Vu la procédure suivante :
M. et Mme A...ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 27 avril 2011 par lequel le maire de La Garde a accordé à l'établissement " L'Auberge provençale " une autorisation d'ouverture jusqu'à trois heures du matin pour la période du 1er mai 2011 au 30 septembre 2011, ainsi que l'arrêté du 14 mai 2012 lui accordant la même autorisation pour la période du 1er mai 2012 au 30 septembre 2012. Par un jugement n° 1101683 et 1201463 du 29 novembre 2012, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 14 mai 2012 et rejeté le surplus des conclusions des épouxA....
Par un arrêt n° 12MA04945 du 24 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur l'appel de la société " L'Auberge provençale ", de la commune de La Garde et des épouxA..., a annulé ce jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté du 14 mai 2012 et rejeté les conclusions dirigées par les époux A...contre cet arrêté ainsi que leurs conclusions tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté leurs conclusions dirigées contre l'arrêté du 27 avril 2011.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 24 décembre 2014 et 24 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les appels de la société " L'Auberge provençale " et de la commune de la Garde et de faire droit à leurs conclusions d'appel et de première instance ;
3°) de mettre à la charge de la société " L'Auberge provençale " et de la commune de La Garde, chacune, une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. et MmeA..., à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de l'établissement " L'Auberge provençale " et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de La Garde.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 27 avril 2011, le maire de La Garde (Var) a accordé à l'établissement " L'Auberge provençale " une autorisation d'ouverture jusqu'à trois heures du matin pour la période du 1er mai au 30 septembre 2011 ; que, par un arrêté du 14 mai 2012, le maire a renouvelé cette autorisation pour la période du 1er mai au 30 septembre 2012 ; que les consorts A...ayant demandé l'annulation de ces deux arrêtés au tribunal administratif de Toulon, ce tribunal a, par un jugement du 29 novembre 2012, annulé l'arrêté du 14 mai 2012 et rejeté le surplus des conclusions des requérants ; que, la société " L'Auberge provençale " et la commune de La Garde ayant relevé appel de ce jugement en tant qu'il avait annulé l'arrêté du 14 mai 2012 et les époux A...ayant demandé son annulation en tant qu'il avait rejeté leurs conclusions dirigées contre l'arrêté du 27 avril 2011, la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt du 24 octobre 2014, annulé le jugement attaqué en tant qu'il avait annulé l'arrêté du 14 mai 2012, rejeté les conclusions présentées par les époux A...contre cet arrêté et rejeté leurs conclusions d'appel ; que les époux A...se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette les conclusions d'appel des épouxA... :
2. Considérant que la cour a rejeté ces conclusions au motif que, le jugement du 29 novembre 2012 ayant été notifié aux époux A...le 30 novembre 2012, leurs conclusions présentées contre ce jugement le 11 mars 2013, après expiration du délai d'appel, étaient tardives et, par suite, irrecevables ; que les époux A...soutiennent que, ce jugement ayant été contesté dans le délai d'appel par les défendeurs de première instance en tant qu'il annulait l'arrêté du 14 mai 2012, leurs propres conclusions d'appel devaient être regardées comme un appel incident, recevable sans condition de délai ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les conclusions d'appel des époux A...tendaient exclusivement à remettre en cause le jugement du 29 novembre 2012 en tant qu'il avait rejeté leurs conclusions dirigées contre l'arrêté du 27 avril 2011 ; que ces conclusions étaient relatives à une autre décision que celle visée par l'appel principal, avec laquelle elle ne formait pas un tout indivisible ; qu'elles ne pouvaient dès lors recevoir la qualification d'appel incident et restaient soumises au délai d'appel ; qu'en les rejetant comme tardives, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur l'arrêté du 14 mai 2012 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 2° le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que (...) les bruits, les troubles de voisinage (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'arrêté du préfet du Var en date du 8 avril 2010 relatif à la police générale des débits de boisson : " (...) L'heure limite de fermeture des débits de boisson n'ayant pas pour objet principal l'exploitation d'une piste de danse est fixée, dans le département, à 1 heure du matin (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 du même arrêté : " (...) Pendant la période estivale du 1er mai au 30 septembre (...) les maires des communes touristiques et stations classées de tourisme au sens du code de tourisme ainsi que les maires des communes riveraines de la mer sont habilités à accorder aux exploitants des débits de boisson n'ayant pas pour objet principal l'exploitation d'une piste de danse, par mesure individuelle, des dérogations à l'heure légale de fermeture, sans dépasser l'heure limite des 3 heures du matin " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les nuisances sonores provoquées par l'activité nocturne estivale de l'établissement " L'Auberge provençale ", qui ont fait l'objet d'une pétition de riverains en février 2011 ainsi que de nombreux dépôts de plaintes et courriers au maire de La Garde émanant des consorts A...entre 2008 et 2012, ont donné lieu à un pré-rapport établi le 23 mars 2012 par un expert désigné par le tribunal de grande instance de Toulon sur la base de relevés acoustiques établis dans la nuit du 7 juillet 2011 depuis la propriété des requérants ; qu'il résulte de ce rapport que les émissions sonores créées par l'établissement constatées entre 23 h 30 et 1 h 50 du matin dépassaient sensiblement les valeurs limites prévues par les dispositions des articles R. 1334-32 et R. 1334-33 du code de la santé publique ; que la cour a relevé dans son arrêt que la société " L'Auberge provençale " ne démontrait pas que les aménagements qu'elle avait réalisés postérieurement à ces relevés aient été suffisants pour réduire efficacement les nuisances sonores constatées dans ce rapport ; qu'en déduisant de ces éléments que les requérants n'établissaient pas l'existence d'un " lien de causalité " entre l'autorisation d'ouverture jusqu'à trois heures du matin résultant de l'arrêté du 14 mai 2012 et les nuisances sonores subies durant la période d'application de cet arrêté, la cour a dénaturé les faits de l'espèce ; que son arrêt doit, par suite, être annulé en tant qu'il statue sur cet arrêté ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans la même mesure l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il est établi que l'activité de l'établissement " L'Auberge provençale " créait à la date de l'arrêté du 14 mai 2012 des nuisances sonores nocturnes qu'il appartenait au maire de La Garde de prévenir en faisant usage des pouvoirs définis à l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; qu'il suit de là que l'arrêté attaqué accordant à cet établissement une autorisation d'ouverture jusqu'à trois heures du matin est entaché d'illégalité ; que la société " L'Auberge provençale " et la commune de La Garde ne sont, par suite, pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a prononcé son annulation ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des consortsA..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions pour mettre à la charge de la société " L'Auberge provençale " et de la commune de La Garde, chacune, la somme de 2 750 euros à verser aux époux A...au titre des instances d'appel et de cassation ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 1er de l'arrêt du 24 octobre 2014 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : Les conclusions d'appel présentées par la société " L'Auberge provençale " et la commune de La Garde sont rejetées.
Article 3 : La société " L'Auberge provençale " et la commune de La Garde verseront, chacune, une somme de 2 750 euros aux époux A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi et les conclusions présentées par la société " L'Auberge provençale " et par la commune de La Garde au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée aux épouxA..., à la société " L'Auberge provençale " et à la commune de La Garde.