Vu la procédure suivante :
La société Magnum Immobilière a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 12 février 2008 par laquelle le maire d'Augny a rejeté son recours gracieux tendant au dégrèvement de la taxe locale d'équipement, de la taxe pour le financement des conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement et de la taxe des espaces naturels sensibles, de prononcer le dégrèvement de la taxe locale d'équipement, de la majoration de 5% et des intérêts de retard et de procéder à la main levée aux frais du trésor de l'hypothèque mise en place par la trésorerie de Metz à titre de garantie pour bénéficier du sursis de paiement de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales. Par un jugement n° 0801571 du 11 février 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 avril et 10 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Magnum Immobilière demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Anfruns, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange de la Burgade, avocat de la société Magnum Immobilière et à la SCP Ghestin, avocat de M. le maire Commune d'Augny ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Magnum Immobilière a obtenu le 28 juillet 2005 un permis de construire en vue de la réalisation d'un bâtiment commercial sur la zone des Gravières à Augny (Moselle), laquelle avait fait l'objet d'un programme d'aménagement d'ensemble entre le 8 juillet 1989 et le 22 juin 2004. La taxe locale d'équipement ayant été rétablie, sur l'ensemble des zones précédemment couvertes par le programme d'aménagement d'ensemble, par délibération du conseil municipal d'Augny du 16 décembre 2004, une somme de 198 523 euros a été mise à la charge de la société, par décision du 17 novembre 2005, au titre de ce permis de construire. La société se pourvoit en cassation contre le jugement du 11 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande de décharge de cette cotisation de taxe locale d'équipement.
2. La taxe litigieuse a été instituée par la commune sur le fondement de l'article 1585 A du code général des impôts, qui disposait, dans sa rédaction alors applicable, que : " Une taxe locale d'équipement, établie sur la construction, la reconstruction et l'agrandissement des bâtiments de toute nature, est instituée :/ 1° De plein droit :/ a) Dans les communes de 10.000 habitants et au-dessus ;/ b) Dans les communes de la région parisienne figurant sur une liste arrêtée par décret (...)./ 2° Par délibération du conseil municipal dans les autres communes. Les délibérations par lesquelles le conseil municipal institue la taxe ou ultérieurement la supprime sont valables pour une durée de trois ans minimum à compter de la date de leur entrée en vigueur./ La taxe est perçue au profit de la commune ". Le principe d'exclusion dont se prévaut la société requérante est énoncé au I de l'article 1585 C du code général des impôts dans les termes suivants : " Sont exclus du champ d'application de la taxe locale d'équipement : (...) / 3° Les constructions édifiées dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal lorsque ce dernier a décidé de mettre à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés conformément à l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme. (...) ". L'article L. 332-9 du code de l'urbanisme auquel il est ainsi renvoyé dispose que : " Dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné ".
3. La participation prévue à l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme peut être mise à la charge des lotisseurs en application de l'article L. 332-12 du même code, aux termes duquel : " Les dispositions des articles L. 332-6 et L. 332-7 sont applicables dans les conditions suivantes aux lotisseurs (...)./ Peuvent être mis à la charge du lotisseur (...) par l'autorisation de lotir (...) : (...) d) Une participation forfaitaire représentative de la participation prévue à l'article L. 332-9 et des contributions énumérées aux a, b, d et e du 2° et au 3° de l'article L. 332-6-1./ Il ne peut être perçu sur les constructeurs aucune des contributions ou participations qui ont été mises à la charge du lotisseur (...) ". Dans cette hypothèse, la règle d'exclusion est formulée au I bis de l'article 1585 C du code général des impôts qui dispose que : " Lorsque le lotisseur (...) supporte la charge d'une participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement, les constructions édifiées sur les terrains concernés ne sont pas passibles de cette taxe ".
4. Il résulte des dispositions citées au point 3 ci-dessus que lorsque la participation forfaitaire représentative de la participation prévue à l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme a été mise à la charge du lotisseur en application de l'article L. 332-12 du même code, ne peuvent être mises à la charge des constructeurs réalisant une des constructions initiales du lotissement ni la participation prévue à l'article L. 332-9, ni la taxe locale d'équipement quand bien même le programme d'aménagement d'ensemble serait clos. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire n'exclut que la taxe locale d'équipement soit mise à la charge du constructeur qui obtient, postérieurement à l'achèvement du programme d'aménagement d'ensemble constaté par délibération du conseil municipal et au rétablissement de cette taxe, un permis de construire pour une nouvelle construction.
5. Il résulte de ce qui est dit au point 4 ci-dessus que le tribunal a pu, sans erreur de droit, rejeter la demande de décharge de la taxe locale d'équipement au motif que le permis de construire litigieux, qui portait après démolition d'un bâtiment faisant partie des constructions initiales du lotissement sur la réalisation d'une nouvelle construction sur le même terrain, concernait une opération autre que celle qui avait donné lieu à la participation forfaitaire versée par le lotisseur et à l'exonération corrélative de la première construction sur le terrain concerné. C'est, au demeurant, sans erreur de droit que le tribunal a, en outre, relevé que la participation de l'article L. 332-9 et la taxe locale d'équipement constituent pour la commune des recettes de nature différente, la première étant destinée à mettre à la charge des constructeurs ou des lotisseurs tout ou partie du coût des nouveaux équipements publics rendus nécessaires par l'urbanisation d'un secteur déterminé de la commune et constituant une recette affectée, tandis que la seconde présente le caractère d'une ressource fiscale, non affectée, destinée à financer la section d'investissement du budget communal.
6. Contrairement à ce qui est soutenu en cassation, le tribunal n'avait pas à répondre au moyen, inopérant, tiré de ce que la commune ne justifiait pas de la nécessité de réaliser de nouveaux équipements publics dans la zone précédemment couverte par le programme d'aménagement d'ensemble, pour un montant excédant celles des sommes issues de la participation, précédemment instituée sur le fondement de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, qui n'auraient pas été employées lors de la réalisation des équipements compris dans ce programme.
7. Il résulte de ce qui précède que la société n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. Par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Magnum Immobilière une somme de 3 500 euros à verser à la commune d'Augny au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Magnum Immobilière est rejeté.
Article 2 : La SCI Magnum Immobilier versera à la commune d'Augny la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Magnum Immobilière, à la commune d'Augny, à la ministre du logement et de l'habitat durable et au ministre de l'économie et des finances.