Vu la procédure suivante :
La société Bressor a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 4 juillet 2011 par lesquelles le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la ruralité et de l'aménagement du territoire l'a déchue des aides qui lui ont été octroyées au titre de la prime d'orientation agricole et du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole dans le cadre d'un projet tendant à la transformation et à la commercialisation de produits agricoles et lui a demandé le reversement de ces aides à hauteur de la somme de 292 034,73 euros. Par un jugement n° 1208335 du 16 juillet 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 13LY02472 du 25 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit à l'appel de la société Bressor, a annulé ce jugement et les décisions du 4 juillet 2011 du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
Par un recours et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier et 23 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Bressor.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements ;
- le règlement (CE) n° 817/2004 de la Commission du 29 avril 2004 portant modalités d'application du règlement (CE) n°1257/1999 du Conseil concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) ;
- le décret n° 78-806 du 1er août 1978 ;
- l'arrêté du 22 avril 1996 portant modalités d'application du décret n° 78-806 du 1er août 1978 modifié relatif à la prime d'orientation pour les entreprises de transformation et de commercialisation des produits agricoles et alimentaires ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Angélique Delorme, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société Bressor ;
1. Par deux arrêtés du 21 décembre 2001, modifiés le 9 avril 2004, le ministre chargé de l'agriculture a accordé à la société Bressor, en vue de la création d'un atelier de fabrication d'une spécialité fromagère pour un coût éligible de 2 051 249 euros, d'une part, une contribution financière de l'Etat dans le cadre de la prime d'orientation agricole (PAO) et, d'autre part, une prime pour l'amélioration de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles au titre du fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA). A la suite de contrôles effectués en juin 2007 et en février 2008 et d'avis émis par la commission interministérielle de coordination des contrôles en octobre 2008 et mars 2011, le ministre chargé de l'agriculture a, par deux décisions du 4 juillet 2011, prononcé la déchéance des droits de la société Bressor et demandé à cette dernière le reversement des aides perçues, au motif que la société n'avait pas respecté la finalité du projet initial d'investissement dès lors que celui-ci n'avait été réalisé qu'à hauteur de 32,2%, soit le rapport entre les dépenses d'investissement éligibles effectivement réalisées et le coût éligible présenté à l'aide par la société. Le ministre se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 25 novembre 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du 16 juillet 2013 du tribunal administratif de Lyon ainsi que les deux décisions de déchéance des droits du 4 juillet 201.
2. L'attribution d'une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention.
3. Aux termes des conditions particulières annexées aux décisions du 21 décembre 2001 portant attribution des aides à la société Bressor : " 1) (...) Dans la limite du montant maximum prévu à l'article 1er alinéa 2.1, un arrêté modificatif ajustera, en tant que de besoin, le montant du concours accordé, par application du taux du concours sur les coûts éligibles effectivement réalisés à l'achèvement du projet (...) 7) - Toutes les modifications tenant à la nature, à la finalité, à la localisation ou au financement des investissements subventionnés devront avoir été préalablement notifiées à l'autorité administrative chargée du contrôle. Celle-ci pourra les autoriser ou, dans le cas contraire, décider de procéder à la réduction ou à l'annulation des aides accordées. (...) 12) Le non respect des dispositions visées aux points 2) à 11) entraînera, de droit, le retrait du concours accordé ".
4. Le ministre soutient que l'écart de grande ampleur constaté entre le coût éligible des investissements initialement retenu par les arrêtés accordant les aides dans le cadre de la PAO et du FEOGA et les dépenses éligibles effectivement réalisées par le demandeur caractérise, à lui seul, une modification de la finalité des investissements subventionnés. Toutefois, un tel écart peut également trouver sa justification dans des modifications tenant notamment à la nature, à la localisation ou au financement des investissements en cause. En outre, il résulte des dispositions citées au point 3. que le montant des dépenses éligibles effectivement réalisées à l'achèvement du projet peut différer du coût éligible des investissements retenu initialement par les arrêtés accordant les aides et donner lieu à la prise de nouveaux arrêtés ajustant le montant du concours accordé. Ainsi, en relevant que la faiblesse du pourcentage des demandes de paiement entrant dans l'assiette des coûts éligibles au titre du projet subventionné ne pouvait, à elle seule, établir que la finalité du projet n'avait pas été respectée, pour en déduire que les décisions prononçant la déchéance des droits de la société Bressor, au seul motif que celle-ci n'avait pas respecté la finalité du projet initial d'investissement dès lors que celui-ci n'avait été réalisé qu'à hauteur de 32,2%, devaient être annulées, la cour, par un arrêt exempt de dénaturation et suffisamment motivé, a exactement qualifié les faits de l'espèce et n'a pas commis d'erreur de droit. Le ministre ne peut, par ailleurs, utilement soutenir, pour la première fois en cassation, que la société aurait commis des malversations financières afin de justifier la légalité des décisions contestées.
5. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, doit être rejeté.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Bressor au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la société Bressor au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement et à la société Bressor.