Vu la procédure suivante :
La SARL Le Café des Sports a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des rappels de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010. Par un jugement n° 1303979 du 10 février 2014, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 14VE00862 12 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel de la SARL Le café des sports contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 janvier et 12 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SARL Le Café des Sports demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire, enregistré le 1er juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SARL Le Café des Sports demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi en cassation, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles 1559, 1560, 1563, 1791, 1797 et 1729 du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le code général des impôts ;
- les décisions n° 2016-545 et n° 2016-546 QPC du Conseil constitutionnel du 24 juin 2016
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Célia Verot, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la Sarl le Café des Sports ;
Considérant ce qui suit :
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que la SARL Le Café des Sports a été condamnée, solidairement avec M. A...qui en était le gérant, par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 février 2016, statuant sur l'action des services des douanes et sur renvoi après cassation d'un arrêt de la même cour du 23 mai 2013 statuant sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Bobigny, à une amende de 19 025 euros et à trois amendes fixes de 15 euros, pour les faits, commis entre le 1er janvier 2008 au 9 février 2011, qualifiés de défaut de déclaration d'ouverture d'une maison de jeux, de défaut de tenue d'une comptabilité spéciale par cercle ou maisons de jeux et de non paiement de l'impôt sur les cercles et les maisons de jeux, et réprimés sur le fondement des dispositions des articles 1791 et 1797 du code général des impôts ; que, par ailleurs, à la suite de la vérification de sa comptabilité et à la reconstitution de ses recettes en raison du caractère non probant de sa comptabilité, la société a fait l'objet de rappels d'impôts sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée pour les années 2008 à 2010, assortis de la pénalité pour manquement délibéré de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts ;
3. Considérant que la SARL Le Café des Sports soutient, à l'appui de son pourvoi en cassation contre l'arrêt du 12 novembre 2015 de la cour administrative d'appel de Versailles rejetant son appel contre le jugement du 10 février 2014 du tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande en décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes, que les dispositions des articles 1559, 1560, 1563, 1791, 1797 et 1729 du code général des impôts méconnaissent le principe de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elles permettent qu'une même personne soit doublement sanctionnée à raison des mêmes faits ;
4. Considérant que les dispositions de l'article 1559 du code général des impôts prévoient que les cercles et maisons de jeux sont soumis à un impôt et renvoient aux dispositions des articles 1560 et 1563 du même code pour la fixation du taux et des modalités de calcul de cet impôt ; que ces dispositions, qui se bornent à prévoir la perception d'un impôt particulier sur les cercles et maisons de jeux et ses modalités, ne sont pas applicables au présent litige qui concerne, d'une part, des rappels en matière d'impôt sur les sociétés, de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités fiscales correspondantes infligées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, d'autre part, les sanctions infligées pour les faits de défaut de déclaration d'ouverture d'une maison de jeux, de défaut de tenue d'une comptabilité spéciale par cercle ou maisons de jeux et de non paiement de l'impôt sur les cercles et les maisons de jeux infligées sur le fondement des articles 1791 et 1797 du code général des impôts ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré " ; que ces dispositions, qui constituent la base légale des pénalités fiscales auxquelles la SARL Le Café des Sports a été assujettie par l'administration fiscale à l'occasion des cotisations supplémentaires dont il est demandé la décharge, sont applicables au litige ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 1791 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions spéciales prévues aux articles ci-après, toute infraction aux dispositions du titre III de la première partie du livre Ier, et des lois régissant les contributions indirectes, ainsi que des décrets et arrêtés pris pour leur exécution, toute manoeuvre ayant pour but ou pour résultat de frauder ou de compromettre les droits, taxes, redevances, soultes et autres impositions établies par ces dispositions sont punies d'une amende de 15 euros à 750 euros, d'une pénalité dont le montant est compris entre une et trois fois celui des droits, taxes, redevances, soultes ou autres impositions fraudés ou compromis, sans préjudice de la confiscation des objets, produits ou marchandises saisis en contravention ", qu'aux termes de l'article 1797 du même code : " En ce qui concerne les infractions commises en matière d'impôts sur les cercles et maisons de jeux, si les droits fraudés ou compromis ne peuvent être déterminés avec précision, le tribunal fixe la pénalité de une à trois fois les droits d'après les éléments d'information qui peuvent lui être fournis par l'administration, avec un minimum de 75 €. / Sont tenues solidairement des condamnations toutes personnes dirigeant, administrant ou exploitant le cercle ou la maison de jeux à un titre quelconque comme aussi toutes celles qui ont participé à la fraude ou l'ont sciemment favorisée " ; que ces dispositions, compte tenu du grief d'inconstitutionnalité invoqué tiré de ce que, combinées à celles de l'article 1729 du code général des impôts, elles permettraient qu'une même personne soit doublement sanctionnée à raison des mêmes faits, par la voie de sanctions administratives prononcées par l'administration fiscale, d'une part, par la voie d'amendes prononcées par le juge pénal d'autre part, et compte tenu de ce qu'elles constituent la base légale des amendes auxquelles la société été condamnée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 février 2016, doivent être regardées comme applicables au litige ;
7. Considérant que dans leur rédaction en vigueur à la date des impositions contestées applicables à compter du 1er janvier 2006, les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ont été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif des décisions n° 2016-545 et n° 2016-546 QPC du Conseil constitutionnel du 24 juin 2016, sous les réserves énoncées aux paragraphes 13, 21 et 24 de ces décisions ; que cependant, compte tenu du grief d'inconstitutionnalité invoqué tiré de ce que, combinées à celles des articles 1791 et 1797 du code général des impôts, elles permettraient qu'une même personne soit doublement sanctionnée à raison des mêmes faits, il y a lieu d'examiner à nouveau leur conformité à la Constitution ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée " ; que les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition ; que le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de règles distincts ;
9. Considérant que les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, qui prévoient le paiement d'une pénalité de 40 % en cas de manquement délibéré à l'obligation de déclaration des recettes ou des revenus pour l'assiette et la liquidation de l'impôt sur les bénéfices ou sur le chiffre d'affaires, que celles de l'article 1791, qui sanctionnent toute manoeuvre, dont le défaut de déclaration, ayant pour but ou pour résultat de frauder le paiement de contributions indirectes, et, enfin, que celles de l'article 1797, qui sanctionnent les infractions commises en matière d'impôt sur les cercles et maisons de jeux, ne définissent pas et ne qualifient pas de la même manière les faits qu'elles répriment, et concernent des infractions au paiement d'impositions différentes ; que, compte tenu de l'absence d'identité des faits qualifiés par les dispositions en litige et sanctionnés par l'administration fiscale et par le juge pénal, la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'il n'y a donc pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
Sur l'admission en cassation du pourvoi de la SARL Le Café des Sports :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux " ;
11. Considérant que pour demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, la SARL Le Café des Sports soutient que la cour administrative d'appel de Versailles a entaché celui-ci d'erreur de droit en jugeant que le procès-verbal consulté par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire ne devait pas être soumis au débat oral et contradictoire, alors que celui-ci revêt la nature d'un document comptable et a été utilisé pour reconstituer les recettes de son activité ;
12. Considérant que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SARL Le Café des Sports.
Article 2 : Le pourvoi de la SARL Le Café des Sports n'est pas admis.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SARL Le Café des Sports, au Premier ministre et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.