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22/07/2016 | FRANCE | N°399889

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 22 juillet 2016, 399889


1°, Sous le n° 399889, par un mémoire, enregistré le 1er juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de la décision n° 720 du 18 mai 2016 de la chambre nationale de discipline près le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, M. A... B...demande au Conseil d'État de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des alinéas 1

6 de l'article 53 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945...

1°, Sous le n° 399889, par un mémoire, enregistré le 1er juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de la décision n° 720 du 18 mai 2016 de la chambre nationale de discipline près le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, M. A... B...demande au Conseil d'État de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des alinéas 1 à 6 de l'article 53 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable.

2°, Sous le n° 400328, par un mémoire, enregistré le 1er juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant, sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, à ce qu'il soit sursis à l'exécution de la décision n° 720 du 18 mai 2016 de la chambre nationale de discipline près le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, M. A... B...demande au Conseil d'État de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des alinéas 1 à 6 de l'article 53 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. B...et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables et autre ;

1. Considérant que les mémoires visés ci-dessus présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 53 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable : " En dehors de l'avertissement dans le cabinet du président de la chambre régionale de discipline ou de la commission prévue à l'article 49 bis pour les faits qui ne paraissent pas justifier d'autre sanction, les peines disciplinaires sont : / 1° La réprimande ; / 2° Le blâme avec inscription au dossier ; / 3° La suspension pour une durée déterminée avec sursis ; / 4° La suspension pour une durée déterminée ; / 5° La radiation du tableau comportant interdiction définitive d'exercer la profession (...) " ;

4. Considérant que M. B...soutient qu'en ne proscrivant pas que les sanctions disciplinaires qu'elles prévoient puissent se cumuler avec d'autres sanctions disciplinaires, des sanctions administratives et des sanctions pénales, ces dispositions, par leur silence sur ce point, méconnaissent le principe non bis in idem et le principe de nécessité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

5. Considérant, en premier lieu, que le requérant, qui se borne à critiquer le silence de la seule ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable quant aux modalités de cumul des sanctions disciplinaires applicables aux experts-comptables avec d'autres sanctions, ne critique pas, par le même mémoire, les dispositions législatives instituant des poursuites ou des sanctions spécifiques dont il estimerait qu'elles tendent à réprimer le même comportement en méconnaissance des principes constitutionnels qu'il invoque ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que le principe de nécessité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789 ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente en application de corps de règles distincts ; qu'il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que des dispositions législatives ne proscrivant pas, comme les dispositions critiquées, le cumul de sanctions prononcées par diverses juridictions disciplinaires, une juridiction administrative et une juridiction pénale ne sont pas, de ce seul fait, contraires au principe de nécessité des délits et des peines dès lors, notamment, qu'il appartient aux autorités juridictionnelles et disciplinaires compétentes de veiller au respect de l'exigence selon laquelle, lorsque plusieurs sanctions de même nature prononcées pour un même fait sont susceptibles de se cumuler, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ;

7. Considérant, enfin, d'une part, que l'ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable soumet les experts-comptables à l'obligation de respecter un ensemble d'obligations légales, réglementaires et déontologiques qui constitue un corps de règles propre à la profession ; que l'ordre des experts-comptables, par ses conseils régionaux et son conseil supérieur, a pour objet d'assurer la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession qu'il représente ainsi que, dans ses fonctions disciplinaires, le contrôle du respect, par ces professionnels, des obligations auxquelles ils sont ainsi soumis ; que les sanctions disciplinaires prononcées à ce titre par les chambres régionales de discipline, et la chambre nationale de discipline instituées par la même ordonnance visent ainsi à protéger les intérêts sociaux propres à la profession ;

8. Considérant, d'autre part, que ces sanctions sont d'une nature spécifique et ne sauraient être prononcées par d'autres autorités disciplinaires ou juridictions pénales ou administratives ; que par suite, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions litigieuses ne méconnaissent pas le principe non bis in idem en n'interdisant pas, notamment, le cumul des sanctions qu'elles prévoient avec des sanctions disciplinaires susceptibles d'être prononcées par un autre ordre professionnel, dès lors que les organes disciplinaires sont spécifiques aux professions en cause et contrôlent chacun, le respect des règles propres à la profession qu'ils représentent ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité invoquées, le moyen tiré, par M.B..., à l'appui de son pourvoi en cassation et de sa requête à fin de sursis à exécution, de ce que les six premiers alinéas de l'article 53 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, doit être regardé comme non sérieux ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. B....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, au garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre des finances et des comptes publics et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 399889
Date de la décision : 22/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2016, n° 399889
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyrille Beaufils
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:399889.20160722
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