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03/02/2017 | FRANCE | N°390437

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 03 février 2017, 390437


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 23 mai 2014, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre a ordonné le sursis à statuer sur le recours par lequel la Société d'aménagement des territoires, anciennement SENIM, a assigné la société GDF Suez en responsabilité délictuelle pour méconnaissance de son obligation de remise en état du site sur lequel elle a exploité une usine à gaz, et a invité les parties à saisir la juridiction administrative de l'appréciation de la légalité de l'arrêté n° 00.0048 N du 27 mars 2000 par lequel le

préfet du Gard a prescrit à la commune de Nîmes, représentée par la SENIM, la...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 23 mai 2014, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre a ordonné le sursis à statuer sur le recours par lequel la Société d'aménagement des territoires, anciennement SENIM, a assigné la société GDF Suez en responsabilité délictuelle pour méconnaissance de son obligation de remise en état du site sur lequel elle a exploité une usine à gaz, et a invité les parties à saisir la juridiction administrative de l'appréciation de la légalité de l'arrêté n° 00.0048 N du 27 mars 2000 par lequel le préfet du Gard a prescrit à la commune de Nîmes, représentée par la SENIM, la remise en état du site.

La Société d'aménagement des territoires, agissant sur le fondement de cette ordonnance, a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'apprécier la légalité de l'arrêté du préfet du Gard n° 00.0048 N du 27 mars 2000 et de déclarer que cet arrêté est illégal.

Par un jugement n° 1402886 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Nîmes a déclaré que l'exception d'illégalité de l'arrêté du 27 mars 2000 soulevée par la Société d'aménagement des territoires devant le tribunal de grande instance de Nanterre n'est pas fondée.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 mai 2015 et 25 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la Société d'aménagement des territoires demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de déclarer que l'arrêté préfectoral du 27 mars 2000 est entaché d'illégalité ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ;

- le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public.

1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont soumis aux dispositions de la présente loi les usines, ateliers, dépôts, chantiers, et d'une manière générale les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments. (...) " ; que le I de l'article 34-1 du décret du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que : " Lorsqu'une installation classée est mise à l'arrêt définitif, son exploitant remet son site dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 susvisée. / Le préfet peut à tout moment imposer à l'exploitant les prescriptions relatives à la remise en état du site, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article 18 ci-dessus. " ; que l'obligation de remise en état du site imposée par l'article 34-1 du décret est applicable alors même que l'installation a cessé d'être exploitée avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 1976 ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société SENIM, agissant dans le cadre d'une mission d'aménagement que lui avait contractuellement confiée la commune de Nîmes, a conclu le 22 juillet 1999 avec la société Gaz de France (GDF) une convention par laquelle elles s'associaient pour mener à bien les études et travaux de réhabilitation des parcelles situées dans l'emprise d'une ancienne usine à gaz exploitée par GDF de 1946 à 1972 ; que par arrêté n° 00.048 N du 27 mars 2000, le préfet du Gard a, sur le fondement des dispositions citées au point précédent, prescrit à la commune de Nîmes, propriétaire des parcelles nos HE 680, HE 622 et HE 720 situées dans cette emprise, de faire procéder à leur remise en état ; que cet arrêté n'a pas fait l'objet d'un recours contentieux ; que par ordonnance du 23 mai 2014, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre, dans une instance opposant la Société d'aménagement des territoires (SAT), anciennement SENIM, à la société GDF Suez, venant aux droits de Gaz de France, a notamment ordonné le sursis à statuer sur les demandes de la Société d'aménagement des territoires jusqu'à ce que le tribunal administratif de Nîmes se soit prononcé sur la question préjudicielle de la légalité de l'arrêté n° 00.048 N du 27 mars 2000 en ce qu'il met l'obligation initiale de remise en état du site à la charge du nouveau propriétaire des parcelles ; que, saisi par une requête de la SAT, le tribunal administratif de Nîmes a, par un jugement du 26 mars 2015 dont la SAT demande l'annulation, déclaré légal l'arrêté préfectoral du 27 mars 2000 ;

3. Considérant qu'incombe à l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement, à son ayant droit ou à celui qui s'est substitué à lui, la mise en oeuvre des mesures permettant de remettre en état le site qui a été le siège de l'exploitation dans l'intérêt, notamment, de la santé ou de la sécurité publique et de la protection de l'environnement ;

4. Considérant que la convention conclue entre la SENIM et GDF, pour mener à bien les études et travaux de réhabilitation des parcelles situées dans l'emprise où GDF avait exploité une usine à gaz, ne pouvait avoir pour effet de substituer la SENIM à l'ancien exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement seul soumis, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à l'obligation légale de remise en état du site sur lequel se trouvait l'installation ; que, par suite, à supposer que son arrêté ait pu être pris dans l'exercice des pouvoirs qu'il tenait de la législation des installations classées, le préfet ne pouvait légalement imposer à la SENIM de procéder à la remise en état des parcelles ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la Société d'aménagement des territoires est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à ce que l'arrêté du préfet du Gard du 27 mars 2000 soit déclaré illégal ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la société Engie soit mise à ce titre à la charge de la Société d'aménagement des territoires qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la Société d'aménagement des territoires au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 mars 2015 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Gard n° 00.0048 N du 27 mars 2000 est déclaré illégal.

Article 3 : L'État versera à la Société d'aménagement des territoires une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Engie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Société d'aménagement des territoires, à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, et à la société Engie.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 390437
Date de la décision : 03/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 03 fév. 2017, n° 390437
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:390437.20170203
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