Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 septembre 2014 et 24 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Approche - Ecohabitat et M. A...B...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, le décret n° 2014-812 du 16 juillet 2014 pris pour l'application du second alinéa du 2 de l'article 200 quater du code général des impôts et du dernier alinéa du 2 du I de l'article 244 quater U du code général des impôts et, d'autre part, l'arrêté du 16 juillet 2014, pris par les ministres du logement et de l'égalité des territoires et de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, relatif aux critères de qualification requis pour le bénéfice du crédit d'impôt développement durable et des avances remboursables sans intérêts destinées au financement de travaux de rénovation afin d'améliorer la performance énergétique des logements anciens ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des impôts ;
- le décret n° 2013-1297 du 27 décembre 2013 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat du ministre du logement et de l'habitat durable ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association Approche - Ecohabitat et M. B...demandent, d'une part, l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 16 juillet 2014 pris pour l'application du second alinéa du 2 de l'article 200 quater et du dernier alinéa du 2 du I de l'art. 244 quater U du code général des impôts, lesquels instituent respectivement un crédit d'impôt sur le revenu dit " développement durable " et des avances remboursables sans intérêts destinées au financement de travaux de rénovation afin d'améliorer la performance énergétique des logements anciens, dites " éco-PTZ ". Ils demandent, d'autre part, l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 16 juillet 2014 relatif aux critères de qualification requis pour le bénéfice du crédit d'impôt " développement durable " et des avances remboursables sans intérêts destinées au financement de travaux de rénovation afin d'améliorer la performance énergétique des logements anciens.
Sur la légalité externe :
2. En premier lieu, les requérants soutiennent que le décret en litige aurait dû être soumis pour avis au Conseil d'Etat, dès lors que son article 3 modifie les articles R. 319-16, R. 319-19, R. 319-32 et R. 319-33 du code de la construction et de l'habitation, eux-mêmes modifiés par le décret en Conseil d'Etat du 27 décembre 2013 relatif aux dispositions particulières à l'octroi aux syndicats de copropriétaires d'avances remboursables sans intérêts destinées au financement de travaux de rénovation afin d'améliorer la performance énergétique des logements anciens. Il résulte toutefois du texte même de l'article 4 de ce décret en Conseil d'Etat que les articles R. 319-16, R. 319-19, R. 319-32 et R. 319-33 du code de la construction et de l'habitation peuvent être modifiés par décret.
3. En second lieu, l'article R. 361-2 du code de la construction et de l'habitation dispose que : " (...) Le Conseil national de l'habitat est consulté (...) sur les mesures destinées à (...) réhabiliter l'habitat existant (...) ". Le décret en litige précise les catégories de travaux de rénovation énergétique de bâtiments d'habitation pour lesquelles est exigé, pour le bénéfice du crédit d'impôt et des avances remboursables sans intérêts, le respect de critères de qualification de l'entreprise qui les réalise, et prévoit que, pour justifier du respect de ces critères, précisés par l'arrêté attaqué, l'entreprise doit être titulaire d'un " signe de qualité " répondant à " un référentiel d'exigences de moyens et de compétences délivré par un organisme ayant passé une convention avec l'Etat ". Ces textes précisent ainsi les modalités de mise en oeuvre de mesures dont la finalité est d'inciter à la réalisation de travaux améliorant l'efficacité énergétique des bâtiments et qui ne sont pas principalement destinées à la réhabilitation de l'habitat existant. Par suite, ils n'entrent pas dans le champ des dispositions sur lesquelles le Conseil national de l'habitat doit obligatoirement être consulté en vertu des dispositions précitées du code de la construction et de l'habitation. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le décret du 16 juillet 2014 et l'arrêté du 16 juillet 2014 en litige auraient été pris en méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
Sur la légalité interne :
4. En premier lieu, si l'arrêté contesté fixe dans ses annexes les exigences auxquelles doit satisfaire une entreprise pour être titulaire d'un " signe de qualité ", ces exigences sont différenciées selon que l'entreprise demande une " qualification ", nécessaire pour la réalisation des différentes catégories de travaux éligibles aux dispositifs de crédit d'impôt ou d'avances remboursables sans intérêts, ou une " certification " qui, aux termes mêmes de l'annexe II de cet arrêté, ne concerne que les entreprises concevant et réalisant des travaux dans le cadre d'une offre globale d'amélioration de la performance énergétique d'un bâtiment. Pour l'obtention d'une " qualification ", l'annexe I se borne à préciser, notamment, que l'entreprise doit remplir des critères de régularité de sa situation administrative et fiscale et de compétences de son personnel. Si cette annexe précise, en outre, que l'entreprise doit disposer de deux références dans les vingt-quatre derniers mois, elle prévoit également qu'en leur absence, une qualification probatoire peut néanmoins être délivrée. Il suit de là que le moyen tiré de ce que les textes attaqués méconnaîtraient le principe d'égalité entre les entreprises réalisant des travaux de rénovation énergétique des bâtiments, en réservant la détention des " signes de qualité " aux seules entreprises disposant de moyens humains et matériels substantiels, et pouvant justifier de la réalisation de plusieurs chantiers dans les vingt-quatre derniers mois, doit être écarté.
