La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/07/2016 | FRANCE | N°389477

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 27 juillet 2016, 389477


Vu la procédure suivante :

Par deux ordonnances du 29 juin 2012, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a sursis à statuer sur les demandes de la société à responsabilité limitée (SARL) Ducomte tendant à ce que soit ordonnée la fermeture hebdomadaire de la SARL La Sevinoise et de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Paulantony en application de l'arrêté du 11 septembre 1996 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a ordonné la fermeture hebdomadaire des établissements de vente ou de distribution de pain et a invité les parties

à saisir la juridiction administrative de l'appréciation de la légalité de...

Vu la procédure suivante :

Par deux ordonnances du 29 juin 2012, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a sursis à statuer sur les demandes de la société à responsabilité limitée (SARL) Ducomte tendant à ce que soit ordonnée la fermeture hebdomadaire de la SARL La Sevinoise et de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Paulantony en application de l'arrêté du 11 septembre 1996 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a ordonné la fermeture hebdomadaire des établissements de vente ou de distribution de pain et a invité les parties à saisir la juridiction administrative de l'appréciation de la légalité de cet arrêté.

La SARL La Sevinoise et la société Paulantony, agissant en exécution de ce jugement, ont demandé chacune au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de déclarer que cette décision est entachée d'illégalité. Par un jugement n°s 1207709, 1209748 du 8 avril 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déclaré que l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 11 septembre 1996 est entaché d'illégalité.

Par une ordonnance n° 14VE01800 du 10 avril 2015, enregistrée le 14 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête de la SARL Ducomte, enregistrée au greffe de cette cour le 13 juin 2014. Par cette requête et par deux mémoires en réplique, enregistrés les 15 septembre et 1er décembre 2014 au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles, la SARL Ducomte demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 8 avril 2014 ;

2°) de rejeter les demandes de la SARL La Sevinoise et l'EURL Paulantony.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Thoumelou, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de l'accord intervenu le 16 février 1996 entre plusieurs syndicats de salariés et le syndicat patronal de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie de Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne, le préfet des Hauts-de-Seine a, par un arrêté du 11 septembre 1996, prescrit la fermeture au public un jour par semaine des établissements, parties d'établissements, dépôts, fabricants artisanaux ou industriels, fixes ou ambulants, dans lesquels s'effectue à titre principal ou accessoire la vente au détail ou la distribution de pain. Saisi par la SARL Ducomte de demandes tendant à voir ordonner la fermeture hebdomadaire de la SARL La Sevinoise et de l'EURL Paulantony, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a, par deux ordonnances du 29 juin 2012, sursis à statuer et invité les parties à saisir le tribunal administratif pour qu'il apprécie la légalité de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 11 septembre 1996, notamment en raison du " nombre limité d'organisations représentatives du patronat (...) consultées préalablement à son édiction ". Par un jugement du 8 avril 2014, dont la SARL Ducomte relève appel, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déclaré illégal cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 221-17 du code du travail, applicable à la date de l'arrêté attaqué et repris aujourd'hui à l'article L. 3132-29 du même code : " Lorsqu'un accord est intervenu entre les syndicats d'employeurs et de travailleurs d'une profession et d'une région déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné au personnel (...), le préfet du département peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la région pendant toute la durée de ce repos (...) ". Pour l'application de ces dispositions, la fermeture au public des établissements d'une profession ne peut légalement être ordonnée sur la base d'un accord syndical que si cet accord correspond à la volonté de la majorité indiscutable de tous ceux qui exercent cette profession à titre principal ou accessoire et dont l'établissement ou une partie de celui-ci est susceptible d'être fermé.

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non contredites par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'accord du 16 février 1996 a été signé par une seule organisation patronale, le syndicat patronal de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie de Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne. La fédération des pâtissiers, traiteurs, glaciers, confiseurs de Paris Ile-de-France, le comité de l'alimentation de l'Ile-de-France, regroupant les organisations professionnelles du commerce indépendant et de l'artisanat alimentaire, ainsi que, pour les stations services, le conseil national des professions de l'automobile, que le préfet des Hauts-de-Seine a consultés séparément sur cet accord, se sont déclarés favorables à son application. La SARL Ducomte produit en outre une attestation de la fédération nationale de l'épicerie, caviste et spécialiste en produits bio, représentant notamment les épiceries de moins de onze salariés, indiquant avoir toujours été favorable à la fermeture hebdomadaire prévue par cet accord. En revanche, le syndicat national des industries de la boulangerie-pâtisserie, le groupement indépendant des terminaux de cuisson et la fédération des entreprises du commerce et de la distribution, qui représente les enseignes du commerce à dominante alimentaire, ont émis un avis défavorable ou n'ont pas répondu à la consultation du préfet. Il ressort également des pièces du dossier que le préfet n'a pas consulté d'organisation représentative des établissements de restauration rapide et des commerçants ambulants ou, à défaut d'organisation représentative, n'a pas cherché à connaître l'opinion de ceux d'entre eux qui vendent du pain. Or ni le préfet en première instance, ni le ministre chargé du travail en appel, en dépit de la mesure d'instruction diligentée à cette fin, ni d'ailleurs la société appelante, n'ont produit d'éléments statistiques permettant d'apprécier le poids relatif des différentes catégories d'établissements exerçant, à titre principal ou accessoire, une activité de vente de pain à la date de l'arrêté litigieux. Dans ces conditions, et alors que la SARL La Sevinoise et l'EURL Paulantony étayaient suffisamment leur contestation sur ce point, l'accord du 16 février 1996 ne peut être regardé comme correspondant à la volonté de la majorité indiscutable de tous ceux qui exerçaient la profession à titre principal ou accessoire et dont l'établissement ou une partie de celui-ci était susceptible d'être fermé.

5. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déclaré illégal l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 11 septembre 1996.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la SARL Ducomte est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SARL Ducomte, à la SARL La Sevinoise, à l'EURL Paulantony et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Copie en sera adressée au Syndicat patronal de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie de Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne, au Syndicat artisanat alimentaire CFDT, à l'Union régionale des syndicats agro-alimentaires et forestiers de la région parisienne CGT, à la Fédération nationale CFTC des travailleurs de l'alimentation de l'Ile-de-France, à la Confédération générale du travail - Force ouvrière et à la CFE-CGC.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 389477
Date de la décision : 27/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2016, n° 389477
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Thoumelou
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:389477.20160727
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award