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16/11/2016 | FRANCE | N°397591

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 16 novembre 2016, 397591


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 16 novembre 2015, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme C...D...et M. B...A..., candidats aux élections départementales des 22 et 29 mars 2015 en Guadeloupe dans le canton de Saint-François, et saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe en application des dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral. Par un jugement n° 1500854 du 4 février 2016, ce tribunal a rejeté cette saisine.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregi

strés les 3 mars 2015 et 26 août 2016 au secrétariat du contentieux du C...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 16 novembre 2015, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme C...D...et M. B...A..., candidats aux élections départementales des 22 et 29 mars 2015 en Guadeloupe dans le canton de Saint-François, et saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe en application des dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral. Par un jugement n° 1500854 du 4 février 2016, ce tribunal a rejeté cette saisine.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 mars 2015 et 26 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement et de valider le rejet du compte de campagne des intéressés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Decubber, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52 4. / (...) Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. / (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. (...) " ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme D...et M. A...se sont portés candidats aux élections départementales de la Guadeloupe qui ont eu lieu les 22 et 29 mars 2015, dans le canton de Saint-François (département de la Guadeloupe) ; que, par une décision du 16 novembre 2015, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté leur compte de campagne et décidé en conséquence qu'ils n'avaient pas droit au remboursement forfaitaire de l'Etat, au motif qu'ils avaient méconnu les dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral en omettant de faire figurer dans ce compte des dépenses d'un montant non négligeable relatives à deux soirées électorales de soutien organisées les 10 janvier et 7 février 2015 ; qu'elle a saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe, juge de l'élection, en application des dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral ; que par un jugement du 4 février 2016, dont la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques relève appel, le tribunal administratif de la Guadeloupe a estimé que c'est à tort que la commission a rejeté le compte de campagne de Mme D...et de M.A... ;

Sur le jugement attaqué :

3. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques s'est fondée, pour rejeter le compte de campagne des intéressés, sur la seule méconnaissance de l'article L. 52-12 du code électoral ; qu'en statuant au regard non des dispositions de cet article mais de celles de l'article L. 52-4 du code électoral, relatif à l'obligation de régler les dépenses électorales par l'intermédiaire d'un mandataire financier, le tribunal administratif de la Guadeloupe a méconnu son office ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler pour ce motif le jugement du 4 février 2016 ;

Sur le rejet du compte de campagne :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment des cartons d'invitation et copies d'écrans jointes au dossier, que les deux soirées organisées les 10 janvier et 7 février 2015, qui ont réuni chacune environ deux cents militants et sympathisants, ont eu pour objet d'apporter un soutien à Mme D...et M. A...aux élections départementales de la Guadeloupe qui ont eu lieu les 22 et 29 mars 2015 ; que, par suite, les dépenses correspondant à ces deux soirées doivent être regardées comme ayant été engagées en vue de l'élection, au sens des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aucune comptabilité relative à ces deux manifestations n'a été fournie par Mme D...et M. A...lors du dépôt de leur compte et pas davantage au cours de la procédure contradictoire devant la Commission, les intéressés se bornant à présenter des explications partielles ou approximatives et à affirmer que certaines dépenses ne devaient pas être prises en compte, compte tenu notamment de contributions des participants ; que devant le juge de l'élection, les intéressés ne produisent non plus aucune justification précise des dépenses engagées et des recettes recouvrées ; qu'il résulte de l'instruction qu'il y a lieu de retenir, au titre des deux manifestations mentionnées ci-dessus, déduction faite notamment des repas directement réglés par les participants lors de la deuxième manifestation, un montant minimal de 800 euros de dépenses, au titre des frais de location de salle, de fabrication des cartons d'invitation et d'animation des soirées, qui représentent 11,4 % des dépenses inscrites dans le compte de campagne et 5,3 % du plafond de dépenses électorales autorisées dans le canton ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté leur compte de campagne et décidé, en conséquence, que les candidats n'avaient pas droit au remboursement forfaitaire par l'Etat des dépenses de campagne ;

Sur l'inéligibilité :

6. Considérant qu'en vertu des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 118-3 du code électoral, le juge de l'élection prononce l'inéligibilité des membres du binôme de candidats dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales ; qu'il résulte de l'instruction que si Mme D...et M. A...ne pouvaient ignorer la portée des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral, leur méconnaissance ne révèle aucune volonté de fraude ; qu'elle n'a pas été de nature à porter atteinte de manière sensible à l'égalité entre les candidats et que le compte de campagne des intéressés ne fait pas apparaître d'autres irrégularités de nature à justifier une déclaration d'inéligibilité ; que la réintégration des dépenses illégalement omises dans leur compte de campagne n'emporte ni dépassement du plafond de dépenses électorales autorisées dans le canton, ni déficit du compte à condition que soit comptabilisé également le règlement de ces dépenses par les candidats ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de déclarer Mme D...et M. A...inéligibles en application de ces dispositions ;

Sur les conclusions présentées par Mme D...et M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; que par suite, les conclusions présentées par Mme D... et M. A...au titre de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 4 février 2016 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.

Article 2 : Le compte de campagne de Mme D...et M. A...a été rejeté à bon droit par la décision du 16 novembre 2015 de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Article 3 : Mme D...et M. A...n'ont pas droit au remboursement forfaitaire de l'Etat en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de déclarer Mme D...et M. A...inéligibles en application de l'article L. 118-3 du code électoral.

Article 5 : Les conclusions de Mme D...et M. A...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à Mme C...D...et à M. B...A....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et à la ministre des outre-mer.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 397591
Date de la décision : 16/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 nov. 2016, n° 397591
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Stéphane Decubber
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:397591.20161116
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