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13/10/2016 | FRANCE | N°388410

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 13 octobre 2016, 388410


Vu la procédure suivante :

La société anonyme Safran a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1107078 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 13VE02872 du 30 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a,

sur appel de la société Safran, fait droit à sa requête et réformé le jugement...

Vu la procédure suivante :

La société anonyme Safran a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1107078 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 13VE02872 du 30 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la société Safran, fait droit à sa requête et réformé le jugement du tribunal administratif de Montreuil.

Par un pourvoi, enregistré le 2 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er à 3 de cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Ricard, avocat de la société Safran.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Snecma, société mère d'un groupe fiscalement intégré auquel appartenait notamment la société Snecma Moteurs, a été absorbée, avec effet au 1er janvier 2005, par la société Safran, ce qui a entraîné la cessation du groupe ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité dont la société Safran a fait l'objet au titre de son exercice clos en 2005, en tant notamment qu'elle venait aux droits et obligations de la société Snecma, l'administration a estimé, en particulier, que cette dernière avait à tort omis de répercuter sur la société Snecma Moteurs l'intégralité de la charge d'impôt dont elle aurait été redevable à défaut d'appartenance au groupe et qu'elle lui avait accordé, de ce fait, des subventions indirectes, présentant un caractère anormal, qui devaient ainsi être réintégrées, en application de l'article 223 R du code général des impôts, dans le résultat d'ensemble au titre de l'exercice de cessation du groupe ; que, par un jugement du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Safran tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie à la suite de cette rectification de ses bases d'imposition au titre de son exercice 2005 ; que le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 décembre 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a, sur l'appel de la société Safran, fait droit à sa requête en tant qu'elle portait sur ces impositions ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2005 : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe. (...) / Les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. La société mère supporte, au regard des droits et des pénalités visées à l'article 2 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, les conséquences des infractions commises par les sociétés du groupe. (...) / Chaque société du groupe est tenue solidairement au paiement de l'impôt sur les sociétés, de l'imposition forfaitaire annuelle et, le cas échéant, des intérêts de retard, majorations et amendes fiscales correspondantes, dont la société mère est redevable, à hauteur de l'impôt et des pénalités qui seraient dus par la société si celle-ci n'était pas membre du groupe. " ; qu'aux termes de l'article 223 B du même code, dans sa rédaction applicable : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 217 bis. (...) / L'abandon de créance ou la subvention directe ou indirecte consenti entre des sociétés du groupe n'est pas pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble. La société mère est tenue de joindre à la déclaration du résultat d'ensemble de chaque exercice un état des abandons de créance ou subventions consentis à compter du 1er janvier 1992. Un décret fixe le contenu de ces obligations déclaratives. (...) " ; que selon l'article 223 E de ce code : " Les déficits retenus pour la détermination du résultat d'ensemble ne sont pas déductibles des résultats de la société qui les a subis. Il en est de même des moins-values nettes à long terme retenues pour le calcul de la plus-value ou de la moins-value nette à long terme d'ensemble " ; que l'article 223 N du même code dispose que : " 1. Chaque société du groupe est tenue de verser les acomptes prévus à l'article 1668 pour la période de douze mois ouverte à compter du début de l'exercice au titre duquel cette société entre dans le groupe. Si la liquidation de l'impôt dû à raison du résultat imposable de cette période par la société mère fait apparaître que les acomptes versés sont supérieurs à l'impôt dû, l'excédent est restitué à la société mère dans le délai prévu au 2 de l'article 1668. / 2. Lorsqu'une société cesse d'être membre du groupe, les acomptes dus par celle-ci pour la période de douze mois ouverte à compter du début de l'exercice au titre duquel la société ne fait plus partie du groupe sont versés pour le compte de cette société par la société mère. " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 223 R du code : " En cas de sortie du groupe de l'une des sociétés mentionnées au sixième alinéa de l'article 223 B, les subventions indirectes qui proviennent d'une remise de biens composant l'actif immobilisé (...) pour un prix différent de leur valeur réelle, déduites pour la détermination du résultat des exercices ouverts à compter du 1er janvier 1992, sont rapportées par la société mère au résultat d'ensemble de l'exercice de sortie de l'une de ces sociétés. De même, la société mère rapporte à ce résultat les autres subventions indirectes, les subventions directes et les abandons de créances, également mentionnés à cet alinéa, qui ont été déduits du résultat d'ensemble de l'un des cinq exercices précédant celui de la sortie s'il a été ouvert à compter du 1er janvier 1992. " ; que selon l'article 46 quater-0 ZG de l'annexe III au même code : " La subvention indirecte mentionnée au sixième alinéa de l'article 223 B et au premier alinéa de l'article 223 R du code général des impôts s'entend des renonciations à recettes qui proviennent des prêts ou d'avances sans intérêt ou à un taux d'intérêt inférieur au taux du marché. Elle s'entend également de la livraison de biens ou de la prestation de services sans contrepartie ou pour un prix inférieur à leur prix de revient ou, s'agissant de biens composant l'actif immobilisé, pour un prix inférieur à leur valeur réelle. / Constituent également une subvention indirecte au sens des articles 223 B et 223 R déjà cités les excédents de charges qui proviennent des emprunts contractés, des avances reçues qui sont assortis d'un taux d'intérêt plus élevé que celui du marché. Il en est de même des achats de biens ou de services pour un prix plus élevé que leur valeur réelle. " ;

