Vu la procédure suivante :
La SARL BMC a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 avril 2005, 2006 et 2007, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er mai 2004 au 30 avril 2007 ainsi que des majorations et des intérêts de retard correspondants. Par un jugement n° 1001613 du 28 mars 2013, le tribunal administratif a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 13NT01227 du 29 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société BMC contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 2 mars et 2 juin 2015 et le 13 janvier 2016, la société BMC demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société BMC ;
1. Considérant que la société à responsabilité limitée BMC, exploitant une discothèque sous l'enseigne " Le Calysto " à Nantes, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, engagée par avis du 11 janvier 2008, portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos les 30 avril 2005, 2006 et 2007, et en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période allant du 1er mai 2004 au 30 avril 2007 ; qu'après avoir écarté la comptabilité de la société BMC comme dépourvue de valeur probante, l'administration a procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires ; qu'à l'issue de cette vérification de comptabilité, la société BMC a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi qu'à des pénalités et des intérêts de retard ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 décembre 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 mars 2013 rejetant sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités ;
2. Considérant que la société BMC est fondée à soutenir que, faute de répondre au moyen tiré de ce que la charge de la preuve du bien-fondé des bases d'imposition reposait sur l'administration, quelles que soient les irrégularités dont aurait été entachée sa comptabilité, dès lors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'avait pas été saisie sur le fondement de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la cour a entaché son arrêt d'irrégularité ; que la société est, par suite fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " II. - En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. / Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées " ;
En ce qui concerne l'information de la société sur les nom et adresse administrative de l'agent chargé des traitements informatiques :
5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 30 juin 2008, que l'intervention du 11 février 2008 a exclusivement servi à " établir un diagnostic d'exploitation des disquettes de sauvegarde conservées avant de mettre en oeuvre l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales " ; que cette intervention n'a donc eu ni pour objet ni pour effet de permettre au vérificateur de consulter et d'analyser, à l'aide des fonctionnalités d'applications informatiques, les données contenues dans les fichiers sauvegardés sur ces disquettes et ne saurait, par suite, être regardée comme ayant donné lieu à des traitements informatiques au sens de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; que, dans ces conditions, l'administration n'était pas tenue de communiquer, préalablement à cette intervention, les noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels ce diagnostic serait réalisé ;
6. Considérant, d'autre part, que les dispositions précitées du livre des procédures fiscales n'imposent aucun formalisme particulier pour la communication du nom et de l'adresse administrative de l'agent chargé des traitements informatiques nécessaires au contrôle d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés ; qu'en l'espèce, cette communication a été régulièrement effectuée par l'administration, dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'elle a informé la société BMC des nom et adresse administrative de l'agent concerné par un courrier du 13 mai 2008, auquel la proposition de rectification adressée le 30 juin 2008 à la société fait référence et dont celle-ci n'a pas contesté l'existence ou la teneur au cours de la procédure contradictoire ;
En ce qui concerne les modalités selon lesquelles le contribuable a été appelé à exprimer son choix entre les différents modes de traitement :
7. Considérant, en premier lieu, que si la société soutient que l'administration ne lui a pas clairement exposé la nature des investigations souhaitées, il résulte de l'instruction que celle-ci lui a adressé un courrier remis en main propre le 14 février 2008 indiquant que les traitements informatiques envisagés visaient " à contrôler la fiabilité des recettes déclarées par l'examen des disquettes de sauvegarde effectuées sur caisse KSD " ; que cette mention était suffisante pour permettre à la société BMC d'exercer son choix entre les trois options prévues par le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, la société doit être regardée comme ayant été régulièrement informée de la nature des investigations souhaitées au sens de ces dispositions ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que ni les dispositions précitées de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, ni aucune autre disposition n'imposent de délai spécifique entre le moment où le contribuable est informé de la nature des investigations souhaitées et invité à choisir entre les options prévues par le II de cet article et le moment où il formalise ce choix par écrit ; que la société ne saurait utilement, à cet égard, invoquer les dispositions de l'article L. 47 du même livre relatives au délai dont dispose le contribuable pour lui permettre de se faire assister par un conseil de son choix, qui sont applicables à l'examen au fond des documents comptables, et non au choix entre les trois options prévues à l'article L. 47 A ; qu'il résulte de l'instruction que, comme il a été dit ci-dessus, la société a été informée de la nature des investigations souhaitées et invitée à choisir entre les trois options possibles par un courrier du 14 février 2008, remis en main propre à son gérant ; qu'il résulte de l'instruction que le gérant a choisi de formaliser son choix en consignant l'option retenue sur le document qui lui avait été remis, et a revêtu celui-ci, ainsi complété, de sa signature ; que, dans ces conditions, la société n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas disposé du temps nécessaire pour formaliser son choix entre les options mentionnées ci-dessus ;
