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22/07/2016 | FRANCE | N°397578

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 22 juillet 2016, 397578


Vu la procédure suivante :

L'établissement public régional Port Sud de France a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles il a été assujetti au titre des exercices clos en 2009 et 2010. Par un jugement n° 1200044 du 13 juin 2013, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 13MA03445 du 19 janvier 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par l'établissement public régional Port Sud de France contre ce jugement.

Par un p

ourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mars et 2 juin 2016...

Vu la procédure suivante :

L'établissement public régional Port Sud de France a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles il a été assujetti au titre des exercices clos en 2009 et 2010. Par un jugement n° 1200044 du 13 juin 2013, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 13MA03445 du 19 janvier 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par l'établissement public régional Port Sud de France contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mars et 2 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'établissement public régional Port Sud de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct, enregistré le 9 juin 2016, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, l'établissement public régional Port Sud de France demande au Conseil d'État, à l'appui de son pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 1 de l'article 206, du 6° du 1 de l'article 207 et du premier alinéa de l'article 1654 du code général des impôts, ainsi que du premier alinéa de l'article 165 de l'annexe IV à ce code.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, notamment son article 6 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 14, et son premier protocole additionnel, notamment son article 1er ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de commerce, notamment son article L. 710-1 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi du 28 juin 1941 portant fixation du budget de l'exercice 1941, notamment son article 4 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emmanuelle Petitdemange, auditeur,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Delamarre, avocat de l'Etablissement Public régional Port Sud de France ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux " ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

3. Considérant que l'établissement public régional Port Sud de France soutient que la combinaison des dispositions du 1 de l'article 206, du 6° du 1 de l'article 207 et du premier alinéa de l'article 1654 du code général des impôts, ainsi que du premier alinéa de l'article 165 de l'annexe IV à ce code, dans leur interprétation que l'administration a fait connaître par son instruction publiée le 1er mars 1995 à la documentation de base sous la référence 4H1352, a pour effet de traiter de manière différente au regard de l'impôt sur les sociétés, d'une part, les établissements publics régionaux assumant la gestion d'un port de pêche et de commerce, lesquels sont soumis à cet impôt et, d'autre part, les chambres de commerce et d'industrie assumant la même mission, lesquelles en sont exonérées, de sorte que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

4. Considérant, d'une part, que les dispositions du premier alinéa de l'article 165 de l'annexe IV au code général des impôts résultent de la codification des dispositions du premier alinéa de l'article 2 de l'arrêté du 31 janvier 1942 relatif aux impôts recouvrés par les administrations des contributions directes et indirectes, pris pour l'application de l'article 4 de la loi du 28 juin 1941 portant fixation du budget de l'exercice 1941 ; qu'ainsi, ces dispositions présentent un caractère réglementaire et ne sont pas au nombre des dispositions législatives visées par l'article 61-1 de la Constitution et l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; qu'elles ne sont, en conséquence, pas susceptibles de faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1654 du code général des impôts : " Les établissements publics, les exploitations industrielles ou commerciales de l'Etat ou des collectivités locales, les entreprises concessionnaires ou subventionnées, les entreprises bénéficiant de statuts, de privilèges, d'avances directes ou indirectes ou de garanties accordées par l'Etat ou les collectivités locales, les entreprises dans lesquelles l'Etat ou les collectivités locales ont des participations, les organismes ou groupements de répartition, de distribution ou de coordination, créés sur l'ordre ou avec le concours ou sous le contrôle de l'Etat ou des collectivités locales doivent sous réserve des dispositions des articles 133,207,208,1040,1382,1394 et 1449 à 1463 acquitter, dans les conditions de droit commun, les impôts et taxes de toute nature auxquels seraient assujetties des entreprises privées effectuant les mêmes opérations. " ; qu'aux termes de l'article 206 de ce code : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 8 ter, 239 bis AA, 239 bis AB et 1655 ter, sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues au IV de l'article 3 du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié, les sociétés coopératives et leurs unions ainsi que, sous réserve des dispositions des 6° et 6° bis du 1 de l'article 207, les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 207 du même code : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (...) 6° Les régions et les ententes interrégionales, les départements et les ententes interdépartementales, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, syndicats de communes et syndicats mixtes constitués exclusivement de collectivités territoriales ou de groupements de ces collectivités ainsi que leurs régies de services publics (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions mentionnées au point 5 que, à l'exception des groupements de collectivités territoriales et de leurs régies de services publics, les établissements publics se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif sont passibles de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions que les chambres de commerce et d'industrie, lesquelles sont des établissements publics de l'Etat en application de l'article L. 710-1 du code de commerce, seraient exonérées d'impôt sur les sociétés au titre des exploitations ou opérations passibles de ce dernier ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions, en traitant de manière différente les établissements publics régionaux assumant la gestion d'un port de pêche et de commerce, d'une part, et les chambres de commerce et d'industrie assumant la même mission, d'autre part, méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi manque en fait ; que la circonstance que l'administration aurait fait connaître par ses instructions publiées, qui prévoient que les chambres de commerce et d'industrie assumant la gestion d'un port de pêche et de commerce sont exonérées d'impôt sur les sociétés à ce titre, une interprétation des dispositions législatives contestées contraire à ces dernières est sans incidence sur la conformité de ces dispositions au principe constitutionnel invoqué ;

7. Considérant, par suite, que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions du 1 de l'article 206, du 6° du 1 de l'article 207, du premier alinéa de l'article 1654 du code général des impôts et du premier alinéa de l'article 165 de l'annexe IV à ce code portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être regardé comme non sérieux ;

Sur les autres moyens du pourvoi :

8. Considérant que, pour demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, l'établissement public régional Port Sud de France soutient que la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 1654, du 1 de l'article 206 et du 6° du 1 de l'article 207 du code général des impôts en jugeant qu'il gérait une exploitation à caractère lucratif passible de l'impôt sur les sociétés en application de ces dispositions sans prendre en compte les conditions particulières dans lesquelles cette exploitation était réalisée ; qu'elle a commis une erreur de droit au regard de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales en jugeant qu'il ne pouvait se prévaloir, pour bénéficier d'une exonération d'impôt sur les sociétés, de la doctrine administrative prévoyant une telle exonération en faveur des chambres de commerce et d'industrie gérant un port de commerce ; qu'elle a méconnu le principe d'égalité de traitement garanti par les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à celle-ci en jugeant qu'il ne pouvait bénéficier de l'exonération ainsi prévue par la doctrine administrative ; qu'aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des moyens du pourvoi de l'établissement public Port Sud de France n'est de nature à permettre son admission ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'établissement public régional Port Sud de France.

Article 2 : Le pourvoi de l'établissement public régional Port Sud de France n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'établissement public régional Port Sud de France.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 397578
Date de la décision : 22/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2016, n° 397578
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle Petitdemange
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : DELAMARRE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:397578.20160722
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