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21/11/2016 | FRANCE | N°390516

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 21 novembre 2016, 390516


Vu la procédure suivante :

Mme C...D...a saisi le conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des pharmaciens d'une plainte dirigée contre M. E...B.... Par une décision du 20 janvier 2014, la chambre de discipline du conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Ile-de-France a prononcé contre ce dernier la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pendant sept mois.

Par une décision n° AD3546 du 17 mars 2015, la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, statuant sur l'appel de M.B..., a annulé cette décision et prononcé de nouveau

contre lui la sanction disciplinaire de l'interdiction d'exercer la ph...

Vu la procédure suivante :

Mme C...D...a saisi le conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des pharmaciens d'une plainte dirigée contre M. E...B.... Par une décision du 20 janvier 2014, la chambre de discipline du conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Ile-de-France a prononcé contre ce dernier la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pendant sept mois.

Par une décision n° AD3546 du 17 mars 2015, la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, statuant sur l'appel de M.B..., a annulé cette décision et prononcé de nouveau contre lui la sanction disciplinaire de l'interdiction d'exercer la pharmacie pendant sept mois.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mai et 28 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de Mme D...et du conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Ile-de-France la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. B...et à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat du Conseil national de l'ordre des pharmaciens.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 20 janvier 2014, la chambre de discipline du conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Ile-de-France a retenu que M.B..., pharmacien titulaire d'une officine située à Boulogne-Billancourt, s'était rendu coupable à l'égard de MmeD..., pharmacienne à Asnières, d'agissements contraires au devoir de loyauté et d'assistance prescrit par l'article R. 4235-34 du code de la santé publique ; qu'elle a qualifié ces faits de faute disciplinaire et prononcé contre lui la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pour une durée de six mois ; qu'elle a également décidé de rendre exécutoire, sur le fondement de l'article L. 4234-6 du même code, la partie assortie du sursis d'une précédente sanction d'interdiction d'exercer la pharmacie pour une durée de trois mois, dont un mois avec sursis, prononcée contre l'intéressé par décision du 4 octobre 2010, devenue définitive ; que, par une décision administrative du 14 février 2014, le conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Ile-de-France a refusé d'inscrire M. B...au tableau de la section A de l'ordre, au motif qu'il ne présentait pas de garanties suffisantes de moralité professionnelle en raison des faits ayant justifié la sanction du 4 octobre 2010, de ceux ayant justifié la sanction du 20 janvier 2014 et de la circonstance qu'il avait omis de mentionner la procédure disciplinaire consécutive à ces derniers faits dans la déclaration sur l'honneur jointe à son dossier d'inscription ; que, par une décision du 20 mai 2014, le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, statuant en formation administrative, a rejeté le recours hiérarchique formé par M. B... contre cette décision ; qu'enfin, par une décision du 17 mars 2015, la chambre disciplinaire du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, après avoir annulé sur l'appel de M. B... la décision du 20 janvier 2014 de la chambre de discipline du conseil régional, a de nouveau prononcé contre lui la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pour une durée de sept mois ; que M. B... se pourvoit en cassation contre cette décision ;

Sur les observations présentées par le Conseil national de l'ordre des pharmaciens :

2. Considérant que la requête de M. B... ayant été communiquée au Conseil national de l'ordre des pharmaciens, le mémoire produit par celui-ci n'a pas le caractère d'une intervention sur la recevabilité de laquelle il appartiendrait au Conseil d'Etat de se prononcer ; que rien ne fait obstacle à ce que le Conseil d'Etat recueille, s'il l'estime utile, les observations de ce conseil ; que M. B...n'est pas fondé à demander que le mémoire soit écarté des débats ;

Sur la régularité de la décision attaquée :

