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05/10/2016 | FRANCE | N°381116

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 05 octobre 2016, 381116


Vu la procédure suivante :

La société Savéol a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les titres de recette d'un montant respectif de 379 603, 31 euros et 75 920,30 euros émis à son encontre le 8 août 2007 par le directeur de l'office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (ONIFLHOR) au titre du contrôle du fonds opérationnel 1999.

Par un jugement n° 07-5347 du 15 mars 2011, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces titres de recette.

Par un arrêt n° 11NT01384 du 10 avril 2014, la cour administrative d'

appel de Nantes a annulé ce jugement et a rejeté la demande de la société Savéol...

Vu la procédure suivante :

La société Savéol a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les titres de recette d'un montant respectif de 379 603, 31 euros et 75 920,30 euros émis à son encontre le 8 août 2007 par le directeur de l'office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (ONIFLHOR) au titre du contrôle du fonds opérationnel 1999.

Par un jugement n° 07-5347 du 15 mars 2011, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces titres de recette.

Par un arrêt n° 11NT01384 du 10 avril 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement et a rejeté la demande de la société Savéol.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 juin et 28 août 2014, et le 28 septembre 2015, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Savéol, à laquelle la coopérative maraîchère de l'Ouest SCA (CMO SCA) est venue aux droits, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de FranceAgriMer ;

3°) de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CEE) du Conseil n° 4045/89 du 21 décembre 1989 ;

- le règlement (CEE, Euratom) du Conseil n° 2988/95 du 18 décembre 1995 ;

- le règlement (CE) du Conseil n° 2200/96 du 28 octobre 1996 ;

- le règlement (CE) du Conseil n° 411/97 du 3 mars 1997 ;

- le règlement (CE) du Conseil n° 609/2001 du 28 mars 2001 ;

- le code rural ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Angélique Delorme, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de la société Savéol et à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer ;

1. Considérant que le Groupement Maraîcher Brestois, reconnu en qualité d'organisation de producteurs en vertu du règlement 411/97 du Conseil du 3 mars 1997, a déposé le 15 septembre 1998 son programme opérationnel pour la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2003 ; qu'il a bénéficié d'une aide communautaire d'un montant de 6 077 460, 32 francs au titre de l'année 1999 ; qu'à l'issue d'un contrôle effectué du 24 au 26 avril 2002, réalisé par l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA), le directeur de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (ONIFLHOR) a émis le 8 août 2007 à l'encontre de la société Savéol, au sein de laquelle le Groupement Maraîcher Brestois avait fusionné, deux titres de recette n° 0000081/2007 et n° 000000/2007 pour des montants respectifs de 379 603, 31 euros correspondant au montant de l'aide irrégulièrement perçue par cette société, et de 75 920,3 euros correspondant à une pénalité de 20 % de l'aide irrégulièrement perçue ; que le tribunal administratif de Rennes a, par un jugement du 15 mars 2011, annulé ces titres de perception ; que la cour administrative de Nantes a, par un arrêt du 10 avril 2014, annulé ce jugement et rejeté la requête de la société Savéol ; que cette dernière, aux droits de laquelle vient la coopérative maraîchère de l'Ouest SCA (CMO SCA), se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du règlement (CEE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue " ; qu'aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1. Toutefois, les réglementations sectorielles peuvent prévoir un délai inférieur qui ne saurait aller en deçà de trois ans. / Pour les irrégularités continues ou répétées, le délai de prescription court à compter du jour où l'irrégularité a pris fin. (...). / La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif. / Toutefois, la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que l'autorité compétente ait prononcé une sanction, sauf dans le cas où la procédure administrative a été suspendue conformément à l'article 6 paragraphe 1. / (...) 3. Les Etats membres conservent la possibilité d'appliquer un délai plus long que celui prévu respectivement au paragraphe 1 et au paragraphe 2. " ;