5. En deuxième lieu, les requérants ne peuvent, en tout état de cause, utilement invoquer le paragraphe 1 de l'article 13 de la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, dans le champ d'application duquel n'entrent pas les actes attaqués.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que les mesures prises par le décret et l'arrêté attaqués figuraient déjà dans la " charte d'engagement " signée le 9 novembre 2011 entre l'Etat et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, d'une part, ainsi que les principaux organismes de qualification et de certification et les principales organisations professionnelles du bâtiment, d'autre part, et que les exigences fixées par les annexes de l'arrêté contesté reprennent celles des annexes à cette charte, telle que modifiée par un avenant signé le 4 novembre 2013. En outre, le bénéfice de la qualification " Reconnu Garant de l'Environnement " a été accordé, à titre transitoire, à l'ensemble des entreprises déjà titulaires des signes de qualité délivrés par les organismes signataires de la charte, ces entreprises n'étant soumises aux nouvelles exigences qu'au fur et à mesure du renouvellement de leur qualification. Dès lors, si le décret et l'arrêté contestés, en soumettant le bénéfice du crédit d'impôt et des avances remboursables sans intérêts à la détention, par l'entreprise qui réalise les travaux, d'un " signe de qualité ", ont pour effet d'inciter les entreprises du secteur du bâtiment à satisfaire aux exigences nécessaires pour être titulaire d'un tel signe, leur entrée en vigueur ne crée pas, en elle-même, de nouvelles exigences auxquelles seraient soumises ces entreprises pour obtenir une qualification ou une certification. Il suit de là que les professionnels du secteur ont, en tout état de cause, disposé du temps nécessaire pour pouvoir être à même de satisfaire, en temps utile, soit, pour les dépenses engagées en France métropolitaine, à compter du 1er janvier 2015 en ce qui concerne le crédit d'impôt et du 1er septembre 2014 en ce qui concerne les avances remboursables sans intérêts, aux exigences qui découlent du décret et de l'arrêté contestés, publiés le 18 juillet 2014. Par suite, les moyens tirés de ce que, du fait de l'insuffisance de la période transitoire prévue par les actes attaqués, ceux-ci méconnaîtraient les principes de sécurité juridique et de liberté du commerce et de l'industrie ne peuvent, compte tenu de la nature des mesures à prendre et des actions déjà entreprises, qu'être écartés.
7. En quatrième lieu, si les requérants soutiennent que seuls ont été agréés, en tant qu'organismes ayant compétence pour délivrer les " signes de qualité ", les organismes signataires de la " charte d'engagement " du 9 novembre 2011 et qu'ainsi, ces organismes seraient placés, en méconnaissance de l'article L. 421-2 du code de commerce, en situation d'abuser de la position dominante qui serait la leur, ils n'établissent ni l'existence d'éventuels abus, ni le lien que la position dominante qu'ils allèguent serait susceptible d'entretenir avec les dispositions des textes attaqués.
8. En dernier lieu, aux termes du 2 de l'article 200 quater du code général des impôts " Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'énergie, du logement et du budget fixe la liste des équipements, matériaux et appareils qui ouvrent droit au crédit d'impôt. Il précise les caractéristiques techniques et les critères de performances minimales requis pour l'application du crédit d'impôt. (....) / Afin de garantir la qualité de l'installation ou de la pose des équipements, matériaux et appareils, un décret précise les travaux pour lesquels est exigé, pour l'application du crédit d'impôt, le respect de critères de qualification de l'entreprise ou de qualité de l'installation ". Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le décret en litige, qui s'est borné à préciser la liste des travaux pour lesquels était exigé le respect de critères de qualification conformément au second alinéa de ce texte, n'a en rien méconnu la compétence conférée aux ministres pour arrêter la liste des travaux éligibles au crédit d'impôt lui-même par le premier alinéa du même texte.
9. Il résulte de ce qui précède que la requête de l'association Approche - Ecohabitat et de M. B... doit être rejetée.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Approche - Ecohabitat et de M. B...une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'association Approche - Ecohabitat et de M. B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Approche - Ecohabitat, à M. A... B..., à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat et à la ministre du logement et de l'habitat durable.
Copie en sera adressée au Premier ministre.