des conclusions de la requête de la FDSEA de la Haute-Vienne et, d'autre part, annulé le deuxième jugement, jugé que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur le fondement de l'arrêté, cette annulation prendra effet à compter du 15 janvier 2016, à l'exception du territoire des trois communes dont l'inscription à l'inventaire des zones vulnérables a fait l'objet d'une annulation rétroactive par l'arrêt n° 14NT00560 et rejeté le surplus des conclusions de la requête de la FNSEA et autres ; que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie se pourvoit en cassation contre ces deux arrêts, respectivement sous les nos 393777 et 393778, en tant qu'ils font droit aux conclusions des requérants ; que ces pourvois présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 211-75 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Il est dressé un inventaire des zones dites vulnérables qui contribuent à la pollution des eaux par le rejet direct ou indirect de nitrates et d'autres composés azotés susceptibles de se transformer en nitrates d'origine agricole. / Sont désignées comme vulnérables, compte tenu notamment des caractéristiques des terres et des eaux ainsi que de l'ensemble des données disponibles sur la teneur en nitrate des eaux, les zones qui alimentent les eaux définies à l'article R. 211-76 " ; que l'article R. 211-76 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, dispose : " I. - Pour la désignation des zones vulnérables, sont définies comme atteintes par la pollution : / 1° Les eaux souterraines et les eaux douces superficielles, notamment celles servant au captage d'eau destinée à la consommation humaine, dont la teneur en nitrate est supérieure à 50 milligrammes par litre ; (...) / II. Pour la désignation des zones vulnérables, sont définies comme menacées par la pollution : / 1° Les eaux souterraines et les eaux douces superficielles, notamment celles servant au captage d'eau destinée à la consommation humaine, dont la teneur en nitrate est comprise entre 40 et 50 milligrammes par litre et montre une tendance à la hausse ; (...) " ;

Sur le pourvoi n° 393777 :

3. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que le classement des communes de Saint-Hilaire-la-Treille, Folles et Saint-Amand-Magnazeix parmi les zones vulnérables à la pollution est motivé, selon l'administration, par les résultats des mesures effectuées grâce à des qualitomètres à la suite de prélèvements dans les eaux souterraines montrant un dépassement du seuil de 40 mg/l, avec une tendance à la hausse, dont il ressort que ces territoires alimentent des eaux souterraines menacées par la pollution, au sens des dispositions du II de l'article R. 211-76 du code de l'environnement ; que, pour juger illégal ce classement, la cour s'est fondée sur la circonstance que les valeurs retenues sur la période de référence d'un an n'avaient été obtenues, dans ces trois communes, qu'à la suite respectivement, de trois, un et quatre relevés seulement ; que la cour, a en outre, fait état d'incohérences apparentes dans les mesures réalisées ; qu'en déduisant de l'ensemble de ces éléments que les résultats des mesures ne pouvaient être regardés comme suffisamment significatifs d'un dépassement des seuils réglementaires, de nature à entraîner un classement des communes concernées à l'inventaire des zones vulnérables, la cour n'a pas entendu subordonner le classement en zone vulnérable à un nombre minimal de mesures, en méconnaissance de la réglementation alors en vigueur, mais s'est bornée à apprécier la validité des valeurs retenues, au vu des circonstances de l'espèce, qu'elle a souverainement appréciées sans les dénaturer ; qu'en statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et a suffisamment motivé son arrêt ; que la cour s'est également livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier, qui n'est pas entachée de dénaturation, en jugeant que les résultats des mesures ne pouvaient être regardés comme suffisamment significatifs d'un dépassement des seuils réglementaires de pollution ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt n° 14NT00560 qu'il attaque ;

Sur le pourvoi n° 393778 :

5. Considérant, d'une part, que l'interprétation que par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief ; qu'en revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ; que le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ou si, alors même qu'elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu'elles sont illégales pour d'autres motifs ; qu'il en va de même s'il est soutenu à bon droit que l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter soit méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure ;

6. Considérant, d'autre part, que l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale ;

7. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, par une circulaire du 22 décembre 2011 relative au réexamen de la liste des zones vulnérables au titre de la directive n° 91/676/ CEE du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, dite " directive nitrates ", le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement a prescrit aux préfets concernés, au paragraphe 3 de son annexe technique intitulée " Instructions pour réviser les zones vulnérables ", d'utiliser la méthode du " percentile 90 " pour identifier les valeurs des concentrations en nitrates pertinentes ; que ces dispositions de la circulaire, qui imposent aux services l'usage d'une méthode qui n'est prévue par aucun texte afin de déterminer les zones vulnérables à la pollution, présentent un caractère réglementaire ; que, le ministre ne tenant d'aucun texte le pouvoir d'édicter de telles règles, le paragraphe 3 de l'annexe est, dans cette mesure, entaché d'incompétence ; qu'en se fondant sur ce motif pour retenir que la circulaire était sur ce point entachée d'illégalité, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 qu'en jugeant que les requérants pouvaient exciper de l'illégalité de ces dispositions de la circulaire à l'encontre de l'arrêté préfectoral litigieux, dès lors que ce dernier en faisait application, la cour n'a pas entaché son arrêt, qui est suffisamment motivé, d'une erreur de droit ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt n° 14NT00594 qu'il attaque ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 2 000 euros à verser à la FDSEA et autres et la somme globale de 2 000 euros à la FNSEA et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les pourvois nos 393777 et 393778 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sont rejetés.

Article 2 : L'Etat versera à la FDSEA de la Haute Vienne et autres la somme globale de 2 000 euros et à la FNSEA et autres la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, pour l'ensemble des défendeurs au pourvoi n° 393777, à la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Haute-Vienne, premier défendeur dénommé, et, pour l'ensemble des défendeurs au pourvoi n° 393778, à la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), premier défenseur dénommé.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 393777
Date de la décision : 17/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 mar. 2017, n° 393777
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Mireille Le Corre
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:393777.20170317
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