3. Considérant que ni les dispositions de l'article 223 A du code général des impôts, en vertu desquelles une société mère peut devenir seule redevable de l'impôt sur les sociétés calculé sur l'ensemble des résultats du groupe qu'elle constitue avec ses filiales et en vertu desquelles chaque société est tenue solidairement au paiement de l'impôt du groupe à hauteur des sommes qu'elle devrait acquitter en l'absence d'intégration, disposition qui ne concerne que le recouvrement des impositions, ni les dispositions des articles 223 B et 223 E du même code, relatives aux règles de détermination du résultat d'ensemble imposable, ni celles de l'article 223 N, relatives aux conditions de paiement de l'impôt, ni celles de l'article 223 R, relatives aux conséquences de la sortie du groupe d'une société ou de la cessation du régime du groupe, ni aucune autre disposition ne déterminent les conditions de répartition de la charge de l'impôt entre les sociétés d'un groupe intégré ; qu'aucune disposition n'implique, dans le silence de la loi sur ce point, que l'économie d'impôt résultant, le cas échéant, de leur application ne bénéficie qu'à la société mère ; que, par suite, les sociétés membres d'un groupe intégré sont libres de prévoir par une convention d'intégration les modalités de répartition entre elles de la charge de l'impôt ou, le cas échéant, de l'économie d'impôt résultant du régime d'intégration ; que, dès lors que les stipulations de cette convention procèdent à une répartition tenant compte des résultats propres de chaque société du groupe dans des conditions telles que cette répartition ne porte atteinte ni à l'intérêt social propre de chaque société ni aux droits des associés ou des actionnaires minoritaires et ne constitue pas, par suite, un acte anormal de gestion, elles ne peuvent être regardées comme conduisant au versement d'une somme ayant le caractère d'une subvention indirecte consentie entre des sociétés du groupe au sens de l'article 223 B du même code ;

4. Considérant que, pour estimer que les sociétés Snecma et Snecma Moteurs s'étaient accordées pour amender la convention d'intégration qui les liait en ne mettant pas à la charge de la société Snecma Moteurs la quote-part d'impôt afférente à la réintégration des provisions pour dépréciation de titres de participation qu'elle avait reprises au 1er janvier 2000 concomitamment à l'apport de ces titres, qu'elle avait reçus de la société Snecma, la cour a relevé que cet amendement résultait d'une note datée du 20 mars 2001 qui, bien que signée par le seul responsable du département fiscal du groupe Snecma, avait été adressée aux responsables exécutifs des deux sociétés, notamment au directeur général adjoint de Snecma chargé des affaires économiques et financières et au secrétaire général de Snecma Moteurs, et qu'elle avait été effectivement mise en oeuvre ; qu'en statuant ainsi, la cour a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'amendement à la convention d'intégration fiscale était destiné à neutraliser les effets, pour la société Snecma Moteurs, de la réintégration des provisions pour dépréciation de titres de participation qu'avait initialement constituées la société Snecma et qui s'étaient traduites pour cette dernière, à la suite de l'apport de ces titres de participation à sa filiale Snecma Moteurs, par des moins-values à long-terme, lesquelles étaient insusceptibles de s'imputer sur les plus-values de long-terme résultant, pour la société Snecma Moteurs, de la réintégration des provisions ; que la cour administrative d'appel a relevé que la convention d'intégration conclue par la société Snecma avec sa filiale Snecma Moteurs telle qu'amendée par la note du 20 mars 2001 préservait les droits des associés ou des actionnaires minoritaires dès lors que cette filiale n'était pas conduite à supporter une imposition supérieure à celle qu'elle aurait supportée en l'absence d'intégration fiscale ; qu'elle a également relevé que, si l'absence de répercussion sur sa filiale Snecma Moteurs de la quote-part d'impôt correspondant à la réintégration des provisions en cause conduisait à faire supporter à la société Snecma une imposition supérieure à celle qu'elle aurait supportée en l'absence d'intégration fiscale, cette situation était rendue possible par son option pour le régime de l'intégration fiscale ; que, dans les circonstances de l'espèce, elle a pu en déduire, sans erreur de qualification juridique des faits, que la prise en charge par la société Snecma de cette quote-part d'impôt n'était pas constitutive d'un acte anormal de gestion ;

6. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que le motif par lequel la cour relève que l'absence de répercussion sur la société Snecma Moteurs de la quote-part d'impôt afférente à la réintégration des provisions en cause avait pour effet de valoriser la participation de la Snecma dans sa filiale à due concurrence du capital détenu présente un caractère surabondant ; que, dès lors, le moyen du pourvoi dirigé contre ce motif est sans incidence sur le litige ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à la société Safran, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société anonyme Safran une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la société anonyme Safran.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 388410
Date de la décision : 13/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 oct. 2016, n° 388410
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Uher
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:388410.20161013
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