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16/12/2016 | FRANCE | N°397908

France | France, Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 16 décembre 2016, 397908


Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 397908, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et trois mémoires en réplique, enregistrés les 14 mars, 12 avril, 6 septembre, 4 novembre et 16 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Advanced Technical Fabrication (ATF) demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision, signée par le président du Comité économique des produits de santé le 19 février 2016 et publiée le 1er mars 2016 au Journal officiel de la République frança

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Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 397908, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et trois mémoires en réplique, enregistrés les 14 mars, 12 avril, 6 septembre, 4 novembre et 16 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Advanced Technical Fabrication (ATF) demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision, signée par le président du Comité économique des produits de santé le 19 février 2016 et publiée le 1er mars 2016 au Journal officiel de la République française, fixant les tarifs et prix limites de vente au public de certains implants orthopédiques visés à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir cette décision en tant qu'elle concerne les lignes 3100334, 3107916, 3112917, 3111390, 3120041, 3140150, 3144538, 3150450, 3161130, 3165517, 3168042, 3174960, 3186293, 3199321 de la nomenclature des produits et prestations inscrits sur la liste des produits et prestations pris en charge ;

3°) à titre plus subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir cette décision en tant qu'elle s'applique à elle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 398394, par une requête, enregistrée le 31 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association des fabricants, importateurs, distributeurs européens d'orthopédie (AFIDEO), la SAS Adler Ortho, la SA Groupe Lépine et la société Transystème SN demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision, signée par le président du Comité économique des produits de santé le 19 février 2016 et publiée le 1er mars 2016 au Journal officiel de la République française, fixant les tarifs et prix limites de vente au public de certains implants orthopédiques visés à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le n° 399351, par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 30 avril, 26 août et 22 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société SAS X NOV demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision, signée par le président du Comité économique des produits de santé le 19 février 2016 et publiée le 1er mars 2016 au Journal officiel de la République française, fixant les tarifs et prix limites de vente au public de certains implants orthopédiques visés à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir cette décision en tant qu'elle concerne les lignes 3112917, 3133262, 3163659, 3199321, 3165517, 31998528, 3135692, 3107916, 3111390, 3186293, 3150450, 3120041, 3168042, 3100334, 3161130, 3140150, 3142090, 3124027, 3151662, 3127942, 3151047, 3101606, 3131990, 3100920, 3181870, 3152319, 3191756 et 3157570 de la nomenclature des produits et prestations inscrits sur la liste des produits et prestations pris en charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de l'association des fabricants importateurs, distributeurs, européens d'orthopédie, de la SAS Adler Ortho, de la SA Groupe Lépine et de la société Transystème SN.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 novembre 2016, présentée par l'association des fabricants, importateurs, distributeurs européens d'orthopédie (AFIDEO), la SAS Adler Ortho, la SA Groupe Lépine et la société Transystème SN.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 novembre 2016, présentée par la SAS X NOV ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 novembre 2016, présentée par le Comité économique des produits de santé ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes visées ci-dessus présentant à juger des questions semblables, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. En vertu de l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, le remboursement par l'assurance maladie des dispositifs médicaux à usage individuel et des prestations de services et d'adaptation associées est subordonné à leur inscription, effectuée soit par la description générique de tout ou partie du produit concerné, soit sous forme de marque ou de nom commercial, sur une liste établie après avis de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 165-2 du même code : " Les tarifs de responsabilité des produits ou prestations mentionnés à l'article L. 165-1 inscrits par description générique (...) sont établis par convention entre un ou plusieurs fabricants ou distributeurs des produits ou prestations répondant à la description générique ou, le cas échéant, une organisation regroupant ces fabricants ou distributeurs et le Comité économique des produits de santé dans les mêmes conditions que les conventions visées à l'article L. 162-17-4 ou, à défaut, par décision du Comité économique des produits de santé " et aux termes de l'article L. 165-3 du même code : " Le Comité économique des produits de santé peut fixer par convention ou, à défaut, par décision les prix des produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 dans les conditions prévues à l'article L. 162-38. (...) / Lorsque les produits ou prestations mentionnés à l'article L. 165-1 sont inscrits par description générique (...), la convention est établie entre un ou plusieurs fabricants ou distributeurs des produits ou prestations répondant à la description générique ou, le cas échéant, une organisation regroupant ces fabricants ou distributeurs et le Comité économique des produits de santé dans les mêmes conditions que les conventions visées à l'article L. 162-17-4 ou, à défaut, par décision du Comité économique des produits de santé ". Enfin, aux termes du I de l'article R. 165-15 du même code : " Le tarif ou le prix des produits ou des prestations mentionnés à l'article L. 165-1 peut être modifié par convention ou par décision du comité économique des produits de santé. / La modification du tarif ou du prix peut intervenir soit à la demande du fabricant ou du distributeur, soit à l'initiative du comité économique des produits de santé, soit à la demande des ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé ou de l'économie ou de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ".

