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27/10/2016 | FRANCE | N°372822

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre jugeant seule, 27 octobre 2016, 372822


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 octobre 2013 et 25 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. et Mme B...demandent au Conseil d'État :

1°) de constater que la responsabilité de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et de M. Charles-Louis Vier, avocat honoraire au Conseil d'État et à la Cour de cassation, est engagée en raison des manquements commis à leurs devoirs professionnels dans le cadre des pourvois en cassation devant le Conseil d'État enregistrés sous les nos 150737 et 203

765 ;

2°) de condamner la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et M. Charl...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 octobre 2013 et 25 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. et Mme B...demandent au Conseil d'État :

1°) de constater que la responsabilité de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et de M. Charles-Louis Vier, avocat honoraire au Conseil d'État et à la Cour de cassation, est engagée en raison des manquements commis à leurs devoirs professionnels dans le cadre des pourvois en cassation devant le Conseil d'État enregistrés sous les nos 150737 et 203765 ;

2°) de condamner la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et M. Charles-Louis Vier au versement d'une indemnité de 800 000 euros correspondant au préjudice subi par eux, ainsi qu'aux intérêts de droit depuis le jour de leur demande et à la capitalisation desdits intérêts.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

- l'ordonnance du 10 septembre 1817, notamment son article 13 modifié par le décret n° 2002-76 du 11 janvier 2002 ;

- l'avis du 15 octobre 2013 du conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, avocat de M. et Mme B...et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et de M.A....

1. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 13 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 qui réunit, sous la dénomination d'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, l'ordre des avocats aux conseils et le collège des avocats à la Cour de cassation, fixe irrévocablement, le nombre des titulaires, et contient des dispositions pour la discipline intérieure de l'Ordre, dans sa rédaction issue du décret du 11 janvier 2002 relatif à la discipline des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation : " (...) Les actions en responsabilité civile professionnelle engagées à l'encontre d'un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation sont portées, après avis du conseil de l'ordre, devant le Conseil d'État, quand les faits ont trait aux fonctions exercées devant le tribunal des conflits et les juridictions de l'ordre administratif, et devant la Cour de cassation dans les autres cas. (...) " ;

2. Considérant que, par un jugement du 19 décembre 1991, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, à la demande de M. et MmeB..., propriétaires d'un restaurant à Hayange, annulé des décisions des 11 février et 4 novembre 1983 par lesquelles le trésorier payeur général de la Moselle a rejeté leur demande d'obtention d'un prêt participatif simplifié et, d'autre part, rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'État à leur verser une indemnité en réparation du préjudice résultant de ces décisions de refus ; que, par un arrêt du 10 juin 1993, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête de M. et Mme B...tendant à l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande indemnitaire ; que M. et Mme B...se sont pourvus en cassation contre cet arrêt et ont demandé à la SCP A...et Barthélemy de les représenter dans cette instance ; que, par une décision du 9 juin 1997, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy, au motif que celle-ci avait retenu à tort que le trésorier payeur général était tenu de rejeter les demandes de prêt en vertu d'une instruction ministérielle, et a renvoyé l'affaire devant cette cour ; que par un arrêt du 5 novembre 1998, la cour a rejeté à nouveau la demande indemnitaire de M. et Mme B...au motif que le trésorier payeur général avait pu légalement refuser les prêts demandés compte tenu de l'importance de l'endettement et du niveau de fonds propres de l'entreprise de M. et Mme B... ; que ces derniers ont formé contre cet arrêt un pourvoi en cassation présenté par la SCP A...et Barthélemy ; que, par une décision du 20 octobre 1999, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a refusé d'admettre ce pourvoi ; que par une décision du 29 décembre 2000, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a rejeté le recours en rectification d'erreur matérielle formé contre la décision du 20 octobre 1999 par M. B...agissant sans avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ; que, par lettre du 10 novembre 2004, la SCP A...et Barthélemy a indiqué à M. et Mme B...qu'un recours en révision de la décision du 20 octobre 1999 était voué à l'échec ; que par une ordonnance du 19 mars 2007, a été rejeté le recours en révision formé par M. B...agissant sans avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation et régularisé par la SCP A...et Barthélémy à la demande du requérant ; que, bien que la SCP A...et Barthélemy ait indiqué le 24 août 2009 à M. B...qu'un recours en rectification d'erreur matérielle ne pouvait utilement être exercé contre la décision du Conseil d'État du 29 décembre 2000, celui-ci a formé un tel recours sans avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ; que ce recours a été rejeté pour tardiveté par une ordonnance du 10 juin 2010 ;

