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30/01/2017 | FRANCE | N°391844

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 30 janvier 2017, 391844


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Melun la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des rappels de taxe sur la valeur ajouté (droits et pénalités), auxquels lui-même ou son foyer fiscal a été assujettis au titre des années ou de la période 2004 à 2007. Par un jugement n° 1109767 du 28 novembre 2013, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15PA00045 du 3 mars 2015, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Melun, a reje

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Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Melun la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des rappels de taxe sur la valeur ajouté (droits et pénalités), auxquels lui-même ou son foyer fiscal a été assujettis au titre des années ou de la période 2004 à 2007. Par un jugement n° 1109767 du 28 novembre 2013, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15PA00045 du 3 mars 2015, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Melun, a rejeté la demande présentée par M. A...au tribunal administratif portant sur les compléments d'impôt sur le revenu et pénalités correspondantes.

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juillet et 20 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2016 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet du pourvoi.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Déborah Coricon, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, avocat de M. A...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... A...a été imposé au titre des années 2004 à 2007, à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle et d'une vérification de comptabilité, sur des sommes, dont les montants ont été inscrits sur un compte bancaire qu'il détenait au Luxembourg, rémunérant une activité non déclarée d'instructeur sur simulateur de vol et de consultant en matière d'aéronautique civile exercée auprès de la société Atlantic Aviation Services Group. La demande de M. A...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu a été rejetée par un jugement du 28 novembre 2013 du tribunal administratif de Melun. Sur l'appel de M. A..., la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement au motif qu'il avait été rendu irrégulièrement, puis a rejeté les conclusions en décharge des impositions contestées par un arrêt du 3 mars 2015 contre lequel l'intéressé se pourvoit en cassation.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents en sa possession qu'elle a obtenus auprès de tiers et qu'elle a utilisés pour établir les redressements, même si le contribuable a pu avoir par ailleurs connaissance de ces renseignements.

3. Pour rejeter la requête de M.A..., la cour a jugé que les relevés du compte bancaire qu'il détenait au Luxembourg n'avaient pas à lui être communiqués par l'administration, dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, dès lors qu'il en avait nécessairement connaissance puisqu'il les avait lui-même produits au cours du contrôle. En se fondant sur un tel motif, alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que si le contribuable avait communiqué à l'administration fiscale les relevés bancaires des années 2006 et 2007, il n'avait pas produit de relevés pour les années 2004 et 2005, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier relatives à ces années. Si la cour pouvait légalement juger régulière la procédure d'imposition suivie au titre des années 2006 et 2007, s'agissant de documents obtenus par l'administration du contribuable lui-même et non de tiers, elle a en revanche commis une erreur de droit en la jugeant régulière au titre des années 2004 et 2005 dès lors qu'il n'est pas établi que les documents sur lesquels s'est fondée l'administration n'ont pas été obtenus de tiers et que le contribuable, même s'agissant de relevés de son compte bancaire, était en droit d'en vérifier l'exactitude et l'authenticité.

4. En second lieu, il ressort des motifs de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a relevé que M. A...n'avait pas été en mesure de produire d'acte stipulant qu'il se serait engagé à exercer son activité auprès de la société Atlantic Aviation Services Group dans des conditions caractérisant un lien de subordination avec cette société ni d'autres documents, comme des bulletins de paye, révélant un tel lien. En se fondant sur ces constatations de fait, exemptes de dénaturation, pour juger que l'administration fiscale était en droit d'imposer les sommes perçues par M. A...de la société Atlantic Aviation Services Group dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, la cour n'a pas inexactement qualifié ces faits. Elle n'a pas commis d'erreur de droit, après avoir relevé que le requérant n'avait pas souscrit les déclarations auxquelles il était tenu et n'avait pas déclaré son activité à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, en jugeant que l'administration fiscale s'était régulièrement prévalue du délai de reprise prolongé prévu par le deuxième alinéa, dans sa rédaction alors en vigueur, de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.

5. Il résulte de ce qui précède que M. A...est seulement fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette, dans le cadre de l'évocation, ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu (droits et pénalités) qui lui ont été assignées au titre des années 2004 et 2005.

6. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler, dans la mesure fixée au point 5, l'affaire au fond.

7. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale n'a pas obtenu du contribuable lui-même, mais de tiers, les relevés du compte qu'il détenait au Luxembourg pour les années 2004 et 2005 et sur lesquels elle s'est fondée pour établir les impositions litigieuses au titre de ces années. En vertu des dispositions précitées de l'article L. 76 B, elle était donc tenue de communiquer à M. A..., qui en faisait la demande, ces documents. Il est constant qu'elle ne les a pas communiqués à l'intéressé avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses. Celles-ci ont donc été établies à l'issue d'une procédure entachée d'irrégularité.

8. Il résulte de ce tout qui précède que le requérant est fondé à demander la décharge des compléments d'impôts sur le revenu (droits et pénalités) auxquels il a été assujetti au titre des années 2004 et 2005.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M.A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 3 mars 2015 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu (droits et pénalités) auxquelles il a été assujetti au titre des années 2004 et 2005.

Article 2 : M. A...est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu (droits et pénalités) auxquelles il a été assujetti au titre des années 2004 et 2005.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à M. A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 391844
Date de la décision : 30/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jan. 2017, n° 391844
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Déborah Coricon
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:391844.20170130
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