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09/12/2016 | FRANCE | N°395893

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 09 décembre 2016, 395893


Vu la procédure suivante :

Mme A...C...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'annuler la décision du 26 septembre 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul et les décisions de retrait de points consécutives à sept infractions commises les 16 janvier, 3 avril et 3 octobre 2010, 20 mars et 10 décembre 2011, 23 octobre 2012 et 23 juin 2013 et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de lui restituer ce titre affecté d'un capital de douze points. Pa

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Vu la procédure suivante :

Mme A...C...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'annuler la décision du 26 septembre 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul et les décisions de retrait de points consécutives à sept infractions commises les 16 janvier, 3 avril et 3 octobre 2010, 20 mars et 10 décembre 2011, 23 octobre 2012 et 23 juin 2013 et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de lui restituer ce titre affecté d'un capital de douze points. Par un jugement n° 1402183 du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a partiellement fait droit à sa demande en annulant les décisions de retrait de quatre points et six points consécutives aux infractions des 10 décembre 2011 et 23 juin 2013, en annulant par voie de conséquence la décision du 26 septembre 2014 et en enjoignant au ministre de lui restituer son permis de conduire affecté d'un solde de six points.

Par un pourvoi, enregistré le 5 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mme C....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de la route ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Chelle, conseiller d'Etat.

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le ministre de l'intérieur a procédé au retrait de dix-huit points du permis de conduire de Mme C... à la suite de sept infractions commises entre le 16 janvier 2010 et le 23 juin 2013 ; que le ministre a pris le 26 septembre 2014 une décision par laquelle il a constaté la perte de validité de ce titre pour solde de points nul ; que, par un jugement du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, statuant sur la demande de MmeC..., a annulé les décisions retirant quatre points et six points de son permis de conduire à la suite des infractions commises les 10 décembre 2011 et 23 juin 2013, annulé la décision du 26 septembre 2014 et enjoint au ministre de l'intérieur de lui restituer son permis de conduire affecté d'un solde de six points ; que le ministre de l'intérieur demande l'annulation de ce jugement ;

En ce qui concerne la décision de retrait de points consécutive à l'infraction commise le 10 décembre 2011 :

2. Considérant que les dispositions portant application des articles R. 49-1 et R. 49-10 du code de procédure pénale en vigueur à la date de l'infraction du 10 décembre 2011, notamment celles des articles A. 37 à A. 37-4 de ce code, prévoient que lorsqu'une contravention soumise à cette procédure est relevée avec interception du véhicule mais sans que l'amende soit payée immédiatement entre les mains de l'agent verbalisateur, ce dernier utilise un formulaire réunissant, en une même liasse autocopiante, le procès-verbal conservé par le service verbalisateur, une carte de paiement matériellement indispensable pour procéder au règlement de l'amende et l'avis de contravention, également remis au contrevenant pour servir de justificatif du paiement ultérieur, qui comporte une information suffisante au regard des exigences résultant des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ;

3. Considérant, dès lors, que le titulaire d'un permis de conduire à l'encontre duquel une infraction au code de la route est relevée au moyen d'un formulaire conforme à ce modèle et dont il est établi, notamment par la mention qui en est faite au système national des permis de conduire, qu'il a payé l'amende forfaitaire correspondant à cette infraction a nécessairement reçu l'avis de contravention ; qu'eu égard aux mentions dont cet avis est réputé être revêtu, l'administration doit alors être regardée comme s'étant acquittée envers le titulaire du permis de son obligation de lui délivrer les informations requises préalablement au paiement de l'amende, à moins que l'intéressé, à qui il appartient à cette fin de produire l'avis qu'il a nécessairement reçu, ne démontre s'être vu remettre un avis inexact ou incomplet ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment du relevé d'information intégral, que Mme C...s'est acquittée le 15 décembre 2011 de l'amende forfaitaire consécutive à l'infraction constatée avec interception du véhicule le 10 décembre 2011 ; que, dans ces conditions, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a commis une erreur de droit en jugeant qu'il n'était pas établi, faute pour le ministre de l'intérieur de produire le procès-verbal de l'infraction signé par l'intéressée, que les informations requises par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route avaient été portées à sa connaissance ;

