Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 2 septembre 2014 et le 13 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association pour la protection des animaux sauvages, l'association One Voice, l'association Ferus, l'association Ligue pour la protection des oiseaux et l'association France Nature Environnement demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 août 2014 de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt portant expérimentation pour la mise en oeuvre de tirs de prélèvements de loups au sens de l'arrêté du 15 mai 2013 fixant les conditions et limites dans lesquelles les dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive n° 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 15 mai 2013 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Chavanat, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Ricard, avocat de l'Association pour la protection des animaux sauvages et autres ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la directive n° 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage, dite directive " Habitats " : " 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l'annexe IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant : a) toute forme de capture ou de mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature ; b) la perturbation intentionnelle de ces espèces, notamment durant la période de reproduction et de dépendance (...) " ; que le loup (Canis lupus) est au nombre des espèces figurant à l'annexe IV point a) de la directive ; que l'article 16 de la même directive prévoit que : " 1. A condition qu'il n'existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les Etats membres peuvent déroger aux dispositions des article 12, 13, 14 et de l'article 15 points a) et b) : (...) b) pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété " ; qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " Lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient la conservation d'espèces animales non domestiques (...) sont interdits : 1° (...) la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces (...) " ; que l'article L. 411-2 du même code dispose : " Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : 1° La liste limitative des habitats naturels, des espèces animales non domestiques (...) ainsi protégés ; (...) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, (...) " ; que, selon l'article R. 411-1, pris pour l'application de cette disposition, la liste prévue à l'article L. 411-2 est établie par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et du ministre chargé de l'agriculture ; qu'aux termes de l'article R. 411-8 : " Lorsqu'elles concernent des animaux appartenant à une espèce de vertébrés protégée au titre de l'article L. 411-1, menacée d'extinction en France en raison de la faiblesse, observée ou prévisible, de ses effectifs et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département, les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont délivrées par le ministre chargé de la protection de la nature, pour les opérations suivantes : prélèvement, capture, destruction, transport en vue d'une réintroduction dans le milieu naturel, destruction, altération ou dégradation du milieu particulier de l'espèce " ; que l'article R. 411-8-1 dispose : " La liste des espèces mentionnées à l'article R. 411-8 est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés, respectivement, de la protection de la nature et de l'agriculture et, lorsqu'elle concerne des espèces marines, par le ministre chargé des pêches maritimes, après avis du Conseil national de la protection de la nature " ;
2. Considérant que, par un arrêté du 15 mai 2013, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ont fixé les conditions et limites dans lesquelles les préfets peuvent accorder des dérogations aux interdictions de destruction du loup ; que cet arrêté prévoit la fixation annuelle d'un nombre maximum de spécimens pouvant être détruits, la délimitation par les préfets des départements dont la liste est fixée par arrêté ministériel des " unités d'actions " correspondant aux aires où la prédation du loup est possible, des autorisations de destruction par mise en oeuvre de tirs de prélèvement, qui peuvent intervenir lorsque des dommages importants dans les élevages persistent malgré la mise en oeuvre d'autres mesures, délivrées par les préfets qui définissent la zone d'intervention au sein des " unités d'actions " ; que ce même arrêté prévoit que les opérations de tirs de prélèvement ne peuvent être mises en oeuvre que pour une durée d'un mois reconductible et que les tirs sont interrompus dans la zone considérée lorsqu'un loup est détruit, quelle que soit la cause de cette destruction ; qu'enfin, ce même arrêté prévoit que " les opérations de tirs de prélèvement sont réalisées sous le contrôle technique de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage par toute personne compétente sous réserve qu'elle soit titulaire d'un permis de chasser (...), et notamment des lieutenants de louveterie ou des gardes particuliers assermentés " et que " la liste des personnes habilitées à participer aux tirs de prélèvement autres que les agents de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage est fixée par le préfet " ;
