Vu la procédure suivante :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 21 décembre 2009 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'indemnisation des congés récupérateurs non pris, acquis avant le 6 décembre 1994, en tant que personnel navigant au sein du groupement hélicoptères de la sécurité civile sur la base de Strasbourg et de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 136 427,95 euros au titre des préjudices subis, assortie des intérêts légaux. Par un jugement n° 1102252 du 19 décembre 2013, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2011 et capitalisation des intérêts échus à chaque échéance annuelle à compter du 4 septembre 2013, et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un arrêt n° 14NC00322 du 19 mars 2015, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel de M.A..., porté à 20 000 euros la somme due par l'Etat en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par l'intéressé et rejeté le surplus des conclusions de l'intéressé ainsi que l'appel incident du ministre de l'intérieur.
Par un pourvoi enregistré le 26 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt, en tant qu'il lui fait grief ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter l'appel de M. A... et de faire droit à ses conclusions d'appel incident.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le décret n° 94-1047 du 6 décembre 1994 modifié ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Angélique Delorme, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. A...;
Vu les deux notes en délibéré, enregistrées les 13 et 14 octobre 2016, présentées par M.A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... a exercé les fonctions de pilote d'hélicoptère auprès de la direction de la sécurité civile jusqu'au 24 août 1997, date à laquelle il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite. Par un courrier adressé au ministre de l'intérieur le 26 septembre 2009, il a sollicité une indemnisation au titre des jours de repos compensateurs dont il n'a pu bénéficier avant son départ à la retraite, par application d'un arrêté du 6 décembre 1994. Par un jugement du 19 décembre 2013, le tribunal administratif de Strasbourg a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en réparation de ses préjudices. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 mars 2015 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il a porté cette somme à 20 000 euros et a rejeté son appel incident.
2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même loi, la prescription ne court pas contre le créancier " qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance. " Lorsque la créance d'un agent porte sur la réparation du préjudice résultant de l'illégalité d'une disposition réglementaire qui a porté atteinte, par elle-même, aux droits qu'il avait acquis du fait des services accomplis jusqu'alors, son fait générateur doit être rattaché à l'année au cours de laquelle cette disposition a été régulièrement publiée, sans que l'agent ne puisse être regardé comme ignorant légitimement l'existence d'une telle créance jusqu'à ce qu'ait été révélée l'illégalité dont la disposition était entachée.
3. Il ressort des énonciations non contestées de l'arrêt attaqué qu'en annulant, par l'arrêté du 6 décembre 1994 mentionné au point 1 ci-dessus, l'ensemble des congés récupérateurs acquis par les personnels navigants du groupement d'hélicoptères non pris à la date de publication du décret du 6 décembre 1994 fixant le régime applicable à ces personnels, le ministre de l'intérieur a porté atteinte aux droits acquis par les intéressés et commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du requérant. Toutefois, eu égard au caractère réglementaire de cet arrêté, la cour a commis une erreur de droit en écartant l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre au seul motif qu'aucune décision individuelle prononçant l'annulation des jours de repos compensateurs que M. A...avait accumulés ne lui avait été notifiée et sans rechercher à quelle date l'arrêté précité avait été publié. Son arrêt doit, dès lors, être annulé.
4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 19 mars 2015 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : Les conclusions de M. A...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. B...A....