En ce qui concerne la décision de retrait de points consécutive à l'infraction commise le 23 juin 2013 :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route : " Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue. / (...) La réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution d'une composition pénale ou par une condamnation pénale définitive (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 223-3 de ce même code : " Lorsqu'il est fait application de la procédure de l'amende forfaitaire ou de la procédure de composition pénale, l'auteur de l'infraction est informé que le paiement de l'amende ou l'exécution de la composition pénale entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l'infraction reprochée, dont la qualification est dûment portée à sa connaissance ; il est également informé de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès " ; que la délivrance, au titulaire du permis de conduire à l'encontre duquel est relevée une infraction donnant lieu à retrait de points, de l'information prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route constitue une garantie essentielle donnée à l'auteur de l'infraction pour lui permettre, avant d'en reconnaître la réalité par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'exécution d'une composition pénale, d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis et éventuellement d'en contester la réalité devant le juge pénal ; qu'elle revêt le caractère d'une formalité substantielle et conditionne la régularité de la procédure au terme de laquelle le retrait de points est décidé ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'infraction commise le 23 juin 2013 a fait l'objet d'une composition pénale exécutée le 14 janvier 2014 ; que le procès-verbal constatant cette infraction, établi par un officier de police judiciaire à la suite de l'interpellation de la requérante et revêtu de la signature de celle-ci, mentionne que l'infraction constatée est de nature à entraîner un retrait de points de son permis de conduire mais ne fait pas mention de l'existence d'un traitement automatisé des points et de la possibilité d'exercer un droit d'accès ; que le tribunal administratif a estimé que l'absence de cette indication entachait d'irrégularité le retrait de points ; que, toutefois, ainsi qu'il l'a lui-même constaté, il ressortait des pièces du dossier que l'intéressée avait bénéficié à l'occasion d'autres infractions de l'ensemble des informations légalement exigées, y compris celle relative au traitement automatisé des points ; qu'en s'abstenant de rechercher si, eu égard à cette circonstance, l'omission de cette information lors de la constatation de l'infraction du 23 juin 2013 avait eu pour effet, dans les circonstances de l'espèce, de la priver de la garantie instituée par la loi, en ne lui permettant pas de mesurer les conséquences qu'aurait pour elle l'acceptation d'une composition pénale, valant reconnaissance de l'infraction et entraînant retrait de points, le tribunal a commis une erreur de droit ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation des articles 1er à 4 du jugement attaqué ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er à 4 du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 3 novembre 2015 sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne dans la limite de la cassation ainsi prononcée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à Mme A...C...épouseB....


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 395893
Date de la décision : 09/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-01-04-025 POLICE. POLICE GÉNÉRALE. CIRCULATION ET STATIONNEMENT. PERMIS DE CONDUIRE. - OBLIGATION D'INFORMATION DU TITULAIRE DU PERMIS DE CONDUIRE EN CAS DE COMPOSITION PÉNALE (ART. L. 223-3 ET R. 223-3 DU CODE DE LA ROUTE) - CAS OÙ LE PV D'INFRACTION OMET DE MENTIONNER L'EXISTENCE D'UN TRAITEMENT AUTOMATISÉ ET LA POSSIBILITÉ D'Y ACCÉDER - PRIVATION DE LA GARANTIE INSTITUÉE PAR LA LOI - APPRÉCIATION AU CAS PAR CAS.

49-04-01-04-025 Infraction ayant fait l'objet d'une composition pénale. Le procès-verbal constatant l'infraction mentionne que celle-ci est de nature à entraîner un retrait de points du permis de conduire mais ne fait pas mention de l'existence d'un traitement automatisé des points et de la possibilité d'exercer un droit d'accès.,,,Il appartient au juge, saisi d'un moyen tiré de cette omission, de rechercher si, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment, le cas échéant, de l'information dont l'intéressé a bénéficié à l'occasion d'autres infractions, elle a eu pour effet de priver l'intéressé de la garantie instituée par la loi, en ne lui permettant pas de mesurer les conséquences qu'aurait pour lui l'acceptation d'une composition pénale, valant reconnaissance de l'infraction et entraînant retrait de points.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 déc. 2016, n° 395893
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dominique Chelle
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:395893.20161209
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