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16/11/2016 | FRANCE | N°393754

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 16 novembre 2016, 393754


Vu la procédure suivante :

La société Oddo a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 142 163, 98 euros en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait d'une promesse de dégrèvement total non tenue par le ministre chargé du budget, la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait de son placement en procédure de sauvegarde consécutif à la dite promesse de dégrèvement total non tenue et enfin de condamner l'Etat à lui verser une somme déterminée par exp

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Vu la procédure suivante :

La société Oddo a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 142 163, 98 euros en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait d'une promesse de dégrèvement total non tenue par le ministre chargé du budget, la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait de son placement en procédure de sauvegarde consécutif à la dite promesse de dégrèvement total non tenue et enfin de condamner l'Etat à lui verser une somme déterminée par expertise, au titre des différents préjudices matériels qui résulteront nécessairement pour elle de son placement en procédure de sauvegarde. Par un jugement n° 1107691 du 10 décembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 14MA00965 du 23 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Oddo contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 septembre 2015 et 28 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SARL Oddo, MaîtreA..., agissant en qualité de mandataire judiciaire de cette société, et la SCP Douhaire-Avazeri, agissant en qualité d'administrateur de cette société (ci-après la SARL Oddo et autres) demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Jolivet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la société Oddo, de Me A...et de la SCP Douhaire-Avazeri ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Oddo qui exerçait une activité de réparation et de vente de véhicules d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1995 au 30 septembre 1998 à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés pour un montant de 203 903 euros en droits. A la suite des observations présentées, l'administration fiscale a partiellement confirmé ces rappels, puis mis en recouvrement, le 30 juin 2000, 203 884 euros de droits et 33 220 euros d'intérêts de retard, soit un montant total de 237 104 euros. Les 203 884 euros de droits rappelés se décomposaient en 116 138 euros de droits rappelés au titre d'une insuffisance de taxe sur la valeur ajoutée collectée, 1 928 euros de droits rappelés au titre d'un refus d'admettre la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée concernant des pièces d'occasion et 85 838 euros de droits rappelés au titre d'un refus d'admettre la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée concernant des factures qui n'étaient pas libellées au nom de la SARL Oddo mais au nom de la SARL Garage Termine. A la suite de la réclamation formée par la SARL Oddo, l'administration a prononcé le 19 juillet 2001 un dégrèvement partiel, à hauteur de 30 779 en droits et 4 711 euros d'intérêts de retard, des rappels correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée déductible mentionnée sur les factures réglées par elle mais non libellées à son nom. Par un jugement du 26 septembre 2005, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande formée le 18 septembre 2001 par la SARL Oddo, tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1995 au 30 septembre 1998. La SARL Oddo a interjeté appel de ce jugement. L'administration fiscale a, par décision du 21 avril 2006, de nouveau prononcé un dégrèvement partiel, à concurrence de la somme de 3 547 euros en droits et 561 euros en intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée déductible mentionnée sur les factures réglées par elle mais non libellées à son nom. Par un arrêt du 4 septembre 2008, la cour, après avoir jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la contribuable à hauteur du montant de ce dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de sa requête. La SARL Oddo ayant formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt, l'administration fiscale a informé le Conseil d'Etat par lettre du 24 mars 2010 de sa décision de prononcer le dégrèvement " des impositions restant en litige ". Par lettre du 31 mars 2010, la société requérante a conclu qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur ce pourvoi. L'administration fiscale a alors prononcé un dégrèvement d'un montant de 59 450 euros, dont 51 511 euros en droits et 7 939 euros en intérêts de retard. Statuant sur le pourvoi en cassation de la société Oddo, le président de la 3ème sous-section du contentieux du Conseil d'Etat a jugé par ordonnance du 6 mai 2010 qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ce pourvoi, compte tenu de la décision de dégrèvement. La société Oddo estimant que l'administration s'était méprise sur la portée du dégrèvement prononcé a sollicité le 14 septembre 2010 l'ouverture d'une procédure de conciliation auprès du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence. Par lettre du 22 octobre 2010, l'administration fiscale a indiqué au conciliateur désigné qu'en prononçant la décharge de la somme de 59 450 euros, au titre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée découlant du seul chef de redressement contesté, elle avait définitivement purgé le litige né du contrôle fiscal engagé en 1999.

2. La société Oddo a formé, le 16 mars 2011, une demande tendant à être indemnisée du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de la faute résultant, selon elle, du non respect par l'administration de sa promesse de prononcer le dégrèvement intégral des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige devant le Conseil d'Etat, promesse qui l'aurait alors amenée à se désister de l'instance alors en cours. Elle évalue le quantum du préjudice subi par elle à la somme de 142 163,98 euros, correspondant à la différence entre le dégrèvement total qui lui aurait été promis, soit 201 613, 98 euros, et le dégrèvement partiel effectivement prononcé par l'administration fiscale, soit 59 450 euros. Après le rejet de cette demande par l'administration la société a formé des conclusions indemnitaires qui ont été rejetées par un jugement du 10 décembre 2013 du tribunal administratif de Marseille. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 juillet 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si la réclamation préalable adressée à l'administration le 28 décembre 2000 et la demande en décharge soumise au tribunal administratif visaient la totalité des rappels de TVA mis en recouvrement le 30 juin 2000, l'argumentation que cette réclamation et cette demande comportaient était uniquement dirigée contre les rappels de taxe sur la valeur ajoutée procédant de la remise en cause du droit à déduction de la taxe mentionnée sur des factures qui n'étaient pas libellées au nom de la société ainsi que, par voie de conséquence, contre les intérêts de retard correspondants. Ce n'est qu'à l'occasion de l'appel qu'elle a formé contre le jugement rejetant sa demande en décharge que la société a soulevé des moyens, relatifs à la procédure d'imposition, susceptibles d'entraîner la décharge de la totalité des redressements. Ainsi, à l'expiration du délai de recours contentieux contre la décision de rejet de réclamation préalable, aucun moyen n'était articulé au soutien des conclusions en décharge dirigées contre les rappels de taxe sur la valeur ajoutée procédant d'une insuffisance de taxe sur la valeur ajoutée collectée et du refus d'admettre la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée concernant des pièces d'occasion. Ces conclusions étant ainsi entachées d'une irrecevabilité qui n'était plus susceptible d'être couverte en cours d'instance, la cour administrative d'appel a pu, par une appréciation souveraine non entachée de dénaturation et sans entacher son arrêt ni d'erreur de droit ni de contradiction de motifs, estimer que le litige se limitait aux rappels procédant de la remise en cause du droit à déduction de la taxe mentionnée sur des factures qui n'étaient pas libellées au nom de la société.

4. En second lieu, la cour s'est fondée, pour rejeter l'appel de la société, sur l'absence de faute commise par l'administration à raison d'une promesse non tenue, dès lors que le périmètre du litige, à partir duquel celle-ci avait entendu opérer un dégrèvement, était explicitement cantonné aux seules impositions correspondant au chef de redressement relatif à la déduction de la taxe mentionnée sur des factures qui n'étaient pas libellées au nom de la société. Par suite, les requérants ne sauraient utilement soutenir que la cour aurait inexactement qualifié les faits de l'espèce et entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant que le comportement de la victime était constitutif d'une faute exonératoire de responsabilité pour l'Etat.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Oddo et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent. Leur pourvoi doit donc être rejeté, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la SARL Oddo et autres est rejeté.

Article 2: La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Oddo, à Maître B...A..., à la SCP Douhaire-Avarezi et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 393754
Date de la décision : 16/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 nov. 2016, n° 393754
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Jolivet
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:393754.20161116
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