Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 avril et 9 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C...A...B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 15 décembre 2015 rapportant le décret du 10 juin 2011 lui ayant accordé la nationalité française ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Tristan Aureau, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...A...B..., ressortissant marocain, a déposé une demande de naturalisation le 6 mars 2010 dans laquelle il a déclaré être célibataire et s'est engagé sur l'honneur à signaler à l'administration chargée d'instruire son dossier tout changement qui viendrait à survenir dans sa situation personnelle et familiale ; qu'au vu de cette déclaration, il a été naturalisé par décret du 10 juin 2011 ; que par bordereau reçu le 27 décembre 2013, le ministre des affaires étrangères a toutefois informé le ministre chargé des naturalisations que M. A...B...avait épousé, à Casablanca, le 8 avril 2011, une ressortissante marocaine résidant habituellement au Maroc ; que, par le décret attaqué, le Premier ministre a rapporté le décret prononçant la naturalisation de M. A...B...au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressé sur sa situation familiale ;
3. Considérant, en premier lieu qu'il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par le secrétaire général du Gouvernement, que le décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par le ministre de l'intérieur ; que l'ampliation notifiée à M. A...B...n'avait pas à être revêtue de ces signatures ; que la qualité du signataire de l'ampliation communiquée à M. A...B...est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité du décret attaqué ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que le délai de deux ans imparti pour pouvoir rapporter un décret de naturalisation commence à courir à la date à laquelle la réalité de la situation familiale de l'intéressé est portée à la connaissance du ministre chargé des naturalisations ; qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre a, en l'espèce, été informé par un envoi de document effectué par le ministre des affaires étrangères le 11 décembre 2013, qui a été reçu par le ministre chargé des naturalisations le 27 décembre 2013 ; que, le décret du 15 décembre 2015 a ainsi été pris dans le délai prévu par les dispositions de l'article 27-2 du code civil ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre chargé des naturalisations a indiqué à M. A...B...les motifs susceptibles de justifier le retrait du décret ayant prononcé sa naturalisation par une lettre du 31 janvier 2014, reçue par l'intéressé le 6 février 2014 ; qu'en réponse à cette information, le conseil de l'intéressé a présenté des observations le 27 février 2014 sur la mesure envisagée ; qu'aucune disposition n'imposait de mentionner dans la lettre adressée à l'intéressé qu'il avait la possibilité de se faire assister d'un conseil, possibilité dont il a d'ailleurs usé ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que si le décret attaqué mentionne comme date de notification du projet de retrait de la nationalité conférée à M. A...B...le 6 février 2011 au lieu du 6 février 2014 et fait état d'observations en défense produites par l'intéressé le 17 janvier 2014 au lieu du 25 février 2014, ces erreurs purement matérielles n'entachent pas d'illégalité le décret contesté ;
7. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 21-6 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation " ; qu'il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts ; que, pour apprécier si cette dernière condition se trouve remplie, l'autorité administrative peut notamment prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la situation familiale en France de l'intéressé ; que, par suite, ainsi que l'énonce le décret attaqué, la circonstance que l'intéressé ait dissimulé s'être marié au Maroc était de nature à modifier l'appréciation qui a été portée par l'autorité administrative sur la fixation du centre de ses intérêts ; qu'il ressort en l'espèce des pièces du dossier que le mariage contracté le 8 avril 2011 par M. A...B...postérieurement au dépôt de sa demande de naturalisation a constitué un changement de sa situation personnelle et familiale qu'il aurait dû porter à la connaissance des services instruisant sa demande de naturalisation, ce qu'il n'a pas fait ; que, l'intéressé, qui maîtrise la langue française ainsi qu'il ressort du procès-verbal d'assimilation versé au dossier, ne pouvait se méprendre sur la portée de la déclaration qu'il a signée en déposant sa demande de naturalisation ; que M. A...B...doit ainsi être regardé comme ayant sciemment dissimulé le changement de sa situation familiale ; que, par suite, en rapportant sa naturalisation, le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application de l'article 27-2 du code civil ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...B...n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 15 décembre 2015 rapportant le décret du 10 juin 2011 qui lui avait accordé la nationalité française ; que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L.761 1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A...B...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C...A...B...et au ministre de l'intérieur.