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08/02/2017 | FRANCE | N°392882

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 08 février 2017, 392882


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier (CH) de Valenciennes à lui verser les sommes de 300 000 euros et de 150 000 euros en réparation des préjudices physique et moral subis à la suite de l'hystérectomie totale dont elle a fait l'objet en octobre 2007. Par un jugement n° 0904686 du 17 juillet 2013, le tribunal administratif a, d'une part, condamné le CH de Valenciennes à verser à Mme A...une somme de 23 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2009 et capitalisation de ces

intérêts à compter du 23 juillet 2010 et, d'autre part, condamné ce...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier (CH) de Valenciennes à lui verser les sommes de 300 000 euros et de 150 000 euros en réparation des préjudices physique et moral subis à la suite de l'hystérectomie totale dont elle a fait l'objet en octobre 2007. Par un jugement n° 0904686 du 17 juillet 2013, le tribunal administratif a, d'une part, condamné le CH de Valenciennes à verser à Mme A...une somme de 23 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2009 et capitalisation de ces intérêts à compter du 23 juillet 2010 et, d'autre part, condamné cet établissement à verser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Hainaut une somme de 30 532,40 euros en remboursement de ses débours ainsi qu'une somme de 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un arrêt n° 13DA01567 du 23 juin 2015, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par le CH de Valenciennes contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 24 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le CH de Valenciennes demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Lambron, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat du CH de Valenciennes, à Me Occhipinti, avocat de Mme A..., à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la CPAM du Hainaut.

1. Considérant, d'une part, qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le juge saisi du recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale : " L'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme " ; qu'eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par ces dispositions législatives et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité ; que, dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice ;

3. Considérant que, pour se conformer aux règles rappelées ci-dessus, il appartenait aux juges du fond de déterminer, en premier lieu, si l'incapacité permanente conservée par Mme A...en raison des fautes commises par le centre hospitalier de Valenciennes entraînait des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils donnaient lieu au versement d'une pension d'invalidité ; que, pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices étaient réparés par la pension, il y avait lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subissait pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes était inférieur au capital représentatif de la pension ; que, dès lors qu'il avait été définitivement jugé que les fautes commises par le centre hospitalier engageaient son entière responsabilité, le montant intégral des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle devait être mis à sa charge ; que la victime devait se voir allouer, le cas échéant, une somme correspondant à la part de ces postes de préjudice non réparée par la pension, évaluée ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le solde étant versé à la CPAM du Hainaut ;

4. Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour a retenu que Mme A...ne justifiait pas de la perte de revenus professionnels qu'elle aurait subie pendant les périodes d'activité ou d'incapacité temporaire totale postérieures au dommage, qu'elle ne produisait aucun élément de nature à établir qu'elle aurait subi une perte de revenus à compter du versement de sa pension d'invalidité et qu'elle n'établissait pas que la faute du centre hospitalier lui aurait fait perdre une chance de faire évoluer favorablement sa carrière professionnelle ; qu'en condamnant le CH de Valenciennes à rembourser à la CPAM du Hainaut le montant de la pension d'invalidité versée pour la période du 1er mai 2010 au 28 février 2013, puis au fur à mesure du versement des arrérages jusqu'à la fin de son versement, alors qu'elle avait préalablement énoncé que la victime ne pouvait prétendre à aucune indemnisation au titre des pertes de revenus ou de l'incidence professionnelle, la cour n'a pas mis en oeuvre la règle rappelée ci-dessus ; que son arrêt est par suite entaché, sur ce point, d'une erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CH de Valenciennes est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la réparation des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité de Mme A...et sur les droits de la CPAM du Hainaut au remboursement de la pension d'invalidité versée à la victime ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du hospitalier de Valenciennes qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; que les conclusions présentées par Mme A...à ce titre doivent, par suite, être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 23 juin 2015 est annulé en tant qu'il statue sur la réparation des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité de Mme A...et sur les droits de la CPAM du Hainaut au remboursement de la pension d'invalidité versée à la victime.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai dans la mesure de la cassation prononcée.

Article 3 : Les conclusions de Mme A...au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier de Valenciennes, à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut, à Mme B... A...et à l'office national d'indemnsiation des accidents médicaux, des affectations iatrogènes et des infections nosocomiales.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 392882
Date de la décision : 08/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 08 fév. 2017, n° 392882
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Lambron
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; OCCHIPINTI ; LE PRADO ; SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:392882.20170208
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