Vu les procédures suivantes :
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 juillet 2010 par lequel le Préfet du Morbihan a autorisé l'extension de la station d'épuration du Kerran, située dans la commune de Saint-Philibert (Morbihan) au titre des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l'environnement. Par un jugement n° 1100383 du 7 février 2014, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 14NT00943 du 13 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur l'appel de MmeA..., annulé ce jugement et l'arrêté du 26 juillet 2010 du préfet du Morbihan.
1° Sous le n° 395994, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 8 janvier et le 7 avril 2016, la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 13 novembre 2015 de la cour administrative d'appel de Nantes ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Mme A...;
3°) de mettre à la charge de MmeA..., la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 396144, par un pourvoi enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 janvier 2016, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 13 novembre 2015 de la cour administrative d'appel de Nantes ;
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3° Sous le 398610, par une requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 7 avril 2016, la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique demande au Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner le sursis à exécution de cet arrêt dès lors qu'elle est de nature à entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables et qu'elle a présenté un moyen de nature à en justifier l'annulation ;
2°) de mettre à la charge de Mme A...une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Delamarre, avocat de la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique et à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de Mme A...et autre.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 26 juillet 2010 le préfet du Morbihan a autorisé la construction et la mise en fonctionnement de la station d'épuration de Kerran dans la commune de Saint-Philibert ainsi que le rejet des eaux usées dans le milieu naturel dans le cours d'eau nommé étier du Roc'h Du, affluent de la rivière d'Auray ; que la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique, sous le n° 395994, et la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, sous le n° 396144, demandent l'annulation de l'arrêt du 13 novembre 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé cet arrêté ainsi que le jugement du tribunal administratif de Nantes qui a rejeté la demande formée par MmeA..., propriétaire de l'étier, contre cet arrêté ; que, sous le n° 398610, la même communauté de communes demande le sursis à exécution de cet arrêt ; qu'il y a lieu de joindre ces pourvois et cette requête, qui présentent à juger des questions semblables pour statuer par une seule décision ;
Sur les pourvois :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'article premier des statuts de l'Union pour la mise en valeur esthétique du Morbihan a notamment pour objet " la défense et la mise en valeur du patrimoine breton, et plus spécialement morbihannais, notamment le patrimoine artistique, architectural, culturel et naturel " ; qu'ainsi, en jugeant que, compte tenu des dommages susceptibles d'être causés à l'environnement par les rejets d'une station d'épuration et de la délimitation de son champ d'action géographique, cette association justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour intervenir au soutien des conclusions en annulation formées par MmeA..., la cour administrative d'appel n'a pas entaché son arrêt d'une inexacte qualification juridique des faits ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que l'article R. 214-6 du code de l'environnement dispose que : " I.-Toute personne souhaitant réaliser une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumise à autorisation adresse une demande au préfet (...) III.-Lorsqu'il s'agit de stations d'épuration d'une agglomération d'assainissement ou de dispositifs d'assainissement non collectif, la demande comprend (...) 2° Une description des modalités de traitement des eaux collectées indiquant : (...) d) La localisation de la station d'épuration ou du dispositif d'assainissement non collectif et du point de rejet, et les caractéristiques des eaux réceptrices des eaux usées épurées. " ;
4. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour annuler l'autorisation délivrée par le préfet du Morbihan comme intervenue au terme d'une procédure irrégulière, la cour administrative d'appel a jugé que le dossier de demande d'autorisation, qui indiquait que les effluents de la station d'épuration seraient rejetées dans la rivière d'Auray, ne décrivait pas les caractéristiques des eaux réceptrices au sens des dispositions du d) du 2° du III de l'article R. 214-6 citées au point ci-dessus, dans la mesure où les eaux réceptrices des eaux épurées ne seraient pas constituées par la rivière d'Auray mais par l'étier du Roc'h Du où se situe le point de rejet des effluents, à plus de quatre cents mètres en amont du confluent de ce cours d'eau avec la rivière d'Auray, la demande ne décrivant ni les caractéristiques de l'étier ni les conditions de marée auxquelles il est susceptible d'être soumis dans ses échanges avec la rivière d'Auray ni les incidences éventuelles de ses échanges avec l'étang du Roc'h Du, dont il évacue les eaux vers la rivière d'Auray ;
5. Considérant qu'en retenant que le point de rejet des eaux épurées était prévu par le projet autorisé dans l'étier du Roc'h Du, dont les eaux devait être regardées comme eaux réceptrices au sens des dispositions de l'article R. 214-6 du code de l'environnement rappelées ci-dessus, et que le dossier de la demande n'en décrivait pas les caractéristiques, la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les faits, qu'elle a souverainement appréciés, ni insuffisamment motivé son arrêt ;
6. Considérant que, si les requérantes soutiennent que c'est par une erreur de droit que la cour a relevé que les eaux réceptrices n'étaient pas constituées par la rivière d'Auray, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que c'est à titre surabondant que la cour s'est prononcée sur ce point, dès lors qu'elle a pu sans erreur de droit retenir que les eaux de l'étier du Roc'h Du, où est située le point de rejet des effluents prévu par le projet autorisé, relevaient des eaux réceptrices au sens des dispositions de l'article R. 214-6 ;
7. Considérant, en troisième lieu, que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ; qu'en jugeant que le caractère incomplet de l'étude d'impact jointe au dossier de demande par le maître d'ouvrage de la station d'épuration en raison du vice qui entachait sa description des caractéristiques des eaux réceptrices avait été de nature à nuire à l'information du public et à le priver d'une garantie, la cour administrative d'appel, qui a procédé à la vérification à laquelle elle était tenue des conséquences qu'a revêtues en l'espèce l'irrégularité, n'a pas commis d'erreur de droit et a suffisamment motivé son arrêt ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre chargé de l'environnement et la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur la demande de sursis à exécution de l'arrêt attaqué :
9. Considérant que, par la présente décision, le Conseil d'Etat se prononce sur le pourvoi formé par la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique contre l'arrêt du 13 novembre 2015 de la cour administrative d'appel de Nantes ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme A...et de l'Union pour la mise en valeur esthétique du Morbihan qui ne sont pas, dans les présentes instances, la partie perdante ; que, de même, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée à ce titre par l'Union pour la mise en valeur esthétique du Morbihan qui, intervenante pour la première fois en appel au soutien des conclusions à fin d'annulation présentée par MmeA..., ne saurait être regardée comme une partie devant le juge de cassation ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat d'une part et de la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique d'autre part le versement par chacun à Mme A...d'une somme de 2 000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les pourvois de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et de la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique sont rejetés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 398610 présentée par la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique.
Article 3 : L'Etat et la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique verseront chacun à Mme A...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique et par l'Union pour la mise en valeur esthétique du Morbihan sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, à la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique, à Mme A...et à l'Union pour la mise en valeur esthétique du Morbihan.