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15/03/2017 | FRANCE | N°393407

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 15 mars 2017, 393407


Vu la procédure suivante :

La SARL Bowling du Hainaut et la SARL Bowling de Saint-Amand-les-Eaux ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la délibération n° 11.026 du 30 juin 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Amand-les-Eaux a annulé la délibération n° 06.121 du 21 décembre 2006 autorisant la vente des parcelles cadastrées AI 331, 278 et 363 à la SARL Bowling du Hainaut, ainsi que la délibération n° 11.027 du 30 juin 2011 approuvant la cession de ces mêmes parcelles à la société Cases Investissements. Par un jugement n° 1105

087 du 19 décembre 2013, le tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt...

Vu la procédure suivante :

La SARL Bowling du Hainaut et la SARL Bowling de Saint-Amand-les-Eaux ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la délibération n° 11.026 du 30 juin 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Amand-les-Eaux a annulé la délibération n° 06.121 du 21 décembre 2006 autorisant la vente des parcelles cadastrées AI 331, 278 et 363 à la SARL Bowling du Hainaut, ainsi que la délibération n° 11.027 du 30 juin 2011 approuvant la cession de ces mêmes parcelles à la société Cases Investissements. Par un jugement n° 1105087 du 19 décembre 2013, le tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 14DA00028 du 9 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la SARL Bowling du Hainaut et la SARL Bowling de Saint-Amand-les-Eaux contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 septembre 2015, 9 décembre 2015 et 15 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SARL Bowling du Hainaut et la SARL Bowling de Sain-Amand-les-Eaux demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Amand-les-Eaux la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emmanuelle Petitdemange, auditeur,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Bowling Du Hainaut et de la société Bowling de Saint- Amand-Les-Eaux, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Saint-Amand-les-Eaux et à la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la SCI Etoile 8 Saint-Amand.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL Bowling du Hainaut a sollicité de la commune de Saint-Amand-les-Eaux l'acquisition des parcelles de son domaine privé cadastrées AI 331, 278 et 363 pour un prix de 307 755 euros. Par une délibération du 21 décembre 2006, le conseil municipal de Saint-Amand-les-Eaux s'est prononcé favorablement sur la cession à la SARL Bowling du Hainaut, ou à toute société qui la substituerait, des parcelles indiquées pour le prix indiqué, et a autorisé, en premier lieu, le paiement échelonné du prix sur une période de cinq ans, avec un échéancier fixé de 2007 à 2011, en deuxième lieu, le maire à signer l'acte de transfert de propriété et, en troisième lieu, la société à déposer le permis de construire sur les parcelles concernées avant la signature de l'acte de transfert de propriété. Par une délibération du 30 juin 2011, le conseil municipal a " annulé " la délibération du 21 décembre 2006 et, par une autre délibération du même jour, a décidé de céder les mêmes parcelles à la société Cases Investissements, ou à toute société qui la substituerait, au prix de 308 000 euros. La SARL Bowling du Hainaut et la SARL Bowling de Saint-Amand-les-Eaux, à laquelle elle s'est substituée, se pourvoient en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai confirmant le jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation des deux délibérations du 30 juin 2011.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la délibération du 21 décembre 2006 du conseil municipal de la commune de Saint-Amand-les-Eaux portait acceptation de l'offre d'acquisition des parcelles en litige soumise à la commune par la SARL Bowling du Hainaut au prix proposé et se bornait à autoriser le paiement échelonné par la société du prix du terrain cédé sur une durée de cinq ans ainsi que la signature par le maire de l'acte de transfert de propriété et toutes les pièces nécessaires à cet acte, sans subordonner expressément la réalisation de la vente à la condition tenant au paiement effectif de ce prix dans les délais de l'échéancier fixé ou à la signature de cet acte. En jugeant que la délibération du 21 décembre 2006 subordonnait l'accord de la commune à des conditions, notamment financières, la cour l'a, par suite, inexactement interprétée.

3. En second lieu, aux termes de l'article 1583 du code civil, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : la vente " est parfaite entre les parties, et la propriété acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée, ni le prix payé ". En vertu de l'article 1599 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " la vente de la chose d'autrui est nulle (...) ".

