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22/02/2017 | FRANCE | N°396364

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 22 février 2017, 396364


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 25 janvier 2016, la société Famille A...B...et la société Vincent A...investissements demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande du 24 juin 2015 tendant à l'abrogation des articles R. 611-13 et R. 611-16 du code de commerce ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice a

dministrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamme...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 25 janvier 2016, la société Famille A...B...et la société Vincent A...investissements demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande du 24 juin 2015 tendant à l'abrogation des articles R. 611-13 et R. 611-16 du code de commerce ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 62 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de commerce ;

- la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 ;

- la décision du 6 avril 2016 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les sociétés Famille A...B...et Vincent A...investissements ;

- la décision n° 2016-548 QPC du 1er juillet 2016 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les sociétés Famille A...B...et Vincent A...investissements ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.

1. Considérant qu'en vertu des articles L. 232-21 à L. 232-23 du code de commerce, les sociétés commerciales sont tenues de déposer au greffe du tribunal de commerce, selon les cas dans un délai de un ou deux mois, leurs comptes annuels pour qu'ils soient annexés au registre du commerce et des sociétés ; qu'aux termes de l'article L. 611-2 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer : " I. Lorsqu'il résulte de tout acte, document ou procédure qu'une société commerciale, un groupement d'intérêt économique, ou une entreprise individuelle, commerciale ou artisanale connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, ses dirigeants peuvent être convoqués par le président du tribunal de commerce pour que soient envisagées les mesures propres à redresser la situation. / A l'issue de cet entretien ou si les dirigeants ne se sont pas rendus à sa convocation, le président du tribunal peut, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, obtenir communication, par les commissaires aux comptes, les membres et représentants du personnel, les administrations publiques, les organismes de sécurité et de prévoyance sociales ainsi que les services chargés de la centralisation des risques bancaires et des incidents de paiement, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière du débiteur. / II. - Lorsque les dirigeants d'une société commerciale ne procèdent pas au dépôt des comptes annuels dans les délais prévus par les textes applicables, le président du tribunal peut leur adresser une injonction de le faire à bref délai sous astreinte. / Si cette injonction n'est pas suivie d'effet dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, le président du tribunal peut également faire application à leur égard des dispositions du deuxième alinéa du I. / Le II est applicable, dans les mêmes conditions, à tout entrepreneur individuel à responsabilité limitée qui ne procède pas au dépôt des comptes annuels ou documents mentionnés au premier alinéa de l'article L. 526-14, lorsque l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté est commerciale ou artisanale " ;

2. Considérant que l'article R. 611-13 du code de commerce précise que : " Pour l'application du II de l'article L. 611-2, le président du tribunal rend une ordonnance faisant injonction au représentant légal de la personne morale de déposer les comptes annuels ou à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée de déposer les documents mentionnés au premier alinéa de l'article L. 526-14 dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la signification de l'ordonnance, sous peine d'astreinte. / Cette ordonnance fixe le taux de l'astreinte et mentionne, en outre, les lieux, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera examinée. / Elle n'est pas susceptible de recours " ; qu'aux termes de l'article R. 611-16 du même code : " En cas d'inexécution de l'injonction de faire qu'il a délivrée, le président du tribunal statue sur la liquidation de l'astreinte. / Il statue en dernier ressort lorsque le montant de l'astreinte n'excède pas le taux de compétence en dernier ressort du tribunal de commerce. / Le montant de la condamnation prononcée est versé au Trésor public et recouvré comme en matière de créances étrangères à l'impôt. / La décision est communiquée au Trésor public et signifiée à la diligence du greffier au représentant légal de la personne morale ou à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée. L'appel est formé, instruit et jugé selon les règles applicables à la procédure sans représentation obligatoire " ;

3. Considérant que, par une lettre du 24 juin 2015, la société anonyme Famille A...B...et la société anonyme Vincent A...investissements ont saisi le Premier ministre d'une demande tendant à l'abrogation des articles R. 611-13 et R. 611-16 du code de commerce ; que les deux sociétés demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur cette demande ;

4. Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ; que, toutefois, cette autorité ne saurait être tenue d'accueillir une telle demande dans le cas où l'illégalité du règlement a cessé, en raison d'un changement de circonstances, à la date à laquelle elle se prononce ;

5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-548 QPC du 1er juillet 2016 que les sociétés requérantes, dont la question prioritaire de constitutionnalité portait sur le II de l'article L. 611-2 du code de commerce, ne sont pas fondées à soutenir que ces dispositions porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ;

6. Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 611-2 du code de commerce, le président du tribunal de commerce, lorsqu'il constate qu'une société commerciale n'a pas déposé ses comptes annuels au greffe du tribunal en méconnaissance des articles L. 232-21 à L. 232-23 du code de commerce, peut lui enjoindre sous astreinte de le faire à bref délai ; que cette mesure, qui n'est pas une sanction ayant le caractère d'une punition, constitue une mesure comminatoire dont le seul objet est de contraindre cette société à exécuter cette obligation légale ; que, par principe, les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne font pas obstacle à ce que le président du tribunal de commerce se saisisse de son propre mouvement de cette situation pour prononcer une injonction ; que cette auto-saisine est justifiée par le constat, de nature purement objective, de l'absence de dépôt des comptes par la société ; que le président du tribunal de commerce ne prend aucunement parti, à ce stade, sur l'appréciation qu'il doit, le cas échéant, porter après un débat contradictoire, au moment de la liquidation de l'astreinte ; que cette faculté donnée au président du tribunal de commerce n'est ainsi pas de nature à faire naître des doutes objectivement fondés quant à la circonstance que cette appréciation serait prédéterminée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions des articles L. 611-2, R. 611-13 et R. 611-16 du code de commerce méconnaîtraient l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en tout état de cause, être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision qu'elles attaquent ; que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la société Famille A...B...et de la société Vincent A...investissements est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée aux sociétés Famille A...B...et Vincent A...investissements, au Premier ministre, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 396364
Date de la décision : 22/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 2017, n° 396364
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester

Origine de la décision
Date de l'import : 07/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:396364.20170222
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