3. Il ressort des pièces des dossiers qu'à son initiative, le Comité économique des produits de santé a, sur le fondement des dispositions citées au point 2, abaissé, par décision publiée le 11 octobre 2013, les tarifs et prix limites de vente au public de certains implants articulaires inscrits dans leur description générique à la section 5, chapitre 1er, titre III, de la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, selon un échéancier modifié par une décision publiée le 6 juin 2014. Ces deux décisions ont été annulées le 3 décembre 2015 par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, au double motif que le quorum n'était pas atteint lors de leur adoption par le collège et qu'il n'était pas établi qu'elles aient été revêtues de la signature du président. Par un avis publié au Journal officiel de la République française du 17 décembre 2015, le Comité économique des produits de santé a fait connaître son intention de proposer à nouveau une baisse des tarifs et prix limites de vente au public de certains implants articulaires inscrits, dans leur description générique, à la même section de la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. A défaut d'accord à l'issue d'une période de concertation avec ceux des fabricants ou distributeurs et de leurs organisations qui y avaient participé, il a fixé de nouveau les tarifs et prix limites de vente de certains implants orthopédiques mentionnés à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale par la décision attaquée publiée le 1er mars 2016 au Journal officiel de la République française.

Sur l'intervention de l'association des fabricants, importateurs, distributeurs européens d'orthopédie (AFIDEO) et autres :

4. L'AFIDEO et les sociétés Adler Ortho, Groupe Lépine et la Transystème SN justifient d'un intérêt suffisant à l'annulation de la décision attaquée. Ainsi, leur intervention au soutien de la requête présentée par la société Advanced Technical Fabrication est recevable.

Sur la légalité externe :

En ce qui concerne la compétence :

5. Il résulte des dispositions citées au point 2 que les décisions fixant ou modifiant les tarifs de responsabilité ou les prix limites de vente des dispositifs médicaux à usage individuel relèvent de la compétence du collège des membres du Comité économique des produits de santé, le président du comité devant, en vertu des dispositions du troisième alinéa de l'article D. 162-2-5 du code de la sécurité sociale, authentifier ces décisions par sa signature. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée été adoptée par le collège lors d'une délibération du 17 février 2016, dont le relevé a été signé par M. Planel, président du Comité économique des produits de santé, ainsi qu'il y était habilité par sa seule nomination en cette qualité et sans que les visas de la décision aient à en faire la preuve, à une date dont il n'est pas établi qu'elle ait été postérieure à sa publication au Journal officiel de la République française. Par suite, en dépit de ce que la publication de la décision attaquée au Journal officiel le 1er mars 2016 mentionne de façon erronée qu'elle a été émise le 19 février 2016 par le président du Comité économique des produits de santé, les moyens tirés de ce que l'existence de la décision attaquée ne serait pas établie et de ce qu'elle aurait été prise par une autorité incompétente doivent être écartés.

En ce qui concerne la procédure :

6. En premier lieu, aux termes du III de l'article R. 165-15 du code de la sécurité sociale : " Lorsque la modification du tarif ou du prix est effectuée à l'initiative du comité économique des produits de santé (...), les fabricants ou les distributeurs des produits ou des prestations en sont informés par une notification, adressée à chacun d'eux ou par un avis publié au Journal officiel. Ils peuvent présenter des observations écrites ou demander à être entendus par le comité dans les trente jours suivant la réception de la notification ou la publication de l'avis ".