3. Considérant que l'arrêté du 5 août 2014, dont les associations requérantes demandent l'annulation pour excès de pouvoir, prévoit que, " à titre expérimental et jusqu'au 30 juin 2015 ", les préfets des départements mentionnés sur la liste fixée par arrêté ministériel peuvent délimiter des zones où, " compte tenu de l'importance de la pression de prédation et des dommages aux élevages ", les opérations de destruction de spécimens de loups sont régies, d'une part, par les dispositions de l'arrêté du 15 mai 2013 à l'exception de celles relatives à la limitation à un mois reconductible des opérations de tirs de prélèvement et d'interruption de ces opérations en cas de destruction d'un loup quelle qu'en soit la cause, d'autre part, par des dispositions particulières fixées par cet arrêté ; que ces dispositions particulières prévoient que les opérations de tirs de prélèvements peuvent être mises en oeuvre pour une durée de deux mois reconductible, que les tirs de prélèvements peuvent être réalisés à l'occasion de battues au grand gibier, de la chasse à l'approche ou à l'affût d'espèces de grand gibier et qu'en l'absence d'un agent de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, un lieutenant de louveterie ou un chasseur assermenté est désigné comme responsable de l'opération ;
Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :
4. Considérant que le projet d'arrêté, d'une part, a été soumis à l'avis du Conseil national de la protection de la nature et, d'autre part, a fait l'objet d'une mise à disposition du public par voie électronique, conformément aux dispositions du II de l'article L. 120-1 du code de l'environnement dans sa version alors en vigueur ; qu'il ressort des pièces du dossier que si ce projet a été modifié après que le Conseil national de la protection de la nature a rendu son avis et en cours de consultation publique, ces modifications, qui portaient principalement sur l'extension du dispositif expérimental dans les départements concernés, et non plus seulement à certaines communes de ces départements telles que mentionnées dans la première version du projet d'arrêté, ne soulevaient aucune question nouvelle imposant une nouvelle consultation du Conseil national de la protection de la nature ; que le moyen tiré de ce que la participation du public et la consultation du Conseil national de la protection de la nature seraient par suite irrégulières doit, en conséquence, être écarté ;
Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :
5. Considérant que les requérants soutiennent que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions rappelées au point 1, dès lors qu'il ne permettrait pas d'assurer le respect du plafond national de loups détruits et comporterait un risque d'extermination du loup dans certaines zones de son aire de répartition naturelle, en raison de l'abandon de la règle d'arrêt des tirs dans une zone en cas de destruction d'un loup, de l'extension de l'expérimentation à l'ensemble des départements sans prise en considération des " unités d'action ", de la possibilité de réaliser les tirs de prélèvement à l'occasion d'actions de chasse et de l'absence de garantie quant à la participation exclusive de chasseurs habilités aux opérations et quant à l'exercice de son contrôle sur ces opérations par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que les zones ainsi définies par les préfets s'inscrivent dans le cadre des " unités d'action " mentionnées au point 2 ; que les chasseurs doivent en outre être habilités par l'autorité préfectorale et sont placés sous le contrôle de l'office, y compris dans le cadre d'actions de chasse, l'arrêté attaqué ne modifiant pas sur ces points les dispositions de l'arrêté du 15 mai 2013 ; qu'au demeurant, l'arrêté attaqué n'apporte aucune modification aux dispositions en vigueur relatives au nombre maximum de prélèvements autorisés et aux dispositions organisant l'information des autorités en cas de destruction d'un loup, de façon à assurer une connaissance en temps réel du nombre total de spécimens détruits ; que l'arrêté attaqué n'autorise la mise en oeuvre des dérogations qu'à titre expérimental, pour une durée très limitée et de façon proportionnée à l'importance de la pression de prédation et des dommages infligés par les loups aux élevages ; qu'enfin, les articles 5 et 6 de l'arrêté attaqué précisent que des bilans de chacune des opérations régies par l'arrêté sont établis par les préfets, au plus tard dix jours après leur terme, qu'un bilan global est établi en fin de période d'intervention, au plus tard le 31 mars 2015, qu'un bilan de l'expérimentation est réalisé au plus tard neuf mois après la date de signature du présent arrêté, que les préfets concernés transmettent au préfet de la région Rhône-Alpes, chargé de la mission de coordination interrégionale sur le loup, un rapport d'évaluation et de propositions et que ce préfet réalise la synthèse et la transmet au ministre chargé de la protection de la nature ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le moyen soulevé par les requérants ne peut être accueilli ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ; que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'Association pour la protection des animaux sauvages et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Association pour la protection des animaux sauvages, premier requérant dénommé, et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Les autres requérants en seront informés par Maître A...Ricard, avocat au Conseil d'Etat et à la cour de cassation, qui les représente dans la présente instance.