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22/02/2017 | FRANCE | N°392276

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 22 février 2017, 392276


Vu la procédure suivante :

La société anonyme Gan Eurocourtage, aux droits et obligations de laquelle est venue la société Allianz I.A.R.D., subrogée dans les droits de ses assurés, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande tendant au versement par l'Etat d'une somme de 270 000 euros, assortie des intérêts capitalisés à compter du 13 octobre 2011, sur le fondement de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales. Par un jugement n° 1202246/3-3 du 11 mars 2014,

le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n...

Vu la procédure suivante :

La société anonyme Gan Eurocourtage, aux droits et obligations de laquelle est venue la société Allianz I.A.R.D., subrogée dans les droits de ses assurés, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande tendant au versement par l'Etat d'une somme de 270 000 euros, assortie des intérêts capitalisés à compter du 13 octobre 2011, sur le fondement de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales. Par un jugement n° 1202246/3-3 du 11 mars 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14PA01948 du 28 mai 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Allianz I.A.R.D. contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 août 2015, 3 novembre 2015 et 18 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Allianz I.A.R.D. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Allianz I.A.R.D. ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). /Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs (...) ont été entendus (...) ".

2. Il ne ressort d'aucune des mentions de la minute de l'arrêt attaqué que le rapporteur public a été entendu lors de l'audience à laquelle a été portée la requête de la société Allianz I.A.R.D. Ainsi, cet arrêt ne fait pas la preuve que la procédure à l'issue de laquelle il a été prononcé a été régulière. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Allianz I.A.R.D. est fondée à en demander l'annulation.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

4. En se bornant à relever qu'une cinquantaine de manifestants et militants de la " Confédération paysanne ", qui revendiquaient sans succès l'attribution de deux sièges dans le collège des producteurs de l'interprofession laitière, sont entrés le 8 septembre 2010 dans les locaux de la " Maison du lait " et les ont occupés jusqu'au 14 octobre 2010, une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris ayant ordonné leur expulsion le 6 octobre 2010, si besoin avec le concours de la force publique, et qu'au cours de cette période des dégradations ont été constatées, pour juger qu'eu égard notamment à leur caractère prémédité et concerté, et alors même qu'elles ont résulté de délits commis à force ouverte contre des biens avec le concours de plusieurs personnes, cette occupation illicite et les détériorations qui s'en sont suivies ne peuvent être regardées comme ayant été commises par un attroupement ou un rassemblement, au sens et pour l'application de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales désormais repris à l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, le tribunal administratif de Paris a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, le jugement attaqué doit être annulé.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société anonyme Gan Eurocourtage devant le tribunal administratif de Paris aux droits et obligations de laquelle est venue la société Allianz I.A.R.D.

6. Aux termes de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales, applicable au litige et désormais repris à l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. /Il peut exercer une action récursoire contre la commune lorsque la responsabilité de celle-ci se trouve engagée ".

7. Il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal d'infraction initial dressé le 21 octobre 2010, à partir des déclarations de la secrétaire générale de la SCI " Maison du lait ", que le 8 septembre 2010, vers 15 heures, une cinquantaine de militants de la " Confédération paysanne " ont fait irruption dans les locaux de la " Maison du lait " situés 42, rue de Châteaudun à Paris (9e), munis de sacs de couchage, de sacs à dos et de provisions, pour faire entendre leur revendication tendant à l'attribution de deux sièges au collège des producteurs de l'interprofessionnelle laitière. Après avoir enjoint aux salariés de quitter les lieux, les militants ont occupé ceux-ci jusqu'au 14 octobre suivant, date à laquelle ils ont été expulsés avec le concours de la force publique sur le fondement d'une ordonnance du 6 octobre 2010 du président du tribunal de grande instance de Paris. Eu égard au caractère prémédité de cette action, les dommages, notamment les destructions et détériorations, qui en ont résulté et dont la société Allianz I.A.R.D. demande réparation à l'Etat, ne sauraient être regardés comme le fait d'un attroupement ou d'un rassemblement, au sens de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de police en défense, que la société Allianz I.A.R.D. n'est pas fondée à demander réparation à l'Etat du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des actions qui se sont déroulées dans les locaux de la " Maison du lait " du 8 septembre au 14 octobre 2010.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 28 mai 2015 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 11 mars 2014 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la société Allianz I.A.R.D. devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société Allianz I.A.R.D. présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Allianz I.A.R.D. et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 392276
Date de la décision : 22/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 2017, n° 392276
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:392276.20170222
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