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06/01/2017 | FRANCE | N°388321

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 06 janvier 2017, 388321


Vu la procédure suivante :

La société métallurgique du Rhin a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2005 au 30 juin 2008 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 0906071 du 27 mai 2014, ce tribunal a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la demande à hauteur de la somme de 21 420 350 euros et a rejeté leur surplus.

Par un arrêt n° 14NC01085 du 30 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Na

ncy a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête d...

Vu la procédure suivante :

La société métallurgique du Rhin a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2005 au 30 juin 2008 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 0906071 du 27 mai 2014, ce tribunal a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la demande à hauteur de la somme de 21 420 350 euros et a rejeté leur surplus.

Par un arrêt n° 14NC01085 du 30 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Nancy a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société à hauteur de la somme de 3 519 242 euros et, par son article 2, a rejeté le surplus des conclusions de l'appel formé contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 26 février, 26 mai et 1er septembre 2015 et les 8 août et 8 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société métallurgique du Rhin demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire entièrement droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de procédure civile ;

- le code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 décembre 2016, présentée pour la société métallurgique du Rhin ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la société métallurgique du Rhin ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, la société métallurgique du Rhin a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2005 au 30 juin 2008 à raison de la remise en cause par l'administration fiscale de la déduction de la taxe figurant sur des factures émises par son fournisseur de cathodes de cuivre et de nickel ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 décembre 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de dégrèvements intervenus en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 mai 2014 en tant qu'il avait rejeté sa demande en décharge des rappels de taxe restant à sa charge et des pénalités correspondantes ;

2. Considérant qu'il ressort du jugement du tribunal administratif de Strasbourg que celui-ci a explicitement écarté comme étant sans incidence sur l'issue du litige l'argumentation, soulevée par la société requérante, tirée de ce que l'administration aurait, en méconnaissance des principes de proportionnalité, de sécurité juridique et de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, reporté sur elle la charge de contrôler le respect par son fournisseur de ses obligations au regard de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il a également écarté l'argumentation tirée de ce que l'administration était tenue d'alerter le contribuable quant à sa participation à un circuit de fraude ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la cour aurait entaché son arrêt d'erreur de qualification juridique en jugeant que le tribunal administratif n'avait pas omis de répondre à cette argumentation ;

3. Considérant que la cour, qui a analysé, sans se méprendre sur leur portée, les écritures de la société comme soutenant que les choix opérés par l'administration lors de la procédure de contrôle quant à la nature des éléments et documents qu'elle estimait devoir vérifier, ainsi que l'absence de communication à la contribuable du détail des dégrèvements qui lui avaient été accordés au cours de l'instance, avaient porté atteinte au respect des principes de loyauté, des droits de la défense et de l'égalité des armes auxquels l'administration serait tenue au cours de la procédure d'établissement des impositions, a pu, sans entacher son arrêt d'erreur de droit ou d'insuffisance de motivation, écarter cette argumentation au motif que de telles circonstances sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ; que la cour n'a, en outre, entaché son arrêt ni d'erreur de droit, ni d'insuffisance de motivation en jugeant que l'administration, dès lors qu'elle avait communiqué à la société la copie des éléments obtenus de tiers et utilisés pour élaborer la proposition de rectification, avait respecté les obligations que font peser sur elle les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, alors même que certains des éléments communiqués auraient ultérieurement été regardés par l'administration comme ne correspondant pas à la mise en oeuvre du circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ayant justifié les rehaussements ;

4. Considérant que la cour, après avoir relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que l'huissier de justice mandaté par l'administration aux fins de signification de la proposition de rectification avait laissé, à l'adresse de la Société Métallurgique du Rhin, un avis de passage dont il était établi qu'il avait été déposé " au siège de l'entreprise dûment identifié comme tel, dans les conditions prévues par les articles 655 et 656 du code de procédure civile ", a pu en déduire, sans méconnaître ces dispositions, ni celles des articles L. 176 et L. 189 du livre des procédures fiscales, que cette signification avait régulièrement interrompu le cours de la prescription ;

5. Considérant qu'en jugeant que, compte tenu des éléments produits par l'administration fiscale, et notamment du fait que le fournisseur de la société lui vendait des cathodes de cuivre et de nickel pour un prix inférieur à celui auquel il les avait acquises, ce qu'elle ne pouvait ignorer dès lors qu'elle réglait directement les factures d'achat de ce fournisseur et que ce fournisseur ne disposait pas des moyens qu'aurait nécessités son activité, celle-ci apportait la preuve que la société requérante savait ou ne pouvait ignorer qu'elle participait à un circuit frauduleux de taxe sur la valeur ajoutée, la cour n'a ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, ni commis une erreur de droit ; que la cour n'a ni méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve ni insuffisamment motivé son arrêt en jugeant que la société requérante n'établissait pas l'existence de ristournes accordées à son fournisseur par ses propres fournisseurs, lesquelles auraient rendu impossible la détermination du prix d'acquisition par le fournisseur des marchandises qu'il cédait à la requérante ;

6. Considérant que le moyen, soulevé par la société requérante, tiré de ce que le maintien des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge en dépit de l'intervention, postérieurement à l'arrêt attaqué, d'une ordonnance de la vice-présidente chargée de l'instruction du tribunal de grande instance de Nancy prononçant au bénéfice de sa gérante un non-lieu du chef de fraude fiscale et d'escroquerie en bande organisée méconnaîtrait le principe, garanti par l'article 4 du protocole additionnel n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 50 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 14-7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif ne peut, en tout état de cause, en présence de deux personnes distinctes, qu'être écarté ; qu'il en va de même des moyens tirés de la méconnaissance du principe de présomption d'innocence, garanti par l'article 6§2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi que du principe de sécurité juridique ;

7. Considérant, enfin, que l'autorité de la chose jugée en matière pénale ne s'attache qu'aux décisions des juridictions de jugement qui statuent sur le fond de l'action publique ; que tel n'est pas le cas des ordonnances de non-lieu que rendent les juridictions d'instruction quelles que soient les constatations sur lesquelles elles sont fondées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le maintien des impositions en litige postérieurement à l'intervention de l'ordonnance du 18 juillet 2016 méconnaîtrait l'autorité absolue de la chose jugée par les juridictions répressives ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société métallurgique du Rhin doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société métallurgique du Rhin est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société métallurgique du Rhin et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 388321
Date de la décision : 06/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 jan. 2017, n° 388321
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:388321.20170106
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