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03/10/2016 | FRANCE | N°392899

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 03 octobre 2016, 392899


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 et 2002. Par un jugement n° 1316905/2-3 du 11 septembre 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°14PA04406 du 23 juin 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par Mme A...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un

nouveau mémoire, enregistrés les 24 août et 19 octobre 2015 et le 19 mai 2016 au se...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 et 2002. Par un jugement n° 1316905/2-3 du 11 septembre 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°14PA04406 du 23 juin 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par Mme A...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 24 août et 19 octobre 2015 et le 19 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision du Conseil constitutionnel n°2015-503 QPC du 4 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de Mme A...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 1er juillet 2010, confirmé par la cour d'appel de Paris le 22 mars 2012, le tribunal de grande instance d'Auxerre a reconnu coupable M.C..., divorcé de Mme A...en 2004, de détournements de fonds réalisés en 2001 et 2002 au préjudice de la SNC Pharmacie Principale dont son ex-épouse était gérante et associée. Les sommes détournées ont été réintégrées dans les revenus imposables de M. et Mme C...au titre de leur imposition conjointe de 2001 et 2002 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Mme A...demande l'annulation de l'arrêt du 23 juin 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre le jugement du 11 septembre 2014 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge ainsi que de la majoration prévue par le a de l'article 1729 du code général des impôts.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa du 1 de l'article 6 du code général des impôts : " (...) les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles (...) ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédé de la mention "Monsieur ou Madame" ". Aux termes de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales : " (...) chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des conjoints ou notifiés à l'un deux sont opposables de plein droit à l'autre ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ".

3. L'article L. 54 A du livre des procédures fiscales précité institue une présomption irréfragable de représentation mutuelle entre les personnes soumises à imposition commune pour la procédure de contrôle de l'impôt dû au titre des revenus perçus au cours de la période d'imposition commune. Lorsque deux personnes précédemment soumises à imposition commune font l'objet, alors qu'elles sont désormais soumises à imposition distincte, d'un contrôle au titre de leur période d'imposition commune, ces dispositions autorisent l'administration à ne conduire la procédure de contrôle ainsi engagée qu'avec l'une d'entre elles, qui bénéficie alors seule des droits et garanties afférents à cette procédure.

4. Après avoir relevé que, pour les années en litige, M. C...et Mme A... étaient soumis à une imposition commune des revenus perçus par chacun d'eux et que la procédure d'imposition avait été suivie avec M.C..., la cour a pu juger, sans commettre d'erreur de droit et par un arrêt suffisamment motivé, que Mme A...ne pouvait utilement soutenir, au titre de la régularité de la procédure d'imposition, que le document qu'elle avait reçu le 24 mars 2011 était insuffisamment motivé en ce qu'il se bornait à faire référence à la proposition de rectification notifiée à son ex-époux le 23 mars 2011 et que l'administration n'était pas tenue de répondre à ses observations.

5. En second lieu, aux termes de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ". Les majorations d'imposition prévues à l'article 1729 code général des impôts en cas de mauvaise foi constituant des " accusations en matière pénale " au sens de ces stipulations, les principes que celles-ci énoncent sont applicables à la contestation de ces pénalités devant le juge de l'impôt, y compris pour leur procédure d'établissement.

6. Par suite, en jugeant, au motif que les stipulations précitées ne sont pas applicables aux procédures contentieuses suivies devant le juge de l'impôt, que le moyen tiré de leur méconnaissance était inopérant, alors même que la procédure d'imposition contestée en l'espèce concernait également les pénalités fiscales mises à la charge du foyer fiscal, la cour a commis une erreur de droit.

Sur le bien-fondé des impositions :

7. Considérant que la cour a, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, jugé qu'il ne résultait pas de l'instruction que les sommes détournées par l'ex-époux de Mme A...avaient fait l'objet d'une double imposition.

Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il statue sur les pénalités.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mme A...au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 23 juin 2015 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il statue sur les pénalités.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure définie à l'article 1er, à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A...et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 392899
Date de la décision : 03/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 03 oct. 2016, n° 392899
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:392899.20161003
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