3. Considérant, d'une part, qu'ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a dit pour droit dans son arrêt du 11 juin 2015 Pfeifer et Langen GmbH (affaire C-52/14), le délai de prescription de quatre ans prévu au quatrième alinéa du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement n° 2988/95 commence à courir, en cas d'irrégularité continue ou répétée, à compter du jour où celle-ci a pris fin, quelle que soit la date à laquelle l'administration nationale a pris connaissance de cette irrégularité ; qu'il en va de même en cas d'irrégularités mentionnées au 1er alinéa du paragraphe 1 de l'article 3 ; que, d'autre part, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Pfeifer et Langen GmbH précité, le paragraphe 1 de l'article 3 du règlement n° 2988/95 impose, à son quatrième alinéa, une limite absolue s'appliquant à la prescription des poursuites d'une irrégularité, cette prescription étant acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai quadriennal arrive à expiration sans que l'autorité compétente ait prononcé une sanction, sauf dans le cas où la procédure administrative a été suspendue conformément au paragraphe 1 de l'article 6 de ce règlement ; qu'enfin, l'imputation des dépenses à un programme opérationnel donné ne pouvant être constatée qu'à la fin de l'exercice concerné, à savoir lorsque ce programme a été communiqué à l'Etat membre entre le 1er et le 31 janvier de l'année suivante, le point de départ du délai de prescription des irrégularités commises au titre de ce programme opérationnel ne peut courir qu'à compter de cette période ; que, dès lors, c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour a considéré que le point de départ du délai de prescription des irrégularités commises par le Groupement Maraîcher Brestois en 1999 se situait entre le 1er et le 31 janvier de l'année 2000 pour juger que la notification, le 3 septembre 2007, du titre de recette afférent au programme opérationnel de l'année 1999 étant intervenue avant le 1er janvier 2008, l'action en restitution des aides en litige n'était pas prescrite à la date de notification des titres exécutoires contestés ;

Sur l'irrégularité retenue au titre du financement sur le fonds opérationnel 1999 de l'action 1.2 :

4. Considérant qu'en vertu de l'article 6 du règlement 411/97 du Conseil du 3 mars 1997, des modifications des programmes opérationnels peuvent être demandées par les organisations de producteurs tous les ans, au plus tard le 15 septembre pour mise en application au 1er janvier qui suit ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que la dépense engagée par la société Savéol pour la réalisation de clichés imprimés sur les cartons d'emballage pour y intégrer les codes barre, au titre de l'action 1.2, n'était pas prévue dans le programme opérationnel déposé le 15 septembre 1998 par le Groupement Maraîcher Brestois et que, d'autre part, la demande de modification du programme opérationnel pour y intégrer cette action n'a été présentée par le Groupement Maraîcher Brestois que le 6 juillet 1999, soit près de dix mois après la date limite de dépôt prescrite par l'article 6 du règlement du 3 mars 1997 ; que par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit et sans dénaturer les pièces du dossier que, par un arrêt suffisamment motivé, la cour a écarté le moyen de la société Savéol tiré de ce que la réalisation de clichés imprimés sur les cartons d'emballage pour y intégrer les codes barre était éligible à un financement sur le fonds opérationnel 1999 ;

Sur l'irrégularité retenue au titre du financement sur le fonds opérationnel 1999 de l'action 3.4 :

5. Considérant que c'est sans entacher son arrêt de dénaturation ou d'erreur de droit que, pour juger que la société Savéol n'était pas fondée à soutenir que l'administration, en ne retenant pas la dépense en cause au titre de l'action 3.4, aurait procédé à un revirement et méconnu les principes de sécurité juridique et de confiance légitime, la cour a, par un arrêt suffisamment motivé, estimé que la circonstance qu'à l'occasion du programme opérationnel 1997 déposé par une autre société, la société " La Presqu'île ", qui n'avait fait l'objet d'aucun contrôle, de telles dépenses n'auraient pas été contestées par la direction départementale de l'agriculture et de la forêt, était sans incidence dès lors qu'elle ne concernait pas le Groupement Maraîcher Brestois, et que la circonstance que les agents de contrôle n'aient émis aucune observation lorsque le Groupement Maraîcher Brestois a transmis à l'administration les factures d'achat afférent à l'acquisition de bourdons pollinisateurs ne permettait pas d'estimer qu'il aurait ainsi reçu des assurances précises faisant naitre chez lui des espérances fondées ;

