Vu la procédure suivante :
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a transmis au tribunal administratif de Strasbourg, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, la décision du 19 novembre 2015 par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de M. A... et MmeC..., candidats lors des élections départementales des 22 et 29 mars 2015 dans le canton de Mulhouse-1 (Haut-Rhin).
Par un jugement n° 1506693 du 3 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques avait rejeté à tort le compte de campagne de M. A...et Mme C...et a fixé le montant du remboursement dû par l'Etat à M. A...et Mme C...en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral à 12 500 euros.
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 mars et 22 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de juger qu'elle a à bon droit rejeté le compte de campagne de M. A... et MmeC....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange de la Burgade, avocat de M. A...et de Mme C...;
1. Considérant que, par une décision du 19 novembre 2015, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. A...et de Mme C..., dont la liste a obtenu 8,03 % des suffrages exprimés au premier tour des élections départementales des 22 et 29 mars 2015 dans le canton de Mulhouse-1 (Haut-Rhin), et a saisi le juge de l'élection en application de l'article L. 52-15 du code électoral ; que, par un jugement du 3 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a déclaré que le compte de campagne avait été rejeté à bon droit et a fixé, en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral, le montant du remboursement forfaitaire dû par l'Etat à 12 500 euros ; que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques relève appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués " ; que, si ces dispositions interdisent à toute personne morale autre qu'un parti politique de consentir des dons ou des avantages divers à un candidat, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative n'impliquent le rejet du compte de campagne au seul motif que le candidat a bénéficié d'un avantage au sens de ces dispositions ; qu'il y a lieu d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la nature de l'avantage, de son montant et des conditions dans lesquelles il a été consenti, si le bénéfice de cet avantage doit entraîner le rejet du compte ;
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que M. A...et Mme C... ont reçu d'une vice-présidente du conseil régional un don d'un montant de 340 euros, sous forme de timbres prélevés par celle-ci sur la dotation de timbres qui lui était allouée par le conseil régional ; que, pour regrettable que soit cette pratique, l'usage de ces timbres étant en principe réservé à l'affranchissement du courrier que l'élu adresse dans l'exercice de ses fonctions, et bien que les autorités du conseil régional semblent tolérer cette pratique, ce don aux candidats ne peut, en l'espèce, être regardé comme procédant de l'intention de la région, et ne saurait, dans ces conditions, être regardé comme un don consenti par une personne morale prohibé par l'article L. 52-8 précité du code électoral ;
4. Considérant, d'autre part, en premier lieu, que la mention dans un tract électoral des candidats de l'engagement des sociétés Auto-écoleA..., dirigée par M.A..., et Squash 3 000, dirigée par l'époux de Mme C..., en faveur du sport à Mulhouse ne saurait être regardée comme constituant un don prohibé par l'article L. 52-8 du code électoral ; qu'il résulte en revanche de l'instruction que la société Auto-école A...a fourni aux bénévoles de leur campagne des coupe-vent d'une valeur de 295 euros, que les locaux de la société Auto-école A... et de la société Squash 3 000 ont été utilisés de manière ponctuelle par les candidats, notamment pour servir de point de départ pour des opérations de distribution de tracts, pour organiser une rencontre avec des journalistes, ou pour accueillir un " café citoyen " avec les bénévoles de leur campagne, que des affiches de campagne des candidats ont été apposées pendant plus d'un mois sur les murs extérieurs des locaux de la société Squash 3 000 et qu'enfin, la page Facebook de l'agence de communication " Aujourd'hui ", appartenant à M.A..., a mentionné le lancement de la campagne des candidats en renvoyant à leur site de campagne ; que toutefois, ces avantages, consentis aux candidats en méconnaissance de l'article L. 52-8 du code électoral, et qui, au demeurant, ne peuvent, pour la plupart, pas être précisément chiffrés, ne sauraient représenter, compte tenu de leur caractère ponctuel et minime, qu'un montant limité ;
5. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. A...garait son véhicule utilitaire de campagne, recouvert d'une affiche de propagande électorale, sur la place de stationnement que la chambre de commerce et d'industrie Sud Alsace Mulhouse, située à proximité immédiate du canton où il se présentait, mettait à sa disposition au titre de sa qualité de trésorier ; qu'à supposer qu'il faille regarder, en l'espèce, l'usage de cette place de parking comme un don d'espace d'affichage, un tel avantage, compte tenu de l'usage ponctuel de cet emplacement et de sa situation, ne peut qu'être regardé comme minime ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant total des dons ou avantages consentis par des personnes morales aux candidats, en méconnaissance de l'article L. 52-8 du code électoral, doit être évalué à une somme n'excédant pas 1 000 euros, soit 3,7 % du plafond des dépenses autorisées et 5 % des recettes retracées dans leur compte de campagne ; qu'eu égard à ce montant, au caractère ponctuel des avantages ainsi procurés, et en dépit de leur caractère multiple, la perception de ces avantages n'était pas, dans les circonstances de l'espèce, de nature à justifier le rejet du compte par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; que, par suite, la requête de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques doit être rejetée ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A...et Mme C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A...et Mme C...la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à M. D...A...et à Mme B...C....
Copie en sera adressée, pour information, au ministre de l'intérieur.