7. Il résulte de ces dispositions que la décision par laquelle le Comité économique des produits de santé prend l'initiative d'engager une modification des tarifs ou prix des produits ou des prestations mentionnés à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale a pour conséquence d'ouvrir, par l'information des fabricants ou distributeurs des produits ou prestations concernés à laquelle elle doit donner lieu, une période de concertation qui a pour objet de permettre à ces entreprises de conclure une convention sur ces tarifs et prix dans les conditions mentionnées au point 2 ou, à défaut, de faire utilement valoir leurs observations sur la décision susceptible d'être prise par le Comité économique des produits de santé. Dès lors, les éventuels vices dont peuvent être entachés la décision du comité d'engager la procédure de modification des tarifs ou prix, l'information à laquelle elle donne lieu ou le déroulement de la période de concertation ne sont de nature à entacher la procédure d'irrégularité et à entraîner pour ce motif l'annulation de la décision de fixation du tarif ou du prix que s'ils ont fait obstacle à ce que les fabricants ou distributeurs des produits concernés aient été mis à même de conclure une convention ou de faire valoir utilement leurs observations sur la fixation des tarifs et des prix.

8. Par suite, d'une part, dès lors qu'il est constant qu'il a été en l'espèce procédé à l'information prévue par ces dispositions sous forme de la publication d'un avis au Journal officiel le 17 décembre 2015, la société Advanced Technical Fabrication, qui ne conteste d'ailleurs pas qu'elle a pu présenter ses observations sur la décision à prendre, ne saurait utilement soutenir ni que la délibération par laquelle le collège du Comité économique des produits de santé a, le 10 décembre 2015, pris l'initiative d'engager la procédure de modification des prix et tarifs aurait été adoptée sans qu'aient été présents au moins la moitié de ses membres, ni qu'aucune convention n'aurait été proposée à sa signature ou à son adhésion avant que la décision attaquée ne soit prise. D'autre part, la seule circonstance que les tarifs et prix limites de vente fixés par la décision attaquée soient différents de ceux initialement envisagés dans l'avis publié au Journal officiel n'entache pas d'irrégularité la procédure préalable à l'édiction de la décision de modification des tarifs et prix limites de vente, dès lors que ces différences n'ont pas fait obstacle à ce que les professionnels puissent utilement être informés et faire valoir leurs observations. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision attaquée aurait été, pour ces motifs, prise au terme d'une procédure irrégulière, au regard des dispositions de l'article R. 165-15 du code de la sécurité sociale, doivent être écartés.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article D. 162-2-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Le comité économique des produits de santé institué par l'article L. 162-17-3 est composé des membres suivants : / 1° Un président et deux vice-présidents, l'un chargé du médicament, l'autre des produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1, nommés pour une durée de trois ans par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et de l'économie ; / 2° Le directeur de la sécurité sociale ou son représentant ; / 3° Le directeur général de la santé ou son représentant ; / 4° Le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou son représentant ; / 5° Le directeur général de la compétitivité, de l'industrie et des services ou son représentant ; / 6° Deux représentants des organismes nationaux d'assurance maladie désignés par le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et un représentant désigné conjointement par le directeur de la Caisse nationale du régime social des indépendants et le directeur de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole ; / 7° Un représentant désigné par le conseil de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire. / (...) / Les directeurs d'administration centrale ne peuvent se faire représenter que par des membres de leur service occupant des fonctions au moins égales à celles de sous-directeur. Les représentants des organismes nationaux d'assurance maladie doivent occuper des fonctions au moins égales à celle de directeur adjoint ". Le II de l'article D. 162-2-3 du même code précise que : " Lorsqu'il exerce les missions définies aux articles L. 165-2, L. 165-3 et L. 165-4, le comité économique des produits de santé se réunit en section des produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 ; le vice-président qui siège est celui en charge des produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 ". En l'absence d'un texte fixant une règle de quorum ou exigeant la présence de certains membres, les décisions du Comité économique des produits de santé sont régulières dès lors que la majorité de ses membres a siégé. Contrairement à ce qui est soutenu, il ressort des pièces du dossier que, lors de la séance du 17 février 2016 au cours de laquelle a été adoptée la décision attaquée, était présente, quand bien même son vice-président n'aurait pas siégé, une majorité des membres du collège du Comité économique des produits de santé, valablement représentés, s'agissant des quatre directeurs d'administration centrale et des deux représentants des organismes nationaux d'assurance maladie, par des personnes occupant des fonctions au moins égales à celles requises par l'article D. 162-2-1 du code de la sécurité sociale. Par suite, le moyen tiré de ce que la délibération du 17 février 2016 aurait été adoptée sans que le quorum soit atteint doit être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes des neuvième à onzième alinéas de l'article D. 162-2-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Assistent aux réunions du comité, avec voix consultative, le directeur général de l'offre de soins ou son représentant et un représentant du ministre chargé de la recherche. / En fonction de l'ordre du jour, le président peut associer le directeur général de la cohésion sociale ou son représentant, un représentant du ministre chargé du budget, un représentant du ministre chargé de l'agriculture, un représentant du ministre chargé des petites et moyennes entreprises ou un représentant du ministre chargé des anciens combattants aux travaux du comité et de ses sections, avec voix consultative. / Lorsque l'ordre du jour comporte l'examen de produits ou prestations relevant de l'article L. 165-1 et contribuant à la prise en charge d'une perte d'autonomie, le président associe aux travaux du comité et de ses sections, pour le produit ou la prestation concernée, un représentant de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, avec voix consultative ". D'une part, ces dispositions n'imposent pas la présence lors de la réunion du comité des personnes convoquées pour y siéger à titre consultatif. D'autre part, s'il ressort des pièces du dossier que, lors de la délibération du 17 février 2016, étaient présentes plusieurs personnes, agents du Comité économique des produits de santé ou des services qui y sont représentés, qui ne remplissaient pas les conditions requises par l'article D. 162-2-1 du code de la sécurité sociale pour siéger en qualité de membres du collège du Comité ou être associées à ses travaux à titre consultatif, il ne ressort pas de ces pièces que leur présence ait pu influencer les positions prises par les membres du Comité. Dès lors, les moyens tirés de ce que la délibération attaquée aurait été adoptée lors d'une séance tenue dans des conditions irrégulières doivent être écartés.

