Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'équipement a rejeté sa demande du 9 novembre 2006 tendant au versement d'une somme de 6 169 494 euros et de condamner l'Etat à lui verser cette somme augmentée des intérêts à compter de la réception de sa demande préalable.
Par un jugement n° 0700263 du 16 octobre 2008, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 08BX03152 du 1er avril 2010, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême, à l'article 1er, annulé ce jugement et, à l'article 2, rejeté la demande présentée par la chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême.
Par une décision n° 340093 du 19 avril 2013, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'article 2 de cet arrêt et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Par un arrêt n° 13BX01192 du 31 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant après renvoi, a rejeté la demande de la chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême devant le tribunal administratif de Poitiers.
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et de nouveaux mémoires, enregistrés les 27 février, 26 mai, 30 mai et 21 juillet 2014 et le 15 septembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 169 494 euros, augmentée des intérêts de droit à compter de la réception de la demande préalable et d'ordonner la capitalisation des intérêts de droit ayant couru sur la somme due en principal depuis une année révolue à compter de la demande préalable, et chaque nouvelle année ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'aviation civile ;
- le décret du 6 mai 1955 portant approbation du cahier des charges type applicable aux concessions d'outillage public d'aéroport ;
- le décret n° 97-547 du 29 mai 1997 portant approbation du cahier des charges type et de la convention de concession type applicables aux concessions accordées par l'Etat pour la construction, l'entretien et l'exploitation des aérodromes ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême a demandé que l'Etat soit condamné à lui rembourser les avances qu'elle soutient avoir consenties sur ses ressources propres pour l'exploitation de l'aérodrome d'Angoulême Brie Champniers entre 1984 et 2002 ; que, par un jugement du 16 octobre 2008, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande ; qu'un arrêt du 1er avril 2010 de la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par son article 1er, annulé le jugement du tribunal administratif de Poitiers et, par son article 2, statuant par la voie de l'évocation, rejeté la demande de la chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême ; que, par une décision du 19 avril 2013, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'article 2 de cet arrêt et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux ; que la chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 décembre 2013 par lequel la cour, statuant après renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté sa demande présentée devant le tribunal administratif de Poitiers ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et des mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont il est fait application / (...) Mention est également faite de la production d'une note en délibéré " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure devant la cour qu'une note en délibéré a été produite par la chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême après l'audience qui s'est tenue le 28 novembre 2013 ; que cette note en délibéré, adressée par télécopie, a été enregistrée au greffe de la cour le 28 novembre 2013 et confirmée par un courrier écrit et signé, enregistré le 2 décembre 2013 ; que l'arrêt du 31 décembre 2013, qui ne vise pas cette note en délibéré, est entaché d'irrégularité ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
4. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ; que, compte tenu de l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 octobre 2008 par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 10 avril 2010, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême devant ce tribunal ;
5. Considérant qu'en vertu de l'article R. 223-2 du code de l'aviation civile, dans sa version alors applicable, relatif aux concessions accordées par l'Etat pour la construction, l'entretien et l'exploitation des aérodromes qui lui appartiennent, les concessions qui ne portent pas dérogation au cahier des charges type sont accordées par arrêté ministériel et les concessions qui portent dérogation au cahier des charges type par décret en Conseil d'Etat ; qu'en vertu de l'article 48 du cahier des charges type applicable aux concessions d'outillage public aéroportuaire annexé au décret du 6 mai 1955, applicable jusqu'à l'approbation d'un nouveau cahier des charges par le décret du 29 mai 1997, l'Etat doit rembourser, à l'expiration de la concession, à la chambre de commerce et d'industrie concessionnaire " les avances que cette dernière aurait pu faire sur ses ressources propres ou la valeur non amortie des installations qu'elle aurait réalisées au moyen des mêmes ressources, si ce remboursement n'a pu être effectué par imputation sur le reliquat du fonds de réserve (...) " ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême a exploité l'aérodrome d'Angoulême Brie Champniers sur le seul fondement d'autorisations temporaires d'occupation du domaine public accordées par des arrêtés successifs du préfet de la Charente du 20 mars 1984 jusqu'au 20 septembre 2002, date à laquelle a été conclue une concession d'outillage public pour cinq ans ; qu'elle ne saurait ainsi, en tout état de cause, se prévaloir des stipulations de l'article 48 du cahier des charges type des concessions d'outillage public aéroportuaire annexé au décret du 6 mai 1955 ni soutenir, sur le terrain de la responsabilité contractuelle, qu'elle aurait droit à une indemnisation pour méconnaissance de ces stipulations ;
7. Considérant, en second lieu, que la chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême soutient que l'Etat aurait commis une faute en lui concédant, entre 1984 et 2002, l'exploitation de l'aérodrome par des arrêtés préfectoraux autorisant l'occupation du domaine public, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 223-2 du code de l'aviation civile, et que cette faute serait à l'origine directe du préjudice qu'elle estime avoir subi en ne pouvant obtenir, en application du cahier des charges type des concessions d'outillage public aéroportuaire, le remboursement des avances qu'elle aurait consenties entre 1984 et 2002 ; que, toutefois, les pièces qu'elle a produites n'apportent aucune justification de ce qu'elle aurait, ainsi qu'elle le soutient, consenti de telles avances ; que, dès lors, les conclusions qu'elle présente sur le terrain de la responsabilité extra-contractuelle de l'Etat ne peuvent qu'être rejetées ;
8 Considérant qu'il en va de même des conclusions qu'elle présente sur le terrain de la responsabilité quasi-contractuelle, dès lors que, en l'absence de toute justification des avances qu'elle aurait consenties, elle ne peut en tout état cause soutenir qu'elle aurait exposé des dépenses utiles pour l'Etat ;
9. Considérant qu'est sans incidence sur ce qui a été dit aux points 6 à 8 ci-dessus la circonstance que l'Etat aurait, comme le soutient la chambre de commerce et d'industrie, admis qu'elle détenait une créance sur lui au titre d'avances consenties entre 1984 et 2002 ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, que la demande de la chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême doit être rejetée ;
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'Etat au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 31 décembre 2013 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême devant le tribunal administratif de Poitiers, ainsi que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant les juges du fond et le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de l'Etat présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.