Vu la procédure suivante :
Par deux mémoires, enregistrés les 21 juillet et le 20 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la confédération du commerce de gros et international demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 portant diverses dispositions d'adaptation et de simplification dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 541-10-9 du code de l'environnement.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 34 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ;
- la décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015 du Conseil constitutionnel ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Philippe Mochon, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la confédération du commerce de gros et international.
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant que l'article L. 541-10-9 du code de l'environnement, créé par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dispose : " A compter du 1er janvier 2017, tout distributeur de matériaux, produits et équipements de construction à destination des professionnels s'organise, en lien avec les pouvoirs publics et les collectivités compétentes, pour reprendre, sur ses sites de distribution ou à proximité de ceux-ci, les déchets issus des mêmes types de matériaux, produits et équipements de construction à destination des professionnels, qu'il vend. Un décret précise les modalités d'application du présent article, notamment la surface de l'unité de distribution à partir de laquelle les distributeurs sont concernés par cette disposition. " ; qu'en vertu de l'article L. 541-46 du même code la méconnaissance de ces prescriptions est punie de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ;
3. Considérant que l'article L. 541-10-9 du code de l'environnement est applicable au litige ; que les dispositions de cet article n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment en ce que le législateur, en imposant à tout distributeur de matériaux, produits et équipements de construction à destination des professionnels une obligation de s'organiser pour la reprise des déchets issus des mêmes types de matériaux, produits et équipements de construction à destination des professionnels qu'il vend, a méconnu la liberté d'entreprendre et le principe d'égalité devant la loi, n'a pas prévu les garanties nécessaires au respect de cette liberté et de ce principe et qu'il a méconnu le principe réservant au législateur la détermination des crimes et délits, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article L. 541-10-9 du code de l'environnement est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la confédération du commerce de gros et international jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait statué sur la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la confédération du commerce de gros et international et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Copie en sera adressée au Premier ministre, au ministre de l'économie et des finances et au Conseil constitutionnel.