4. Ainsi qu'il a été dit au point 2, il ressort des termes mêmes de la délibération du 21 décembre 2006 que le conseil municipal de Saint-Amand-les-Eaux s'est prononcé favorablement sur l'offre de la SARL Bowling du Hainaut tendant à lui acheter les parcelles cadastrées AI 331, 278 et 363 pour un prix de 307 755 euros, sans subordonner cet accord à aucune condition. Les parties ayant ainsi marqué leur accord sur l'objet de la vente et sur le prix auquel elle devait s'effectuer, la délibération du 21 décembre 2006 a clairement eu pour effet, en application des dispositions de l'article 1583 du code civil, de parfaire la vente et de transférer à la société la propriété de ces parcelles. Le seul fait que la société n'ait pas honoré les engagements financiers qui lui incombaient en conséquence de la délibération du 21 décembre 2006 n'a pu la priver de cette propriété. Par suite, en jugeant que cette délibération n'avait créé aucun droit au profit des sociétés requérantes au motif que la SARL Bowling du Hainaut, en dépit des dossiers de permis de construire déposés, n'avait jamais consenti à verser aucun des acomptes prévus par l'échéancier ou demandé la passation des actes de transfert de propriété, de sorte que le conseil municipal pouvait légalement décider de rapporter son accord et de céder les parcelles à un tiers, la cour a également commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que l'arrêt attaqué doit être annulé. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le conseil municipal de Saint-Amand-les-Eaux ne pouvait légalement à la date à laquelle il a statué par ses deux délibérations du 30 juin 2011, ni " annuler " la délibération du 21 décembre 2006 par laquelle il avait exprimé son accord sur la demande d'acquisition des parcelles litigieuses formée par la SARL Bowling du Hainaut au prix que celle-ci proposait ni, par voie de conséquence, dès lors que la commune n'en avait plus la propriété, décider de céder ces mêmes parcelles à la société Cases Investissements. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la SARL Bowling du Hainaut et la SARL Bowling de Saint-Amand-les-Eaux sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des deux délibérations du 30 juin 2011 du conseil municipal de Saint-Amand-les-Eaux.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Amand-les-Eaux, pour l'ensemble de la procédure, la somme de 6 000 euros à verser solidairement à la SARL Bowling du Hainaut et la SARL Bowling de Saint-Amand-les-Eaux, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de ces deux sociétés qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 9 juillet 2015 et le jugement du tribunal administratif de Lille du 19 décembre 2013 sont annulés.

Article 2 : La délibération n° 11.026 du 30 juin 2011 du conseil municipal de Saint-Amand-les-Eaux annulant la délibération n° 06.121 du 21 décembre 2006 autorisant la vente des parcelles cadastrées AI 331, 278 et 363 à la SARL Bowling du Hainaut et la délibération n° 11.027 du 30 juin 2011 approuvant la cession de ces mêmes parcelles à la société Cases Investissements sont annulées.

Article 3 : La commune de Saint-Amand-les-Eaux versera solidairement à la SARL Bowling du Hainaut et à la SARL Bowling de Saint-Amand-les-Eaux une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Saint-Amand-les-Eaux et de la société civile immobilière Etoile 8 Saint-Amand présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SARL Bowling du Hainaut, à la SARL Bowling de Saint-Amand-les-Eaux, à la commune de Saint-Amand-les-Eaux et à la société civile immobilière Etoile 8 Saint-Amand.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 393407
Date de la décision : 15/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMPÉTENCE - COMPÉTENCES CONCURRENTES DES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - CONTENTIEUX DE L'APPRÉCIATION DE LA LÉGALITÉ - CAS OÙ UNE QUESTION PRÉJUDICIELLE NE S'IMPOSE PAS - DÉLIBÉRATION D'UN CONSEIL MUNICIPAL AUTORISANT LA VENTE DE PARCELLES À UNE SOCIÉTÉ SANS SUBORDONNER CET ACCORD À AUCUNE CONDITION - CARACTÈRE PARFAIT DE LA VENTE (ART - 1583 DU CODE CIVIL) RÉSULTANT CLAIREMENT DES TERMES DE CETTE DÉLIBÉRATION - EXISTENCE.

17-04-02-02 Délibération d'un conseil municipal autorisant la vente de parcelles de son domaine privé à une société pour un prix donné, sans subordonner cet accord à aucune condition. Les parties ayant ainsi clairement marqué leur accord sur l'objet de la vente et le prix auquel elle devait s'effectuer, cette délibération a eu pour effet, en application des dispositions de l'article 1583 du code civil, de parfaire la vente et de transférer à la société la propriété de ces parcelles. Il en résulte que le conseil municipal ne pouvait légalement, par des délibérations ultérieures, ni annuler cette première délibération ni décider de céder les mêmes parcelles à une autre société.

DOMAINE - DOMAINE PRIVÉ - CONTENTIEUX - COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION JUDICIAIRE - DÉLIBÉRATIONS D'UN CONSEIL MUNICIPAL RELATIVES À L'AUTORISATION DE VENDRE DES PARCELLES DE SON DOMAINE PRIVÉ - ACTE AFFECTANT LE PÉRIMÈTRE OU LA CONSISTANCE DU DOMAINE PRIVÉ COMMUNAL - EXISTENCE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF POUR CONNAÎTRE D'UN RECOURS DIRIGÉ CONTRE CES DÉLIBÉRATIONS (SOL - IMPL) [RJ1].

24-02-03-02 Le juge administratif est compétent pour connaître de la contestation par une personne privée des délibérations d'un conseil municipal ayant respectivement pour objet d'annuler une précédente délibération autorisant la vente de parcelles de son domaine privé à cette dernière et d'autoriser la vente de ces parcelles à une autre personne, dès lors que ces actes affectent le périmètre ou la consistance du domaine privé de la commune.


Références :

[RJ1]

Rappr. TC, 22 novembre 2010, SARL Brasserie du Théâtre c/ Commune de Reims, n° 3764, p. 590.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 mar. 2017, n° 393407
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle Petitdemange
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP DELVOLVE ET TRICHET ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:393407.20170315
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