9. Considérant, en troisième lieu, que si ces mêmes dispositions imposent que le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options précitées, elles n'imposent pas d'autre exigence pour l'expression de ce choix ; que, dans ces conditions, ce choix peut régulièrement être formalisé par la signature que le contribuable appose sur un document préparé par l'administration identifiant explicitement l'option choisie ;
10. Considérant que, par suite, le moyen tiré de ce que le gérant de la société n'a pas été mis en mesure de faire son choix en toute connaissance de cause doit être écarté ;
En ce qui concerne les copies informatiques nécessaires aux opérations de contrôle et leur emport :
11. Considérant, d'une part, que si en principe, lorsqu'elle choisit l'option prévue au c) du II de l'article L. 47 A, l'entreprise produit elle-même les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle, ces dispositions n'interdisent pas, notamment lorsque le contribuable tarde à produire ces copies, que celles-ci soient effectuées par l'administration, à la condition, dans cette hypothèse, que ce soit avec le consentement et sous le contrôle du contribuable ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que, si l'agent en charge de la réalisation des traitements informatiques a effectué, le 19 février 2008, la copie de 22 disquettes informatiques sur un CD-Rom, ce dernier a immédiatement été remis à la société BMC, qui l'a elle-même transmis à l'administration le 4 mars 2008, comme en atteste le courrier de remise signé par le gérant de la société et comportant la désignation précise des disquettes copiées ; que, dans ces circonstances, la société doit être regardée comme ayant donné son consentement à la réalisation des copies par l'administration et exercé son contrôle sur sa mise en oeuvre ;
12. Considérant, d'autre part, que s'agissant de simples copies, réalisées avec l'accord du contribuable, de fichiers informatiques dont la société conservait la disposition, la société ne saurait en tout état de cause soutenir que l'emport de ce CD-Rom constituerait un emport irrégulier de documents comptables ;
En ce qui concerne la communication des résultats des traitements informatiques :
13. Considérant que le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales impose au vérificateur de communiquer au contribuable les résultats des contrôles des traitements informatisés au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification ; qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 30 juin 2008 comporte, en ses pages 5 et 6, ces informations ; que, par suite, le moyen invoqué manque en fait ;
En ce qui concerne l'entretien avec l'interlocuteur départemental :
14. Considérant que si la société soutient que, malgré sa demande, ses représentants n'ont pas été reçus par l'interlocuteur départemental, il résulte de l'instruction que le gérant de la société a fait lui-même état, dans un courrier du 11 février 2009, de la rencontre entre le conseil de la société et ce fonctionnaire ; qu'ainsi, le moyen invoqué manque en fait ;
Sur le bien-fondé de l'impôt :
15. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le litige n'a pas été soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par suite, la société ne saurait utilement se prévaloir de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, qui régit la charge de la preuve en cas de saisine de l'une des commissions visées à l'article L. 59 du même livre ;
16. Considérant, néanmoins, qu'il résulte de l'instruction que les impositions contestées ont été établies suivant la procédure de redressement contradictoire et n'ont pas été acceptées par le contribuable ; que, dans ces conditions, il incombe à l'administration d'établir, d'une part, la preuve des irrégularités entachant la comptabilité de la société, l'autorisant à reconstituer les résultats de celle-ci, d'autre part, le bien-fondé de cette reconstitution ; que la société est, par conséquent, fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé qu'il lui appartenait d'établir le caractère excessif des bases d'imposition ainsi reconstituées ;
17. Considérant, toutefois, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a établi que la société BMC avait, au cours de la période vérifiée, procédé à des minorations de recettes en utilisant fréquemment l'annulation de tickets et l'enregistrement global des recettes en fin de journée, que les tickets étaient peu détaillés, que les bandes de contrôle et les factures clients ne comportaient pas avec précision la désignation des articles vendus, et que de nombreuses bandes informatiques n'ont pas été conservées ; que la société n'apporte aucun élément probant à l'encontre de ces constatations ; que, dans ces conditions, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de ce que la comptabilité de la société était entachée de graves irrégularités ;
18. Considérant, d'autre part, que la proposition de rectification du 30 juin 2008 retrace avec précision la méthode et les calculs suivis pour la reconstitution des bases d'imposition de la société ; que la société n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la reconstitution ainsi opérée ; que, dans ces conditions, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé de la reconstitution critiquée ;
19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société BMC n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 29 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : La requête de la société BMC présentée devant la cour administrative d'appel de Nantes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la société BMC présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée BMC et au ministre des finances et des comptes publics.