Vu la procédure suivante :
M. B...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui verser une somme de 80 000 euros en réparation de préjudices qu'il estime avoir subis en raison d'un harcèlement moral et d'une perte de chance de réussir un examen professionnel.
Par un jugement n° 1001472 du 20 février 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette requête.
Par un arrêt n° 14MA01782 du 24 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a fait droit à l'appel formé par M. B...en annulant le jugement attaqué et a condamné l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation de préjudices qu'il estime avoir subis en raison d'un harcèlement moral.
Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 janvier et 25 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la culture et de la communication demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt n° 14MA01782 du 24 novembre 2015 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de première instance présentée par M. B...;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Hoynck, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la ministre de la culture et de la communication et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. A...B...;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 octobre 2016, présentée par M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. La ministre de la culture et de la communication se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 24 novembre 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a fait partiellement droit aux conclusions d'indemnisation présentées par M.B..., attaché d'administration du ministère de la culture et de la communication, après avoir estimé, à la différence du tribunal administratif de Marseille, que l'intéressé avait été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour être qualifiés de harcèlement moral, les agissements en cause doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.
3. Il ressort des constatations de fait de la cour administrative d'appel de Marseille, exemptes de dénaturation, que M.B..., exerçant depuis le 1er aout 2007 les fonctions de secrétaire général du département des recherches archéologiques, subaquatiques et sous-marines au sein de la direction de l'architecture et du patrimoine du ministère de la culture et de la communication, a fait l'objet de plusieurs rapports faisant état de ce qu'il occupait son bureau afin d'y dormir la nuit et qu'il était impossible pour les personnels de nettoyage d'y faire le ménage du fait de l'éparpillement de documents, de nourriture et de vêtements sales. Il ressort des mêmes constatations, exemptes de dénaturation, que le directeur du département, à compter du mois d'avril 2008, a demandé à l'intéressé de mettre fin à cette occupation à des fins personnelles de son bureau, puis que, par arrêté du 11 septembre 2008, M. B...a été suspendu de ses fonctions sur le fondement de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, au motif que son comportement traduisait un manquement à ses obligations professionnelles. Cette situation n'ayant pas été suivie de l'engagement d'une procédure disciplinaire, l'intéressé a été réintégré au sein de ce département dans les nouvelles fonctions de chargé de mission avec une diminution significative de ses attributions. En relevant que ces faits, qui ne constituent pas, dans les circonstances dans lesquelles ils sont intervenus, des mesures excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et que l'absence d'évaluation de l'intéressé pour les années 2007 et 2008 caractérisaient un comportement constitutif de harcèlement moral, la cour administrative d'appel de Marseille a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Par suite, l'arrêt attaqué doit être annulé.
4. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme demandée par la ministre de la culture et de la communication au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 24 novembre 2015 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la ministre de la culture et de la communication est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées pour M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la culture et de la communication et à M.B....