3. Considérant que M. et Mme B...soutiennent qu'en omettant de présenter, dans le pourvoi dirigé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 10 juin 1993 une argumentation fondée sur la destruction des dossiers de demande de prêts, qu'en présentant une telle argumentation de façon insuffisamment développée dans le pourvoi dirigé contre l'arrêt de la même cour du 5 novembre 1998 et en omettant de les informer de l'existence du recours en rectification d'erreur matérielle à la suite de la décision du 20 octobre 1999 refusant d'admettre leur pourvoi, la SCP A...et Barthélemy leur ont fait perdre une chance sérieuse d'obtenir satisfaction devant le Conseil d'État ; qu'ils demandent, sur le fondement des dispositions citées au point 1, que soit engagée la responsabilité civile de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et de M.A..., en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi ;

4. Considérant, en premier lieu, que la SCP A...et Barthélemy a soulevé, dans le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 10 juin 1993, un moyen tiré de ce que, en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'administration s'était prévalue de pièces extraites d'un dossier auquel M. et Mme B...n'avaient plus accès ; qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que ce moyen n'aurait pas été assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants et en tout état de cause, la consistance de l'argumentation du pourvoi sur ce moyen était sans incidence sur le choix du motif retenu par le Conseil d'État pour faire droit aux conclusions du pourvoi établi par la SCP A...et Barthélemy ;

5. Considérant, par ailleurs, que la circonstance que les pièces des dossiers de demandes de prêts participatifs aient été détruites n'avait pas, par elle-même, d'incidence sur la légalité des décisions de refus opposées à M. et Mme B...et, par suite, sur la responsabilité de l'État à raison de l'illégalité de ces décisions ; que, dès lors, il ne saurait être reproché à la SCP de ne pas avoir soulevé un moyen, au demeurant inopérant, tiré du préjudice subi par M. et Mme B...en raison de la destruction des dossiers de demande ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme B..., qui n'étaient pas représentés par la SCP A...et Barthélemy devant la cour administrative d'appel de Nancy à laquelle l'affaire avait été renvoyée par le Conseil d'État, n'ont pas soulevé devant cette cour de moyen relatif à la destruction des dossiers de demandes de prêts ; que dans son arrêt du 5 novembre 1998, la cour ne s'est pas fondée, pour rejeter la demande de M. et MmeB..., sur les dossiers de demandes de prêts mais sur les éléments de fait invoqués par l'administration et non contredits par les requérants ; que, dès lors, M. et Mme B...ne pouvaient utilement soulever, à l'appui de leur pourvoi contre cet arrêt, un moyen tiré de la destruction des pièces du dossier ; qu'ainsi, la SCP A...et Barthélemy n'a pas commis de faute en ne soulevant pas un tel moyen dans le pourvoi dirigé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 5 novembre 1998 ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et ainsi que le soutiennent les requérants eux-mêmes, qu'aucun moyen tiré de la destruction des dossiers de demandes de prêts n'a été soulevé dans le pourvoi dirigé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 5 novembre 1998 ; que le Conseil d'État n'avait pas, ainsi, à répondre à un tel moyen ; que, par suite, la SCP A...et Barthélemy n'a pas méconnu son obligation de conseil en ne recommandant pas à M. et Mme B...de former un recours en rectification d'erreur matérielle contre la décision du 20 novembre 1999 au motif que le Conseil d'Etat aurait omis de répondre au moyen mentionné ci-dessus ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. et Mme B...tendant à rechercher la responsabilité de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et de M. A...ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M et Mme C...B..., à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et à M. Charles-Louis Vier.

Copie en sera adressée au conseil de l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation.


Synthèse
Formation : 6ème chambre jugeant seule
Numéro d'arrêt : 372822
Date de la décision : 27/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 oct. 2016, n° 372822
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyrille Beaufils
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:372822.20161027
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