Sur l'irrégularité retenue au titre du financement sur le fonds opérationnel 1999 de l'action 4.2 :

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le Groupement Maraîcher Brestois a financé sur le fonds opérationnel 1999 au titre de l'action 4.2 " Création ou développement d'un département commercial " l'intégralité des frais de personnel du service commercial de la société Maraîchère de l'Ouest dans laquelle il détient 37 % du capital alors que l'agrément du programme opérationnel ne portait que sur les frais exclusivement liés aux salariés embauchés postérieurement à cet agrément ; que dès lors, c'est sans commettre d'erreur de droit ni dénaturer les pièces du dossier que la cour a écarté le moyen de la société Savéol tiré de ce que c'est à tort que FranceAgriMer avait considéré que ces dépenses n'étaient pas éligibles à un financement sur le fonds opérationnel 1999 au titre de l'action 4.2 ; que c'est également sans dénaturer les pièces du dossier que la cour a jugé que, contrairement à ce qui était allégué par la société Savéol, l'administration n'était pas, en l'espèce, revenue sur une position favorable au Groupement Maraîcher Brestois concernant l'éligibilité des dépenses engagées au titre de l'action 4.2 et n'avait ainsi pu méconnaître les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;

Sur l'irrégularité retenue au titre du financement sur le fonds opérationnel 1999 de l'action 3.2 :

7. Considérant que la cour a jugé que le Groupement Maraîcher Brestois, en finançant sur le fonds opérationnel 1999 au titre de l'action " Traitement et gestion des déchets " des dépenses de ramassage de déchet sur le stock de conditionnement alors que la dépense en cause, qui concernait en réalité les frais de ramassage des déchets en stocks, portait sur des frais généraux de production, a financé des dépenses qui ne sont pas éligibles au bénéfice de l'aide communautaire au titre du programme opérationnel ; que la CMO SCA soutient qu'en jugeant cela, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit, de dénaturation et d'insuffisance de motivation ; que cependant, elle n'assorti pas son moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien fondé ; que par suite, ce moyen doit être écarté ;

Sur l'irrégularité retenue au titre du financement sur le fonds opérationnel 1999 de l'action 2.5 :

8. Considérant qu'en application du règlement n° 411/97 du 3 mars 1997, les dépenses du personnel ne peuvent prises en charge dans le cadre d'un programme opérationnel que pour autant que ce personnel participe " au maintien ou à l'amélioration d'un niveau élevé de qualité, de commercialisation, ou d'environnement et dont la réalisation implique essentiellement le recours à des personnes qualifiées " ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour apporter la preuve que ses salariés concernés par l'action 2.5 pouvaient être regardés comme des " personnes qualifiées ", la société Savéol n'a produit qu'une attestation du 26 octobre 2007 de sa directrice qualité sécurité environnement insuffisamment précise quant au contenu de la formation qu'auraient reçue ces salariés ; que dès lors, c'est sans commettre d'erreur de droit ni dénaturer les pièces du dossier que, par un arrêt suffisamment motivé, la cour a jugé que la société Savéol n'apportait pas la preuve que ces salariés pouvaient être regardés comme des " personnes qualifiées " au sens des dispositions précitées ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la CMO SCA ne peut qu'être rejetée ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de FranceAgriMer qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de la CMO SCA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Savéol, aux droits de laquelle vient la coopérative maraîchère de l'Ouest SCA, est rejeté.

Article 2 : Les conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par FranceAgriMer sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la coopérative maraîchère de l'Ouest SCA, à FranceAgriMer et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 381116
Date de la décision : 05/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 oct. 2016, n° 381116
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Angélique Delorme
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET ; SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:381116.20161005
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