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27/02/2017 | FRANCE | N°404483

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 27 février 2017, 404483


Vu la procédure suivante :

M. A...D...et Mme C...D...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au recteur de l'académie d'Orléans-Tours d'assurer l'accueil de leur fils B...en unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS), au niveau collège. Par une ordonnance n° 1603164 du 3 octobre 2016, le juge des référés, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, a rejeté leur demande.

Par un pourvoi somm

aire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 octobre et 2 novembre...

Vu la procédure suivante :

M. A...D...et Mme C...D...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au recteur de l'académie d'Orléans-Tours d'assurer l'accueil de leur fils B...en unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS), au niveau collège. Par une ordonnance n° 1603164 du 3 octobre 2016, le juge des référés, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, a rejeté leur demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 octobre et 2 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme D... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. et Mme D...;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) " ;

2. Considérant que la privation pour un enfant, notamment s'il souffre d'un handicap, de toute possibilité de bénéficier d'une scolarisation ou d'une formation scolaire adaptée, selon les modalités que le législateur a définies afin d'assurer le respect de l'exigence constitutionnelle d'égal accès à l'instruction, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; qu'elle est, par suite, de nature à justifier l'intervention du juge des référés sur le fondement de cet article, sous réserve qu'une urgence particulière rende nécessaire l'intervention d'une mesure de sauvegarde dans les quarante-huit heures ;

3. Considérant, en premier lieu, que pour rejeter la demande de M. et Mme D... tendant à ce que soient ordonnées, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, des mesures de scolarisation adaptées pour leur filsB..., le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans s'est fondé sur le motif tiré de ce que " quelle que soit l'appréciation que l'on puisse faire (...) du caractère dommageable " du refus de scolarisation de cet enfant, sa situation était insusceptible d'appeler les mesures de sauvegarde répondant aux conditions rappelées au point 2 ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'apprécier concrètement le caractère dommageable de la situation du jeuneB..., le cas échéant après avoir tenu à cette fin une audience publique, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une première erreur de droit ;

4. Considérant, en second lieu, qu'en jugeant que les cas dans lesquels, pour un enfant souffrant d'un handicap, la privation de toute scolarisation adaptée est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale " restent à inventer " et que " les dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative (...) sont malhabiles à tendre à obliger l'administration à des résultats dans les domaines social ou éducatif ", le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a, par une expression d'ailleurs regrettable, exclu par principe l'opérance des moyens soulevés par les requérants et entaché, par suite, son ordonnance d'une seconde erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme D...sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à la différence d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à laquelle il peut être satisfait s'il est justifié d'une situation d'urgence et de l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, une demande présentée au titre de la procédure particulière de l'article L. 521-2 du même code implique, pour qu'il y soit fait droit, qu'il soit justifié non seulement d'une situation d'urgence particulière rendant nécessaire l'intervention d'une mesure de sauvegarde dans les quarante-huit heures, mais encore d'une atteinte grave portée à la liberté fondamentale invoquée ainsi que de l'illégalité manifeste de cette atteinte ; qu'en particulier, lorsqu'il est soutenu, à l'appui d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-2, qu'un enfant handicapé ne bénéficie pas d'une scolarisation ou d'une formation scolaire adaptée, il appartient au juge des référés d'apprécier le caractère grave et manifestement illégal d'une telle atteinte en tenant compte, d'une part, de l'âge de l'enfant et, d'autre part, des diligences accomplies par l'autorité administrative compétente, au regard des moyens dont elle dispose ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que si l'orientation du jeune B...D...en classe de sixième ordinaire ne répond pas pleinement, nonobstant les différents accompagnements spécifiques mis en place par l'administration, à ses besoins de scolarisation tels qu'ils ont été fixés par la décision du 25 janvier 2016 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du Loiret, les difficultés actuellement rencontrées par cet enfant n'entraînent pas, y compris sur le plan psychique, des conséquences d'une nature telle qu'elles caractériseraient une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, susceptible de justifier l'intervention du juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de rechercher si la condition particulière d'urgence exigée par cet article est remplie, la demande de M. et Mme D...doit être rejetée ;

9. Considérant que, l'Etat n'étant pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à sa charge à ce titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans du 3 octobre 2016 est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. et Mme D...et leur demande présentée devant le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et MmeD..., à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au recteur de l'académie d'Orléans-Tours.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 404483
Date de la décision : 27/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 fév. 2017, n° 404483
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 21/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:404483.20170227
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