En ce qui concerne la forme de la décision attaquée :

11. En premier lieu, la décision attaquée, qui renvoie aux dispositions des articles L. 165-1, L. 165-2 et L. 165-3 ainsi qu'aux articles L. 162-17-3 et L. 165-4 du code de la sécurité sociale et expose la nécessité d'une nouvelle décision de baisse des tarifs et prix limites de vente des implants orthopédiques, après l'annulation contentieuse de la précédente décision, afin de respecter l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie, énonce les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée doit, en tout état de cause, être écarté.

12. En second lieu, l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, applicable aux actes réglementaires en vertu de l'article L. 200-1 du même code, prévoit que : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". S'agissant d'un organisme collégial, il est satisfait aux exigences découlant des prescriptions de cet article, dès lors que la décision prise comporte la signature de son président, accompagnée des mentions prévues par cet article. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée comporte la mention du prénom, du nom, de la qualité de son auteur ainsi que sa signature. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

Sur la légalité interne :

13. En premier lieu, d'une part, la fixation des tarifs de responsabilité des dispositifs médicaux à usage individuel tient compte, aux termes du troisième alinéa de l'article L. 165-2 du code de la sécurité sociale, " principalement du service rendu, de l'amélioration éventuelle de celui-ci, le cas échéant, des résultats de l'évaluation médico-économique des tarifs et des prix des produits ou prestations comparables, des volumes de vente prévus ou constatés et des conditions prévisibles et réelles d'utilisation " et, aux termes de l'article R. 165-14 du même code, " principalement du service attendu ou rendu, de l'amélioration éventuelle de celui-ci, le cas échéant des résultats des études complémentaires demandées, des tarifs et des prix du ou des actes, produits ou prestations comparables, des volumes de vente prévus et des conditions prévisibles et réelles d'utilisation ". D'autre part, aux termes de l'article L. 162-38 du même code, auquel renvoie son article L. 165-3, la fixation des prix de ces produits " tient compte de l'évolution des charges, des revenus et du volume d'activité des praticiens ou entreprises concernés ". Enfin, il résulte des dispositions de l'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale, auquel renvoient les articles L. 165-2 et L. 165-3 de ce code relatifs aux tarifs et aux prix des dispositifs médicaux à usage individuel, que le Comité économique des produits de santé, auquel l'article L. 162-17-3 impose de mettre en oeuvre, lorsqu'il fixe le tarif de responsabilité ou le prix d'un dispositif médical, les orientations qu'il reçoit des ministres compétents en application de la loi de financement de la sécurité sociale, peut demander une révision des conventions conclues avec les fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux à usage individuel ou, en cas de refus, les résilier et fixer de façon unilatérale le prix de ces produits notamment lorsque les orientations qu'il reçoit ne sont pas compatibles avec les conventions précédemment conclues ou lorsque l'évolution des dépenses de ces produits n'est manifestement pas compatible avec le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

