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23/11/2016 | FRANCE | N°392894

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 23 novembre 2016, 392894


Vu la procédure suivante :

La société Mimosa a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 et la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er avril 2006 au 31 décembre 2008 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1103165 du 17 octobre 2013, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 13DA02143 du 23 juin 2015

, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la société Mimos...

Vu la procédure suivante :

La société Mimosa a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 et la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er avril 2006 au 31 décembre 2008 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1103165 du 17 octobre 2013, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 13DA02143 du 23 juin 2015, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la société Mimosa contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 août et 24 novembre 2015 et le 13 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Mimosa demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Etienne de Lageneste, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de la société Mimosa ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Mimosa, exploitant un bar-discothèque à Rouen, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er avril 2006 au 31 décembre 2007, étendue, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, jusqu'au 31 décembre 2008. A la demande du contribuable, une partie des opérations de contrôle a eu lieu dans les locaux de l'administration fiscale, laquelle a procédé, également sur demande du contribuable, à un emport de documents comptables accompagné de la remise à l'intéressé d'un reçu détaillé des pièces qui lui ont ainsi été confiées. A l'issue de ces opérations, la société Mimosa s'est vue notifier des impositions supplémentaires en matière d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités. Le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la société Mimosa tendant à prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 23 juin 2015 rejetant l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.

2. Il résulte de l'ensemble des dispositions du livre des procédures fiscales relatives aux opérations de vérification de comptabilité que celles-ci se déroulent chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée. Toutefois, sur la demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter certains documents dans les bureaux de l'administration, qui en devient ainsi dépositaire. Dans ce cas,, il doit remettre à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont confiées. En outre, cette pratique ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable des garanties qu'il tient des articles L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales et qui ont notamment pour objet de lui assurer des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur. A cette fin, les documents comptables emportés doivent être restitués dans leur intégralité avant la fin des opérations de vérification. L'absence de restitution au contribuable de tout ou partie des documents comptables ayant fait l'objet d'un emport étant susceptible de priver celui-ci d'un débat oral et contradictoire, il en résulte que la vérification de comptabilité est dans son ensemble entachée d'irrégularité, ce qui entraîne la décharge de tous les redressements trouvant leur source dans la vérification irrégulière, même si certains d'entre eux ne sont pas directement fondés sur l'examen des documents emportés et non restitués.

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué non arguées de dénaturation que M.A..., gérant de la société Mimosa, s'est vu signifier par acte d'huissier du 29 mai 2009 un procès-verbal de restitution de documents comptables mentionnant des pièces comptables identiques à celles figurant dans les procès-verbaux de remise de ces pièces au vérificateur, accompagné de la remise de huit boîtes à archives contenant des documents. La société soutenait toutefois que la restitution de ses documents comptables était incomplète, faisait valoir que le procès-verbal de restitution, faute d'avoir été signé par un représentant de l'administration fiscale, ne permettait pas d'attester du contenu des boîtes remises à son gérant et indiquait précisément les documents qui n'avaient pas été, selon elle, restitués. Dans ces conditions, en se fondant, pour juger que la procédure de vérification n'était pas entachée d'irrégularité, sur la seule circonstance que la société n'avait, pour la première fois, fait valoir l'absence de certaines de ses factures que postérieurement à la réception de la proposition de rectification alors que la restitution des boîtes contenant les documents comptables était intervenue antérieurement à la réunion de synthèse de la vérification, sans rechercher si la restitution avait été complète, de manière à permettre à la contribuable de bénéficier de manière effective de la garantie tenant à la tenue d'un débat oral et contradictoire avant la fin des opérations de contrôle, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. Il résulte, ainsi qu'il a été dit, de l'acte d'huissier du 29 mai 2009, dont les mentions font foi jusqu'à inscription de faux, que huit boîtes à archives ont été remises ce jour là au gérant de la société Mimosa. Si cette remise a été accompagnée d'un document intitulé " Procès-verbal de restitution de documents comptables et de pièces justificatives ", ce document, qui n'est signé ni du contribuable, ni du représentant de l'administration fiscale, n'est pas de nature à attester du contenu effectif des boîtes. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient l'administration, l'acte d'huissier, tel qu'il est rédigé, n'a pas pour objet de recenser les pièces contenues dans les boites, mais seulement d'authentifier la remise effective de ces boîtes à leur destinataire. Dans ces conditions, la requérante contestant précisément avoir reçu l'ensemble des documents comptables emportés, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, qu'elle a restitué avant la fin des opérations de vérification l'intégralité de ces documents.

6. Il en résulte que la société Mimosa, à défaut d'avoir été mise en possession de tous les documents comptables qu'elle avait confiés au vérificateur, a été privée de la possibilité d'engager un débat oral et contradictoire avant la fin des opérations de vérification. Dans ces conditions, et nonobstant la circonstance que le vérificateur a rencontré à plusieurs reprises la société et a tenu une réunion de synthèse à l'issue de la vérification, celle-ci s'est trouvée entachée d'une irrégularité qui vicie la procédure d'imposition. La société Mimosa est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamées au titre de la période du 1er avril 2006 au 31 décembre 2008 ainsi que des pénalités correspondantes.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Mimosa, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 23 juin 2015 et le jugement du tribunal administratif de Rouen du 17 octobre 2013 sont annulés.

Article 2 : La société Mimosa est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er avril 2006 au 31 décembre 2008 ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à la société Mimosa une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Mimosa et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 392894
Date de la décision : 23/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02-05 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. CONTRÔLE FISCAL. VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ. POUVOIRS DE L'ADMINISTRATION. - EMPORT DE DOCUMENTS - OBLIGATION DE RESTITUTION AVANT LE DÉBAT ORAL ET CONTRADICTOIRE - 1) CONSÉQUENCES D'UNE MÉCONNAISSANCE - VÉRIFICATION IRRÉGULIÈRE - 2) CHARGE DE LA PREUVE DE LA RESTITUTION COMPLÈTE - ADMINISTRATION.

19-01-03-01-02-05 1) Lorsqu'à la demande du contribuable, le vérificateur emporte certains documents comptables, les documents emportés doivent être restitués dans leur intégralité avant la fin des opérations de vérification. L'absence de restitution au contribuable de tout ou partie des documents comptables ayant fait l'objet d'un emport étant susceptible de priver celui-ci d'un débat oral et contradictoire, il en résulte que la vérification de comptabilité est dans son ensemble entachée d'irrégularité, ce qui entraîne la décharge de tous les redressements trouvant leur source dans la vérification irrégulière, même si certains d'entre eux ne sont pas directement fondés sur l'examen des documents emportés et non restitués.,,,2) En l'espèce, société faisant valoir que la restitution était incomplète en désignant précisément les documents non restitués. Un acte d'huissier, dont les mentions font foi jusqu'à inscription de faux, indique que huit boîtes à archives ont été remises au gérant de la société. Si cette remise a été accompagnée d'un document intitulé Procès-verbal de restitution de documents comptables et de pièces justificatives, ce document, qui n'est signé ni du contribuable, ni du représentant de l'administration fiscale, n'est pas de nature à attester du contenu effectif des boîtes. Par ailleurs, l'acte d'huissier, tel qu'il est rédigé, n'a pas pour objet de recenser les pièces contenues dans les boites, mais seulement d'authentifier la remise effective de ces boîtes à leur destinataire. Dans ces conditions, la requérante contestant précisément avoir reçu l'ensemble des documents comptables emportés, l'administration ne peut-être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, qu'elle a restitué avant la fin des opérations de vérification l'intégralité de ces documents.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 nov. 2016, n° 392894
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Etienne de Lageneste
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:392894.20161123
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