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22/02/2017 | FRANCE | N°398272

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 22 février 2017, 398272


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 25 mars et 21 décembre 2016 et le 16 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations Union française de l'électricité et France hydro électricité demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur leur demande tendant au retrait de l'arrêté du 11 septembre 2015 fixant les prescriptions techniques génér

ales applicables aux installations, ouvrages, épis et remblais soumis à autorisati...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 25 mars et 21 décembre 2016 et le 16 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations Union française de l'électricité et France hydro électricité demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur leur demande tendant au retrait de l'arrêté du 11 septembre 2015 fixant les prescriptions techniques générales applicables aux installations, ouvrages, épis et remblais soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement et relevant de la rubrique 3.1.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi du 16 octobre 1919 ;

- la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

1. Considérant qu'eu égard aux termes dans lesquelles elle est rédigée, la requête doit être regardée comme tendant à l'annulation pour excès de pouvoir tant de l'arrêté du 11 septembre 2015 fixant les prescriptions techniques générales applicables aux installations, ouvrages, épis et remblais soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement et relevant de la rubrique 3.1.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement que de la décision de rejet de la demande de retrait de cet arrêté née du silence gardé sur cette demande par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

Sur la légalité externe :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 45 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : " Le Conseil supérieur de l'énergie est consulté sur : / 1° L'ensemble des actes de nature réglementaire émanant du gouvernement intéressant le secteur de l'électricité ou du gaz, à l'exception de ceux qui relèvent du domaine de compétence de la Caisse nationale des industries électriques et gazières ; (...) " ; que ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer la consultation du Conseil supérieur de l'énergie préalablement à l'édiction d'un arrêté fixant les prescriptions générales applicables aux installations, ouvrages, épis et remblais soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement ;

3. Considérant, d'autre part, que l'article 2-1 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, en vigueur à la date de l'arrêté litigieux, prévoit que " Les actes administratifs relatifs à la gestion de la ressource en eau, pris en application du premier alinéa de l'article 1er ou du cinquième alinéa de l'article 2 de la présente loi, du III de l'article L. 212-1 et du premier alinéa de l'article L. 212-3 du code de l'environnement, sont précédés d'un bilan énergétique en évaluant les conséquences au regard des objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz contribuant au renforcement de l'effet de serre et de développement de la production d'électricité d'origine renouvelable. " ; que l'arrêté attaqué n'a pas été pris en application des dispositions mentionnées par cet article, mais des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 211-3 et L. 214-1 à L. 214-5 du code de l'environnement ; que le moyen tiré de ce qu'il aurait été édicté au terme d'une procédure irrégulière, faute d'avoir été précédé d'un bilan énergétique comme le prévoit l'article 2-2 de la loi du 16 octobre 1919, doit être par suite écarté comme inopérant ;

Sur la légalité interne :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement dans sa version alors applicable : " I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ; (...) / 5° La valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource ; (...) / 7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques. (...) / II. - La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : / 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; / 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ; / 3° De l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées. " ; qu'aux termes de l'article L. 214-3 du même code : " I.-Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. / Les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1, les moyens de surveillance, les modalités des contrôles techniques et les moyens d'intervention en cas d'incident ou d'accident sont fixés par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement, par des actes complémentaires pris postérieurement. (...) / II.-Sont soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n'étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3. (...) " ; que la rubrique 3.1.1.0. de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du même code soumet à autorisation ou à déclaration les installations, ouvrages, remblais et épis, situés dans le lit mineur d'un cours d'eau, constituant un obstacle à la continuité écologique et entraînant une différence de niveau supérieure à 20 cm pour le débit moyen annuel de la ligne d'eau entre l'amont et l'aval de l'ouvrage ou de l'installation ;

5. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement : " Après avis des conseils départementaux intéressés, des établissements publics territoriaux de bassin concernés, des comités de bassins et, en Corse, de l'Assemblée de Corse, l'autorité administrative établit, pour chaque bassin ou sous-bassin : / 1° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux parmi ceux qui sont en très bon état écologique ou identifiés par les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux comme jouant le rôle de réservoir biologique nécessaire au maintien ou à l'atteinte du bon état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou dans lesquels une protection complète des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée est nécessaire, sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s'ils constituent un obstacle à la continuité écologique. / Le renouvellement de la concession ou de l'autorisation des ouvrages existants, régulièrement installés sur ces cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux, est subordonné à des prescriptions permettant de maintenir le très bon état écologique des eaux, de maintenir ou d'atteindre le bon état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou d'assurer la protection des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée ; / 2° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 214-109 du même code : " Constitue un obstacle à la continuité écologique, au sens du 1° du I de l'article L. 214-17 et de l'article R. 214-1, l'ouvrage entrant dans l'un des cas suivants : / 1° Il ne permet pas la libre circulation des espèces biologiques, notamment parce qu'il perturbe significativement leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri ; / 2° Il empêche le bon déroulement du transport naturel des sédiments ; / 3° Il interrompt les connexions latérales avec les réservoirs biologiques ; / 4° Il affecte substantiellement l'hydrologie des réservoirs biologiques. " ;