14. Il ressort des pièces du dossier que la modification, par la décision attaquée, des tarifs de responsabilité et des prix des implants orthopédiques répondant à la description générique a été engagée par le Comité économique des produits de santé en application des orientations ministérielles du 2 avril 2013 et des objectifs annuels successifs de mesures d'économies fixés pour assurer le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Il ressort en outre des pièces du dossier que le Comité économique des produits de santé a réparti l'effort d'économie en fixant des niveaux de baisse différenciés selon les catégories d'implants orthopédiques, tenant compte notamment des différences entre leurs volumes de vente et des écarts constatés entre leur prix réel de vente et leur tarif de responsabilité. Contrairement à ce qui est soutenu, l'" écart tarif indemnisable ", correspondant à la moitié de l'écart entre le prix effectivement payé et le tarif de responsabilité, pouvait constituer un indicateur des critères prévus par les dispositions précitées, notamment des volumes de vente et de l'évolution des charges, des revenus et des volumes d'activité des professionnels concernés. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée ne serait fondée sur aucun des critères prévus par la loi ou le règlement doit être écarté.

15. En deuxième lieu, si la diminution des tarifs et prix de certains implants orthopédiques, qui étaient restés inchangés depuis les années 1990 et n'avaient pas jusqu'alors été concernés par les mesures de réduction des dépenses d'assurance maladie, est de nature à avoir un impact sur le chiffre d'affaires des fabricants et distributeurs de ces produits, auquel il ne peut être exclu que certains d'entre eux aient davantage de difficultés que d'autres à faire face, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment de l'augmentation des volumes de vente de ces produits depuis plusieurs années et des écarts demeurant.constatés entre le tarif de responsabilité et le prix réel de vente de ces produits, que les tarifs de responsabilité et les prix limites de vente auraient été fixés par la décision attaquée à un niveau manifestement insuffisant pour garantir le maintien d'une offre suffisante, en qualité et en quantité, d'implants orthopédiques auprès des établissements de santé et soutenir le développement de produits innovants

16. En troisième lieu, il résulte des dispositions mentionnées au point 13 que le tarif de chaque dispositif médical doit tenir compte de celui retenu pour les produits ou prestations comparables. La décision attaquée, ainsi qu'il ressort de ses termes mêmes, a fixé la baisse des tarifs de responsabilité et des prix limites de vente à 12,29 % pour les lignes correspondant aux prothèses de hanche et à 7,39 % pour les lignes correspondant aux prothèses du genou. Il ressort des pièces du dossier que le service médical rendu des prothèses, tant de hanche que de genou, inscrites en description générique n'a pas évolué depuis de nombreuses années lors des réévaluations menées par la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé. Par ailleurs, l'ampleur de la différence invoquée par le Comité économique des produits de santé, en termes d'innovation, entre prothèses du genou et prothèses de hanche n'est pas établie. Toutefois, d'une part, même s'ils se rapprochent depuis 2014, les volumes de ventes et le coût afférent pour l'assurance maladie restent plus importants pour les prothèses de hanche que pour les prothèses du genou. D'autre part, il ressort aussi des pièces du dossier que l'écart tarif indemnisable, correspondant ainsi qu'il a été dit au point 14 à la moitié de l'écart entre le prix effectif de vente conclu avec les établissements de santé et le tarif de responsabilité, est proportionnellement plus élevé pour les prothèses de hanche que pour celles du genou et que, si cette différence a diminué en 2014, elle reste conséquente. Dès lors, quand bien même cette différence s'expliquerait davantage par la moindre concentration des fabricants sur le marché des prothèses de hanche que sur celui des prothèses de genou que par la capacité d'absorption par chaque entreprise des baisses des tarifs de responsabilité et des prix limites de vente, le Comité économique des produits de santé pouvait légalement, sans entacher sa décision d'erreur de fait ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation, retenir des niveaux différents de baisse des tarifs de responsabilité et des prix limites de vente pour les prothèses de hanche et pour celles du genou.

