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21/10/2016 | FRANCE | N°392711

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème chambres réunies, 21 octobre 2016, 392711


Vu la procédure suivante :

L'union départementale CGT d'Ille-et-Vilaine a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 4 juin 2013 par lesquelles l'inspecteur du travail, d'une part, et le contrôleur du travail, d'autre part, de l'unité territoriale d'Ille-et-Vilaine, 7e section, ont rejeté sa demande de communication des lettres d'observations adressées par l'inspection du travail respectivement à la SAS LCP et à la société PAPREC, ainsi que la décision du 6 août 2013 par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté so

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Vu la procédure suivante :

L'union départementale CGT d'Ille-et-Vilaine a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 4 juin 2013 par lesquelles l'inspecteur du travail, d'une part, et le contrôleur du travail, d'autre part, de l'unité territoriale d'Ille-et-Vilaine, 7e section, ont rejeté sa demande de communication des lettres d'observations adressées par l'inspection du travail respectivement à la SAS LCP et à la société PAPREC, ainsi que la décision du 6 août 2013 par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre ces deux décisions de refus de communication, et d'ordonner la communication des documents sollicités sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement. Par un jugement n° 1303053 du 12 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 août 2015, 17 novembre 2015 et 30 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'union départementale CGT d'Ille-et-Vilaine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale du travail n° 81 concernant l'inspection du travail dans l'industrie et le commerce signée à Genève le 11 juillet 1947 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code du travail ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de l'union départementale CGT d'Ille-et-Vilaine ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 12 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de l'union départementale de la CGT d'Ille-et-Vilaine tendant à l'annulation des décisions du 4 juin 2013 de l'inspecteur du travail et du contrôleur du travail de l'unité territoriale d'Ille-et-Vilaine, 7e section, refusant de lui communiquer les lettres d'observations adressées respectivement aux sociétés Logidis comptoirs modernes (LCM) et Paprec et à ce qu'il joint enjoint à l'administration de les lui communiquer sous astreinte.

2. Si le juge administratif a la faculté, par une appréciation souveraine, d'ordonner avant-dire droit la production devant lui, par les administrations compétentes, des documents dont le refus de communication constitue l'objet même du litige, sans que la partie à laquelle ce refus a été opposé ait le droit d'en prendre connaissance au cours de l'instance, il ne commet d'irrégularité en s'abstenant de le faire que si l'état de l'instruction ne lui permet pas de déterminer, au regard des contestations des parties, le caractère légalement communicable de ces documents ou d'apprécier les modalités de cette communication.

3. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978, aujourd'hui codifiée aux articles L. 300-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration : " Sont considérés comme documents administratifs (...) les documents élaborés ou détenus par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées de la gestion d'un service public, dans le cadre de leur mission de service public ". En vertu de l'article 2 de la même loi : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les autorités mentionnées à l'article 1er sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (...) ". Aux termes du II de l'article 6 de cette loi : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / (...) - faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice ". Le III ajoute que : " Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application du présent article mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions ".

4. Aux termes de l'article L. 8112-1 du code du travail : " Les agents de contrôle de l'inspection du travail (...) sont chargés de veiller à l'application des dispositions du code du travail et des autres dispositions légales relatives au régime du travail, ainsi qu'aux stipulations des conventions et accords collectifs de travail répondant aux conditions fixées au livre II de la deuxième partie./Ils sont également chargés, concurremment avec les officiers et agents de police judiciaire, de constater les infractions à ces dispositions et stipulations (...) ". L'article L. 8113-7 du même code prévoit notamment qu'ils constatent les infractions par des procès-verbaux qui sont transmis au procureur de la République. Les lettres d'observations adressées par l'inspection du travail aux employeurs à l'issue de contrôles effectués dans leurs établissements résultent de la seule pratique administrative, contrairement aux procès-verbaux. Ni leur objet, ni leur contenu n'est défini par aucun texte. Aucune disposition du code du travail, ni aucun autre texte particulier, ne les soumet par ailleurs à un régime de communication spécifique, notamment à l'égard des représentants du personnel.

5. Il résulte de ce qui précède que les lettres d'observations adressées par les agents de contrôle de l'inspection du travail aux employeurs à la suite des contrôles effectués dans leurs établissements sont des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, réserve faite du cas où elles feraient apparaître le comportement d'une personne physique ou morale, dont la divulgation pourrait lui porter préjudice. En pareille hypothèse, ces lettres d'observations ne sont, en principe, communicables qu'à leur destinataire. Elles peuvent également être communiquées à toute personne qui en fait la demande s'il apparaît que l'occultation ou la disjonction de certaines des mentions qu'elles comportent suffit à éviter que cette communication porte préjudice à la personne concernée. Il suit de là que le tribunal administratif de Rennes a entaché son jugement d'une erreur de droit, qui l'a conduit à méconnaître son office dans l'exercice de ses pouvoirs d'instruction, en estimant, sans demander leur production avant-dire droit, que les lettres d'observations adressées par l'inspection du travail respectivement aux sociétés Logidis comptoirs modernes (LCM) et Paprec n'étaient communicables, dans leur totalité, qu'à leurs destinataires, au motif qu'elles comportaient, ainsi que le faisait valoir, sans être contredit sur ce point, le ministre du travail, certaines mentions relatives aux manquements des employeurs à leurs obligations, dont la divulgation serait susceptible de nuire à ces derniers.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi, l'union départementale CGT d'Ille-et-Vilaine est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à l'union départementale CGT d'Ille-et-Vilaine, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 juin 2005 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Rennes.

Article 3 : L'Etat versera à l'union départementale CGT d'Ille-et-Vilaine la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 -1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'union départementale de la CGT d'Ille-et-Vilaine et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 392711
Date de la décision : 21/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 oct. 2016, n° 392711
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:392711.20161021
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