6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'obligation d'assurer la continuité écologique ne s'applique pas aux seuls cours d'eau classés sur les listes prévues aux 1° et 2° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement, mais constitue l'un des objectifs de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau dont les autorités administratives chargées de la police de l'eau doivent assurer le respect sur l'ensemble des cours d'eau ; que, d'une part, l'arrêté du 11 septembre 2015, qui fixe les prescriptions techniques générales applicables aux installations, ouvrages, épis et remblais constituant un obstacle à la continuité écologique, prévoit, à son article 6, que le projet de construction d'un nouvel ouvrage est établi en réduisant au maximum son impact sur la continuité écologique par des dispositifs de franchissement ou des mesures de gestion adaptées aux enjeux du cours d'eau et que le choix des moyens d'aménagement ou de gestion doit tenir compte des principes d'utilisation des meilleures techniques disponibles ainsi que de proportionnalité des corrections demandées au regard de l'impact de chaque ouvrage et de proportionnalité des coûts par rapport aux avantages attendus ; que l'éventuel classement du cours d'eau au titre de l'article L. 214-17 du code de l'environnement, en raison de son très bon état écologique ou de son importance pour la circulation des sédiments et la migration des poissons, fait partie des éléments pris en compte pour apprécier la proportionnalité des prescriptions édictées ; que, d'autre part, les articles 6 et 7 de l'arrêté attaqué limitent aux seuls cours d'eau classés leur application dans le cas de renouvellements d'autorisations, de modifications d'ouvrages existants conduisant à une augmentation de la hauteur du seuil ou du barrage si cette augmentation est susceptible d'avoir des impacts négatifs sur la continuité écologique et des modifications d'ouvrages existants conduisant à une nouvelle autorisation, ainsi que lors des remises en service d'installations et des demandes de modifications, notamment lorsqu'elles conduisent à une augmentation de l'usage de la ressource en eau, s'agissant du respect de la continuité écologique ; qu'il suit de là que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté du 11 septembre 2015 méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 214-17 du code de l'environnement en tant qu'il imposerait les mêmes prescriptions techniques aux ouvrages et installations constituant un obstacle à la continuité écologique sans distinguer selon qu'ils sont ou non situés sur des cours d'eau classés au titre du 1° ou du 2° du I de cet article ;

7. Considérant enfin que, si les articles 9 et 10 de l'arrêté du 11 septembre 2015 fixent des prescriptions et des préconisations pour l'aménagement de dispositifs assurant la continuité piscicole du cours d'eau en amont et en aval de l'ouvrage, son article 6 prévoit que de tels dispositifs ne sont nécessaires qu'en tant que l'ouvrage ne maintient pas cette continuité à un niveau suffisant pour permettre, notamment, l'accomplissement du cycle biologique des poissons migrateurs ; que son article 12 définit le débit qui doit être maintenu à l'aval d'un barrage afin de garantir le débit minimum biologique du cours d'eau ainsi que d'atténuer ou d'éviter les conflits d'usage avec les autres intérêts énumérés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement ; que son article 13 prévoit, sans l'imposer, que dans le cas de barrages réservoirs, le pétitionnaire peut être amené à réaliser des lâchers d'eau périodiques ; qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, le principe de proportionnalité entre les corrections demandées au regard de l'impact de chaque ouvrage et entre les coûts des moyens techniques mis en oeuvre pour garantir la continuité écologique et les avantages attendus s'applique aux prescriptions ainsi prévues par l'arrêté litigieux, eu égard, notamment, au bénéfice attendu de la production électrique éventuellement envisagée ; que, dès lors, les dispositions rappelées ci-dessus ne méconnaissent pas le principe de gestion équilibrée et durable de l'eau, tel qu'il résulte de l'article L. 211-1 du code de l'environnement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté litigieux serait entaché sur ces points d'une erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du 11 septembre 2015 et de la décision implicite par laquelle le ministre chargé de l'écologie a rejeté leur demande tendant au retrait de ce dernier ; que leur requête ne peut, par suite, qu'être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er: La requête des associations Union française de l'électricité et France Hydro Electricité est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée aux associations Union française de l'électricité et France Hydro Electricité.

Copie en sera adressée à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 398272
Date de la décision : 22/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 2017, n° 398272
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyrille Beaufils
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen

Origine de la décision
Date de l'import : 07/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:398272.20170222
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