17. En quatrième lieu, il ressort toutefois des pièces du dossier que la fixation des tarifs et prix par la décision attaquée a été opérée en ajoutant, au niveau de baisse qui résultait des décisions publiées les 11 octobre 2013 et 6 juin 2014 au Journal officiel, une baisse supplémentaire de 2 % destinée à prendre en compte les effets, sur l'évolution du niveau de ces tarifs et prix, de l'annulation de ces deux décisions prononcée le 3 décembre 2015 par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, qui avait écarté expressément la demande présentée en défense tendant à ce que les effets de cette annulation soient limités dans le temps. Si, eu égard aux motifs de l'annulation prononcée, il était loisible au Comité économique des produits de santé de reprendre, dans des conditions régulières, une décision abaissant à nouveau les tarifs de responsabilité et prix limites de vente au public de ces implants, la seule volonté de compenser les effets de l'annulation prononcée par le Conseil d'Etat ne pouvait en constituer un motif légal. Dès lors, quand bien même le respect des objectifs d'économie liés à l'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie s'est trouvé différé par la remise en vigueur, entre la date d'effet de l'annulation de la précédente décision et la date d'entrée en vigueur de la décision attaquée, des tarifs de responsabilité et prix limites de vente au public antérieurs, les requérants sont fondés à soutenir que la décision attaquée est illégale en tant qu'elle comporte une part de baisse, à hauteur de 2 %, destinée à compenser les effets de l'annulation prononcée par le Conseil d'Etat.

18. Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée, qui est divisible sur ce point, doit être annulée en tant que les tarifs de responsabilité et prix limites de vente qu'elle a fixés comportent une part de baisse destinée à compenser les effets de l'annulation prononcée par le Conseil d'Etat, statuant en contentieux, le 3 décembre 2015. Il y a lieu pour le Conseil d'Etat de préciser, par des motifs qui constituent le soutien nécessaire de la présente décision, que cette annulation partielle de la décision attaquée implique nécessairement la publication par l'Etat de nouveaux tarifs de responsabilité et prix limites de vente des implants orthopédiques concernés, dans un délai raisonnable qui ne saurait excéder un mois.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à l'association des fabricants, importateurs, distributeurs européens d'orthopédie (AFIDEO) ainsi qu'à chacune des sociétés Advanced Technical Fabrication, Adler Ortho, Groupe Lépine, Transystème SN et X NOV au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'intervention de l'association des fabricants, importateurs, distributeurs européens d'orthopédie (AFIDEO), de la SAS Adler Ortho, de la SA Groupe Lépine et de la société Transystème SN au soutien de la requête n° 397908 est admise.

Article 2 : La décision du Comité économique des produits de santé, publiée le 1er mars 2016 au Journal officiel de la République française, fixant les tarifs de responsabilité et prix limites de vente au public de certains implants orthopédiques visés à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale est annulée en tant que les tarifs de responsabilité et prix limites de vente qu'elle fixe comportent une part de baisse destinée à compenser les effets de l'annulation prononcée par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, le 3 décembre 2015 par sa décision n°s 373948 et 383513. Cette annulation comporte, pour l'Etat, les obligations énoncées au point 18 des motifs de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à l'association des fabricants, importateurs, distributeurs européens d'orthopédie (AFIDEO) ainsi qu'à chacune des sociétés Advanced Technical Fabrication, Adler Ortho, Groupe Lépine, Transystème SN et SAS X NOV au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de la société Advanced Technical Fabrication, de l'association des fabricants, importateurs, distributeurs européens d'orthopédie (AFIDEO), de la SAS Adler Ortho, de la SA Groupe Lépine, de la société Transystème SN et de la société SAS X NOV est rejeté.

Article 5: La présente décision sera notifiée à la société Advanced Technical Fabrication, à l'association des fabricants, importateurs, distributeurs européens d'orthopédie (AFIDEO), à la SAS Adler Ortho, à la SA Groupe Lépine, à la société Transystème SN, à la société SAS X NOV et au Comité économique des produits de santé.

Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 397908
Date de la décision : 16/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE - PROCÉDURE DE MODIFICATION DU PRIX D'UN MÉDICAMENT OU D'UNE PRESTATION OUVERTE PAR DÉCISION DU CEPS - INCIDENCE DES VICES DE LA DÉCISION DU CEPS OU DE LA PROCÉDURE SUBSÉQUENTE SUR LA DÉCISION DE FIXATION DU PRIX.

01-03 Il résulte du III de l'article R. 165-15 du code de la sécurité sociale que la décision par laquelle le Comité économique des produits de santé (CEPS) prend l'initiative d'engager une modification des tarifs ou prix des produits ou des prestations mentionnés à l'article L. 165-1 du même code a pour conséquence d'ouvrir, par l'information des fabricants ou distributeurs des produits ou prestations concernés à laquelle elle doit donner lieu, une période de concertation qui a pour objet de permettre à ces entreprises de conclure une convention sur ces tarifs et prix ou, à défaut, de faire utilement valoir leurs observations sur la décision susceptible d'être prise par le CEPS.... ,,Dès lors, les éventuels vices dont peuvent être entachés la décision du comité d'engager la procédure de modification des tarifs ou prix, l'information à laquelle elle donne lieu ou le déroulement de la période de concertation ne sont de nature à entacher la procédure d'irrégularité et à entraîner pour ce motif l'annulation de la décision de fixation du tarif ou du prix que s'ils ont fait obstacle à ce que les fabricants ou distributeurs des produits concernés aient été mis à même de conclure une convention ou de faire valoir utilement leurs observations sur la fixation des tarifs et des prix.

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE - QUESTIONS GÉNÉRALES - OBLIGATION DE SIGNATURE ET DE MENTION DES PRÉNOM - NOM ET QUALITÉ DE L'AUTEUR DE LA DÉCISION (ART - L - 212-1 DU CRPA) - CHAMP D'APPLICATION - INCLUSION - ACTES RÉGLEMENTAIRES [RJ1].

01-03-01 L'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA), qui prévoit que toute décision comporte la signature de son auteur ainsi que la mention du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci, est applicable aux actes réglementaires en vertu de l'article L. 200-1 du même code.

SANTÉ PUBLIQUE - PHARMACIE - PRODUITS PHARMACEUTIQUES - PROCÉDURE DE MODIFICATION DU PRIX D'UN MÉDICAMENT OU D'UNE PRESTATION OUVERTE PAR DÉCISION DU CEPS - INCIDENCE DES VICES DE LA DÉCISION DU CEPS OU DE LA PROCÉDURE SUBSÉQUENTE SUR LA DÉCISION DE FIXATION DU PRIX.

61-04-01-022 Il résulte du III de l'article R. 165-15 du code de la sécurité sociale que la décision par laquelle le Comité économique des produits de santé (CEPS) prend l'initiative d'engager une modification des tarifs ou prix des produits ou des prestations mentionnés à l'article L. 165-1 du même code a pour conséquence d'ouvrir, par l'information des fabricants ou distributeurs des produits ou prestations concernés à laquelle elle doit donner lieu, une période de concertation qui a pour objet de permettre à ces entreprises de conclure une convention sur ces tarifs et prix ou, à défaut, de faire utilement valoir leurs observations sur la décision susceptible d'être prise par le CEPS.,,,Dès lors, les éventuels vices dont peuvent être entachés la décision du comité d'engager la procédure de modification des tarifs ou prix, l'information à laquelle elle donne lieu ou le déroulement de la période de concertation ne sont de nature à entacher la procédure d'irrégularité et à entraîner pour ce motif l'annulation de la décision de fixation du tarif ou du prix que s'ils ont fait obstacle à ce que les fabricants ou distributeurs des produits concernés aient été mis à même de conclure une convention ou de faire valoir utilement leurs observations sur la fixation des tarifs et des prix.


Références :

[RJ1]

Comp., avant l'entrée en vigueur du CRPA, CE, 1er juin 2016, Association Arrête ton char - les langues et cultures de l'Antiquité aujourd'hui et autres, n°s 390596 e. a., à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 déc. 2016, n° 397908
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Marguerite
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:397908.20161216
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