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01/07/2016 | FRANCE | N°394638

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 01 juillet 2016, 394638


Vu les procédures suivantes :

1) Sous le n° 394638, par une requête enregistrée au Conseil d'Etat le 17 novembre 2015, M. B...D...demande au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité du décret du 20 novembre 1970 qui l'a libéré, avec son père M. C...D..., de ses liens d'allégeance envers la France, et de déclarer que cette décision est entachée d'illégalité.

2) Sous le n° 394640, par une requête enregistrée au Conseil d'Etat le 17 novembre 2015, Mme E...D...épouse A...demande au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité du décret du 20 novembre 1970 qui l'a lib

érée, avec son père M. C...D..., de ses liens d'allégeance envers la France, et de d...

Vu les procédures suivantes :

1) Sous le n° 394638, par une requête enregistrée au Conseil d'Etat le 17 novembre 2015, M. B...D...demande au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité du décret du 20 novembre 1970 qui l'a libéré, avec son père M. C...D..., de ses liens d'allégeance envers la France, et de déclarer que cette décision est entachée d'illégalité.

2) Sous le n° 394640, par une requête enregistrée au Conseil d'Etat le 17 novembre 2015, Mme E...D...épouse A...demande au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité du décret du 20 novembre 1970 qui l'a libérée, avec son père M. C...D..., de ses liens d'allégeance envers la France, et de déclarer que cette décision est entachée d'illégalité.

....................................................................................

3) Sous le n° 394641, par une requête enregistrée au Conseil d'Etat le 17 novembre 2015, M. F...D...demande au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité du décret du 20 novembre 1970 qui l'a libéré, avec son père M. C...D..., de ses liens d'allégeance envers la France, et de déclarer que cette décision est entachée d'illégalité.

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code civil ;

- le code de la nationalité française ;

- la loi n° 70-459 du 4 juin 1970 ;

- le décret n° 45-2698 du 2 novembre 1945

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Camille Pascal, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public ;

1. Considérant que les requêtes de M. B...D..., Mme E...D...et M. F...D...mettent en cause la légalité du même décret du 20 novembre 1970 qui les a libérés, de même que leur père, de leurs liens d'allégeance envers la France ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 91 du code de la nationalité française, en vigueur à la date du décret contesté : " Perd la nationalité française, le Français même mineur, qui, ayant une nationalité étrangère, est autorisé, sur sa demande, par le Gouvernement français, à perdre la qualité de Français. / Cette autorisation est accordée par décret. / Le mineur doit, le cas échéant, être autorisé ou représenté dans les conditions prévues aux articles 53 et 54 " ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 53 et 54 du même code, dans leur rédaction en vigueur à la date du décret contesté, que pour un mineur jusqu'à seize ans, la demande est présentée, au nom de ce dernier " par celui de ses père et mère qui a l'exercice de la puissance paternelle ou à défaut, par son tuteur, après avis conforme du conseil de famille " ; que, selon l'article 373 du code civil, dans sa rédaction applicable à la date du décret contesté, l'autorité parentale " appartient au père et à la mère. Durant le mariage, elle est exercée par le père en sa qualité de chef de famille " ; qu'il résulte de ces dispositions que, à la date du décret contesté, la faculté ouverte à un mineur jusqu'à seize ans d'être autorisé par décret à perdre la qualité de Français pouvait résulter de la seule demande de son père ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation (...). Le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité dès lors que les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article 23-2 sont remplies et que la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

4. Considérant, toutefois, que, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions de l'article 213 du code civil ne sont pas applicables au litige mettant en cause la légalité du décret du 22 novembre 1970 libérant les requérants de leurs liens d'allégeance envers la France, qui a été pris en application des dispositions précédemment citées du code de la nationalité française ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 213 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 22 septembre 1942, porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ne peut qu'être écarté ;

Sur les autres moyens des requêtes :

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...D..., père des requérants, a demandé le 12 août 1970 au préfet du Nord, par un courrier signé de sa main, de le libérer de ses liens d'allégeance envers la France en application de l'article 91 du code de nationalité française ; qu'il a formulé la même demande, par une lettre manuscrite signée de sa main le 12 août 1970, pour ses enfant mineurs, c'est-à-dire sa filleE..., née le 11 mai 1962 à Bou Shel (Algérie), et ses filsB..., né le 27 septembre 1964 à Bou Shel (Algérie), etF..., né le 13 avril 1970 à Tizi Ouzou (Algérie) ; que le décret du 20 novembre 1970 a fait droit à ces demandes pour lui et ses trois enfants mineurs ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition du décret du 2 novembre 1945 relatif aux formalités qui devaient être observées dans l'instruction des déclarations de nationalité, des demandes de naturalisation ou de réintégration et des demandes tendant à obtenir l'autorisation de perdre la qualité de Français ne prévoyait que celui qui demandait à perdre la qualité de Français devait être entendu en un entretien oral par les autorités administratives en charge de l'instruction de la demande ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret contesté serait illégal faute d'avoir été précédé de l'audition de M. C...D...ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que les termes dans lesquels les demandes de libération des liens d'allégeance ont été présentées sont clairs et dépourvus d'équivoque ; qu'elles ont exprimé l'intention, dénuée d'ambiguïté, de M. C...D...d'être libéré de ses liens envers la France, de même que ses enfants mineurs, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que M. C...D...n'aurait pas alors eu l'intention de s'installer en Algérie ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'à la date du décret contesté, les dispositions de code de la nationalité française prévoyaient que la demande de libération des liens d'allégeance pour des enfants mineurs était présentée par le seul parent investi de la puissance paternelle ; que le décret faisant perdre la qualité de Français aux enfants mineursE..., B...et F...a pu ainsi légalement intervenir au vu de la demande présentée par leur seul père le 12 août 1970 ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...D..., M. B... D...et M. F...D...ne sont pas fondés à soutenir que le décret du 20 novembre 1970 les libérant de leurs liens d'allégeance envers la France serait entaché d'illégalité ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. D...et autres.

Article 2 : Les requêtes de M. B...D..., Mme E...D...et M. F...D...sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...D..., Mme E...D...épouseA..., M. F...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au garde des sceaux, ministre de la justice et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 394638
Date de la décision : 01/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 2016, n° 394638
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Camille Pascal
Rapporteur public ?: M. Xavier Domino

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:394638.20160701
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