Vu la procédure suivante :
Le Conseil national de l'ordre des médecins a porté plainte contre M. B... A...devant la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France de l'ordre des médecins. Par une décision n° C.2013-3481 du 9 avril 2014, la chambre disciplinaire a infligé à M. A...la sanction du blâme.
Par une décision n° 12336 du 12 novembre 2015, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a, sur appel du Conseil national de l'ordre des médecins, infligé à M. A...la sanction d'interdiction d'exercer la médecine pendant deux ans, dont un an assorti du sursis et décidé que la sanction prendrait effet à compter du 1er mars 2016.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 décembre 2015 et 4 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Tiphaine Pinault, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A...et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., médecin généraliste, a fait l'objet d'une plainte du Conseil national de l'ordre des médecins, en raison de sa collaboration à un site internet intitulé " Savoir maigrir " ; que M. A... se pourvoit en cassation contre la décision du 12 novembre 2015 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins lui a infligé la sanction d'interdiction du droit d'exercer la médecine pendant deux ans, dont un an avec sursis ;
2. Considérant que M.A..., qui ne conteste ni l'exactitude factuelle des éléments du site " Savoir maigrir " relevés par la décision attaquée ni l'existence d'un échange contradictoire sur ces éléments devant la chambre disciplinaire nationale, n'est pas fondé à soutenir que, faute que ces éléments aient fait l'objet d'une reproduction matérielle et aient été versés comme pièces au dossier pour lui être communiqués, la chambre disciplinaire nationale aurait entaché sa décision d'irrégularité ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, même s'ils portent sur des comportements analogues, les faits qui fondent la sanction infligée à M. A...sont distincts de ceux pour lesquels l'intéressé avait été poursuivi dans le cadre d'une procédure ayant donné lieu à une précédente décision du 1er avril 2009 de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, et sont d'ailleurs postérieurs à cette décision ; que M. A...n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision qu'il attaque, qui est suffisamment motivée sur ce point, aurait méconnu l'autorité de la chose jugée par cette précédente décision, ou qu'en le sanctionnant une seconde fois pour les mêmes faits, elle serait entachée d'erreur de droit ;
Sur la qualification de faute donnée, par le juge disciplinaire, aux faits reprochés à M.A... :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 4127-13 du code de la santé publique : " Lorsque le médecin participe à une action d'information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu'en soit le moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public. Il doit se garder à cette occasion de toute attitude publicitaire, soit personnelle, soit en faveur des organismes où il exerce ou auxquels il prête son concours, soit en faveur d'une cause qui ne soit pas d'intérêt général " ; qu'aux termes de l'article R. 4127-19 du code de la santé publique : " La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce./ Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité et notamment tout aménagement ou signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 4127-20 du même code : " Le médecin doit veiller à l'usage qui est fait de son nom, de sa qualité ou de ses déclarations./ Il ne doit pas tolérer que les organismes, publics ou privés, où il exerce ou auxquels il prête son concours utilisent à des fins publicitaires son nom ou son activité professionnelle " ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en jugeant que le site " Savoir maigrir " présentait, par la manière dont il vantait les mérites de ses recommandations nutritionnelles, le caractère d'un procédé publicitaire, la chambre disciplinaire nationale n'a ni dénaturé ni inexactement qualifié les faits dont elle était saisie ; qu'en jugeant que, eu égard à la notoriété de M. A...et à sa présence dans divers médias en qualité de médecin, le site " Savoir maigrir " devait être regardé comme tirant avantage de la qualité de médecin de M.A..., elle n'a ni commis d'erreur de droit ni dénaturé les faits dont elle était saisie ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'en jugeant que, alors même que M. A... n'était ni dirigeant, ni actionnaire de la société qui exploite le site " Savoir maigrir ", il retirait un avantage financier des services dispensés par celui-ci, la chambre disciplinaire nationale, dont la décision est suffisamment motivée sur ce point, a porté sur les faits dont elle était saisie une appréciation souveraine qui n'est pas entachée de dénaturation ;
7. Considérant, enfin, qu'il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le site internet " Savoir maigrir " dispense, sous la supervision de M.A..., des conseils nutritionnels personnalisés destinés à favoriser la perte de poids, à des fins esthétiques ou de maintien de la santé, moyennant la souscription d'abonnements payants ; qu'en jugeant que la participation de M. A...à cette activité violait les principes déontologiques rappelés au point 4, la chambre disciplinaire nationale n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits dont elle était saisie ;
Sur les autres moyens relatifs à la sanction prononcée par le juge disciplinaire :
8. Considérant qu'en prohibant le recours à des procédés publicitaires par les médecins, les règles déontologiques citées au point 4 poursuivent un objectif d'intérêt général de bonne information des patients et, par suite, de protection de la santé publique ; que M. A...n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la sanction infligée par la décision attaquée porterait à sa liberté d'expression une atteinte excédant les limites que ces finalités d'intérêt général justifient d'y apporter ; que le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, ainsi, en tout état de cause, être écarté ;
9. Considérant que si le choix de la sanction relève de l'appréciation des juges du fond au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il appartient au juge de cassation de vérifier que la sanction retenue n'est pas hors de proportion avec la faute commise et qu'elle a pu dès lors être légalement prise ; que la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a pu légalement estimer que le comportement de M. A...justifiait, eu égard à l'ampleur et à la nature des fautes reprochées, une sanction d'interdiction d'exercer la médecine pendant une durée de deux ans ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. A...doit être rejeté ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...une somme de 2 000 euros à verser au Conseil national de l'ordre des médecins au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. A...est rejeté.
Article 2 : M. A...versera au Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A...et au Conseil national de l'ordre des médecins.