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08/02/2017 | FRANCE | N°393482

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 08 février 2017, 393482


Vu la procédure suivante :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Fort-de-France de condamner le centre hospitalier universitaire de Fort-de-France à l'indemniser des préjudices ayant résulté pour elle de sa prise en charge dans cet établissement en avril et mai 2006. Par un jugement n° 1000555 du 30 novembre 2012, le tribunal administratif, après avoir mis en cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), a condamné cet office à prendre en charge les préjudices de Mme A...au titre d

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Vu la procédure suivante :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Fort-de-France de condamner le centre hospitalier universitaire de Fort-de-France à l'indemniser des préjudices ayant résulté pour elle de sa prise en charge dans cet établissement en avril et mai 2006. Par un jugement n° 1000555 du 30 novembre 2012, le tribunal administratif, après avoir mis en cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), a condamné cet office à prendre en charge les préjudices de Mme A...au titre de la solidarité nationale sur le fondement du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique à hauteur de 326 338,20 euros et à lui rembourser à mesure de leur engagement, sur justificatifs, ses frais d'assistance par une tierce personne.

Par un arrêt n° 13BX00558 du 5 mai 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel de l'ONIAM et l'appel incident de Mme A...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 septembre et 11 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ONIAM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Lambron, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'ONIAM, à la SCP Foussard, Froger, avocat de Mme A... et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Fort-de-France.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A...a subi les 24 avril et 6 mai 2006 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Fort-de-France deux opérations dont elle conserve des séquelles sous la forme d'un syndrome de la queue de cheval partiel ; que, par un jugement du 30 novembre 2012, le tribunal administratif de Fort-de-France a retenu que ces séquelles résultaient d'un aléa thérapeutique et mis la réparation des préjudices de la victime à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de la solidarité nationale sur le fondement du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; que l'ONIAM se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 mai 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel dirigé contre ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire " ; que l'article D. 1142-1 du même code définit le seuil de gravité prévu par ces dispositions législatives ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du même code ; que la condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu'ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage ;

4. Considérant qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est fondée, pour estimer que le dommage subi par Mme A... satisfaisait à la condition d'anormalité prévue par les dispositions du II de l'article L. 1142-1 citées ci-dessus, sur la circonstance que l'intéressée était atteinte du fait de son état antérieur d'une incapacité permanente partielle évaluée à 30 % et que, du fait des séquelles des deux interventions chirurgicales, ce taux était passé à 80 % ; qu'en jugeant que cette augmentation du taux d'invalidité de la victime révélait à elle seule le caractère anormal du dommage, sans rechercher si les opérations en cause avaient entraîné chez elle des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles elle était exposée de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ni, dans la négative, si le dommage qu'elle a subi avait présenté une probabilité faible, la cour a commis une erreur de droit ; que cette erreur justifie, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, l'annulation de son arrêt en tant qu'il statue sur l'indemnisation par l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, des préjudices subis par MmeA... ;

5. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour mettre à la charge de Mme A...la somme demandée par l'ONIAM ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'ONIAM qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 5 mai 2015 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé en tant qu'il statue sur l'indemnisation par l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, des préjudices subis par MmeA....

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux dans cette mesure.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'ONIAM est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à MmeB..., à la caisse générale de sécurité sociale de Martinique et au centre hospitalier universitaire de Fort-de-France.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 393482
Date de la décision : 08/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 08 fév. 2017, n° 393482
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Lambron
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP SEVAUX, MATHONNET ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:393482.20170208
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