3. Considérant que M. B...a fait valoir devant la chambre disciplinaire du Conseil national de l'ordre des pharmaciens que les membres de cette chambre qui avaient siégé au sein de la formation administrative du Conseil national de l'ordre lors de l'adoption de la décision du 20 mai 2014 refusant de l'inscrire, sur son recours, au tableau de la section A de l'ordre, avaient porté, à cette occasion, une appréciation sur les faits qui lui étaient reprochés par Mme D...et ne pouvaient, par suite, sans méconnaître le principe d'impartialité des juridictions, connaître de son appel dirigé contre la décision du 20 janvier 2014 par laquelle la chambre de discipline du conseil régional d'Ile-de-France lui avait infligé une sanction disciplinaire à raison de ces faits ; qu'il ressort toutefois des termes mêmes de la décision du 20 mai 2014 de la formation administrative du Conseil national de l'ordre des pharmaciens que cette formation s'est fondée, pour refuser l'inscription au tableau de M.B..., sur l'autorité qui s'attachait, selon elle, tant que le juge disciplinaire d'appel ne s'était pas prononcé, à la décision du 20 janvier 2014 de la chambre de discipline de première instance et aux motifs sur lesquels elle reposait ; qu'ainsi la formation administrative n'a porté elle-même aucune appréciation sur la matérialité des faits en cause ni sur leur qualification de manquement au devoir de loyauté et d'assistance entre pharmaciens ; que, dans ces conditions, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la chambre de discipline du Conseil national a méconnu le principe d'impartialité en estimant que ceux de ses membres qui avaient participé à cette décision administrative pouvaient prendre part à l'examen de l'appel dont elle était saisie ni que la présence de ces membres a entaché sa décision d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé de la décision :

5. Considérant, d'une part, que la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens a rappelé qu'informé des difficultés financières de sa consoeur, Mme D..., M. B...avait conclu le 6 décembre 2011 avec elle et avec Mlle A..., préparatrice en pharmacie, un protocole d'accord aux termes duquel Mme D...s'engageait à faire l'apport de son entreprise individuelle à une SELARL nouvellement créée dont elle serait gérante et dont M. B...détiendrait 66 % des droits de vote, tandis que Mme A...s'engageait à une présence constante au sein de l'officine en contrepartie d'un droit préférentiel de souscription au capital de la société ; qu'elle a retenu que ce protocole avait permis à Mme A...de bénéficier d'un droit de regard illicite sur les principaux actes de gestion de l'officine et à M. B... d'exercer par son intermédiaire une direction de fait de l'officine de MmeD... et d'aliéner à son profit l'indépendance professionnelle de cette dernière ; qu'elle a caractérisé cette direction de fait en relevant que M. B...s'était assuré un accès à l'ensemble des données comptables, de stocks et de clientèle de l'officine et avait pris diverses décisions d'enlèvement de produits et de matériels, de passation de commandes, de réception de travaux ou d'embauche ; qu'elle a jugé que ces faits présentaient un caractère fautif et révélaient un manquement grave au devoir de loyauté et d'assistance prescrit par l'article R. 4235-34 du code de la santé publique ; qu'en se prononçant par ces motifs, elle a suffisamment fondé sa décision en fait et en droit ; qu'en sanctionnant M. B...pour des faits dont l'exécution était en partie imputable à Mme A..., elle n'a pas méconnu le caractère personnel de l'action disciplinaire ni commis d'erreur de droit, dès lors qu'elle retenait que Mme A...avait agi sur ordre et pour le compte de M.B... ; qu'en retenant que ce dernier s'était rendu coupable d'un manquement au devoir de loyauté et d'assistance vis-à-vis de MmeD..., elle n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce, la circonstance que Mme D...ait librement signé le protocole d'accord du 6 décembre 2011 et n'ait pas immédiatement exprimé son opposition aux démarches de M. B... étant, dans les circonstances de l'espèce, sans incidence sur cette qualification ;

6. Considérant, d'autre part, qu'en infligeant à M. B...la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pendant une durée de six mois et en rendant exécutoire la partie assortie du sursis de la sanction disciplinaire prononcée contre lui le 4 octobre 2010 par la chambre de discipline du conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Ile-de-France, la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens n'a pas retenu une sanction hors de proportion avec la faute constituée par ce manquement grave et délibéré à ses devoirs, alors même que la direction de fait qui lui est reprochée aurait été brève et que Mme D... ne s'y serait pas clairement opposée ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. B... doit être rejeté ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que doivent être également rejetées les conclusions présentées au titre des mêmes dispositions par le Conseil national de l'ordre des pharmaciens appelé en la cause pour produire des observations, qui, ainsi qu'il a été dit au point 2, n'a pas la qualité de partie à la présente instance ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des pharmaciens au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. E...B..., à Mme C...D..., au Conseil national de l'ordre des pharmaciens et au conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Ile-de-France.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 390516
Date de la décision : 21/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 nov. 2016, n° 390516
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:390516.20161121
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