Vu la procédure suivante :
La commune de Colombes a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion de l'association Atelier d'Architecture Autogérée (AAA) de deux terrains communaux qu'elle occupe illégalement boulevard d'Achères et 7-12, rue Michelet, à Colombes, le cas échéant, de l'autoriser à recourir au concours de la force publique et à procéder au démontage des objets, installations, constructions provisoires qui n'auraient pas été retirés par l'association, aux frais de cette dernière.
Par une ordonnance n° 1510433 du 30 décembre 2015, le juge des référés a partiellement fait droit à cette demande et a, d'une part, enjoint à l'association AAA de libérer le terrain situé 7-12, rue Michelet et de procéder ou faire procéder au démontage des constructions provisoires édifiées sur ce terrain dans un délai de deux mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard, d'autre part, autorisé la commune de Colombes à requérir le concours de la force publique pour faire procéder à l'évacuation du terrain et à l'enlèvement d'office des matériels, objets éventuellement laissés par l'association.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 et 29 janvier et le 10 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Atelier d'Architecture Autogérée demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter entièrement la demande de la commune ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Colombes une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Manon Perrière, auditeur,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de l'association Atelier d'architecture Autogérée et à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la commune de Colombes ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise que la commune de Colombes a consenti à l'association Atelier d'Architecture Autogérée (AAA), le 4 octobre 2011, une convention temporaire d'occupation du domaine public sur un terrain situé rue Michelet pour la mise en place d'un pôle d'agriculture urbaine et civique et, le 30 novembre 2012, une convention temporaire d'occupation du domaine public sur un terrain situé boulevard d'Achères pour l'exploitation d'un pôle " ressourcerie " et d'une plate-forme d' " écoconstruction " ; que ces pôles s'inscrivaient dans un projet européen " R-Urban ", qui a fait l'objet d'un accord de financement conclu le 29 août 2011 entre la Commission européenne et l'association et, pour les besoins de cet accord de financement, d'un accord de partenariat conclu le 19 mars 2012 entre la commune et l'association ; que les conventions d'occupation du domaine public, après avoir été renouvelées conformément à leurs stipulations, sont arrivées à échéance respectivement le 31 août 2014 et le 31 janvier 2015 ; que la commune a toutefois autorisé l'association, par courrier du 26 septembre 2014, à occuper le terrain situé rue Michelet jusqu'au 30 septembre 2015 ;
2. Considérant que, par une ordonnance du 30 décembre 2015 contre laquelle l'association AAA se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi par la commune sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, lui a enjoint de libérer le terrain qu'elle occupe irrégulièrement rue Michelet et de procéder ou faire procéder au démontage des constructions provisoires édifiées sur ce terrain ;
3. Considérant qu'en se fondant, pour juger que la demande présentée par la commune ne se heurtait à aucune contestation sérieuse, sur la circonstance que le refus de la commune d'octroyer à l'association un nouveau titre d'occupation domaniale pour le terrain litigieux au-delà du 30 septembre 2015 avait acquis un caractère définitif au motif qu'il n'avait pas été contesté par l'association dans le délai de deux mois qui lui était imparti, alors que ni la décision du 26 septembre 2014 autorisant l'association à se maintenir sur les lieux jusqu'au 30 septembre 2015, ni le courrier du 16 octobre 2015 par lequel la commune, au terme d'échanges avec l'association sur l'avenir du projet, lui a fait part de son refus de prolonger cette autorisation unilatérale d'occupation du domaine public au-delà de cette date, n'étaient assortis d'une mention des voies et délais de recours, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'association AAA qui, contrairement à ce que soutient la commune, peut utilement invoquer ce moyen né de l'ordonnance attaquée, est fondée à demander l'annulation des articles 1er et 2 de l'ordonnance qu'elle attaque ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer, dans cette mesure, sur la demande en référé en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative " ; que lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement de ces dispositions, d'une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d'urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse ; que, s'agissant de cette dernière condition, dans le cas où la demande d'expulsion fait suite à la décision du gestionnaire du domaine de retirer ou de refuser de renouveler le titre dont bénéficiait l'occupant et où, alors que cette décision exécutoire n'est pas devenue définitive, l'occupant en conteste devant lui la validité, le juge des référés doit rechercher si, compte tenu tant de la nature que du bien-fondé des moyens ainsi soulevés à l'encontre de cette décision, la demande d'expulsion doit être regardée comme se heurtant à une contestation sérieuse ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la commune a, dans le cadre d'une convention pluriannuelle passée avec l'agence nationale pour la rénovation urbaine, engagé la rénovation urbaine du quartier des Fossés-Jean Bouvier, projet déclaré d'utilité publique par arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 7 septembre 2015 et dont les travaux ont commencé le 21 septembre 2015 ; que, dans le cadre de cette opération, des travaux de restructuration d'un parking public souterrain imposent de démolir la rampe d'accès existante d'un parking appartenant à une copropriété voisine située rue Michelet et de reconstruire un nouvel accès commun avec d'autres bâtiments qui seront édifiés dans le cadre de ce projet de rénovation urbaine ; que la fermeture de cette rampe, à l'origine prévue en mai 2016, nécessite la mise en place préalable d'un parking de substitution d'environ 80 places à proximité immédiate de cette copropriété, qu'il est prévu d'implanter sur le terrain occupé rue Michelet par l'association AAA, situé en face de cette copropriété ; que si l'association fait valoir qu'un autre terrain pouvait être retenu pour implanter ce parking de substitution, il résulte de l'instruction que ce terrain est éloigné de la copropriété en cause ; que si elle soutient que la commune a d'ores et déjà implanté un parking à proximité du terrain qu'elle occupe, il ne résulte pas de l'instruction que ce parking, dont l'association soutient qu'il est sous-utilisé, serait suffisant pour répondre aux besoins de stationnement temporaires liés à la restructuration du parking existant ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'urgence de la mesure sollicitée est caractérisée par la nécessité d'engager les travaux de rénovation urbaine du quartier des Fossés-Jean Bouvier, déclarés d'utilité publique et au bon déroulement desquels le maintien dans les lieux de l'association fait obstacle ;
7. Considérant, en second lieu, qu'il est constant que l'association AAA ne dispose plus d'un titre l'autorisant à occuper le terrain litigieux depuis le 30 septembre 2015 ; que si l'association se prévaut des engagements pris par la commune dans l'accord de partenariat du 19 mars 2012, il résulte de l'instruction que cet accord stipulait que le projet sur lequel il portait arrivait à échéance le 30 septembre 2015 et qu'aucune stipulation de cet accord n'imposait à la commune d'en permettre la poursuite sur place au-delà de cette échéance ou, à défaut, d'en assurer la relocalisation ; que, par suite, la mesure d'expulsion sollicitée par la commune ne se heurte à aucune contestation sérieuse ;
8. Considérant qu'eu égard à l'urgence justifiant la mesure d'expulsion demandée, les conclusions de l'association tendant à ce qu'elle soit différée de dix-huit mois ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre à l'association AAA de libérer le terrain situé 7-12, rue Michelet et de procéder ou de faire procéder au démontage des installations provisoires édifiées sur ce terrain, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ;
10. Considérant qu'il n'entre pas dans l'office du juge administratif d'autoriser la commune à demander à l'Etat, sur le fondement des dispositions du code des procédures civiles d'exécution, le concours de la force publique pour l'exécution de la présente décision ; que les conclusions correspondantes de la commune sont, par suite, irrecevables ;
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association AAA le versement à la commune de Colombes de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Colombes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 30 décembre 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à l'association AAA de libérer le terrain situé 7-12 rue Michelet et de procéder ou de faire procéder au démontage des installations provisoires édifiées sur ce terrain sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'association Atelier d'Architecture Autogérée versera à la commune de Colombes la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association Atelier d'Architecture Autogérée et à la commune de Colombes.