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23/06/2016 | FRANCE | N°388969

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 23 juin 2016, 388969


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2008 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1102003 du 17 octobre 2013, le tribunal administratif a réduit les bases d'imposition de M. B...à concurrence du montant de la plus-value réalisée sur la cession de sa clientèle, l'a déchargé, dans cette mesure, des impositions supplémentaires en litige et a rejeté l

e surplus de sa demande.

Par un arrêt n° 13DA01789 du 22 janvier 2015, l...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2008 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1102003 du 17 octobre 2013, le tribunal administratif a réduit les bases d'imposition de M. B...à concurrence du montant de la plus-value réalisée sur la cession de sa clientèle, l'a déchargé, dans cette mesure, des impositions supplémentaires en litige et a rejeté le surplus de sa demande.

Par un arrêt n° 13DA01789 du 22 janvier 2015, la cour administrative d'appel de Douai a, sur le recours du ministre de l'économie et des finances, annulé les articles 1er et 2 de ce jugement et rejeté les conclusions de la demande en ce qui concerne les impositions portant sur la plus-value de cession.

Par un pourvoi, enregistré le 25 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le recours du ministre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Etienne de Lageneste, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boutet, Hourdeaux, avocat de M. B...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...a été inscrit au barreau d'Amiens le 29 avril 2003 en tant qu'avocat-stagiaire, puis le 6 juillet 2005 au tableau de l'ordre des avocats ; qu'il a exercé une activité libérale à titre individuel jusqu'au 30 septembre 2008 avant de rejoindre une société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL), dont il est devenu associé et cogérant, à laquelle il a cédé, le 1er octobre 2008, sa clientèle personnelle ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a notamment remis en cause l'exonération d'impôt sur les plus-values dont il a estimé pouvoir bénéficier au titre de cette cession ; que le tribunal administratif d'Amiens l'a, par les articles 1er et 2 de son jugement du 17 octobre 2013, déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales relatives à cette plus-value de cession ; que, sur le recours du ministre de l'économie et des finances, la cour administrative d'appel de Douai, par un arrêt du 22 janvier 2015 contre lequel M. B... se pourvoit en cassation, a annulé les articles 1er et 2 du jugement ;

2. Considérant, en premier lieu, que, s'agissant de la rémunération perçue de la SELARL " Ducellier -B...- Wielgosik, Avocats Associés ", regardée par l'administration comme une rétrocession d'honoraires, la cour a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, qu'il n'était pas contesté que cette opération avait été portée à la connaissance du service dans une déclaration souscrite par cette société ;

3. Considérant, en second lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts dans sa rédaction applicable en 2008 : " I. - Sous réserve des dispositions du VII, les dispositions du présent article s'appliquent aux activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles, exercées à titre professionnel. / L'exercice à titre professionnel implique la participation personnelle, directe et continue à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité. / II. - Les plus-values de cession soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies, à l'exception de celles afférentes aux biens entrant dans le champ d'application du A de l'article 1594-0 G, et réalisées dans le cadre d'une des activités mentionnées au I sont, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, exonérées (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le bénéfice de l'exonération qu'elles prévoient est, notamment, subordonné à la condition que le bien dont la cession a dégagé une plus-value ait été affecté à l'une des activités qu'elles visent et que celle-ci ait été exercée à titre individuel pendant une période de cinq ans précédant la cession ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa rédaction alors applicable : " L'avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit au sein d'une association (...), d'une société civile professionnelle, d'une société d'exercice libéral (...) / L'avocat salarié ne peut avoir de clientèle personnelle (...) " ; qu'il ressort des termes de l'article 77 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, dans sa rédaction applicable au stage effectué par M.B..., que les avocats-stagiaires devaient effectuer un travail effectif à finalité pédagogique qui avait lieu à concurrence d'une année au moins en qualité de collaborateur, de salarié ou d'associé d'un avocat ou auprès d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ou d'un avoué à la cour d'appel ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un avocat-stagiaire salarié ne pouvait disposer d'une clientèle personnelle ;

5. Considérant qu'après avoir relevé que M. B... a effectué son stage, du mois d'avril 2003 au mois de mai 2005, auprès d'une société d'avocats, la cour en a déduit, en faisant application de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971, qu'il ne pouvait être regardé comme ayant exercé à titre individuel avant la fin de son stage l'activité ayant fait l'objet, le 1er octobre 2008, de la cession de clientèle et que, en conséquence, il ne remplissait pas la condition d'exercice individuel de l'activité cédée pendant au moins cinq ans ; qu'en statuant ainsi, sans avoir préalablement recherché si M. B... était salarié, la cour a commis une erreur de droit ;

6. Considérant que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il porte sur l'imposition de la plus-value de cession ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

8. Considérant que le ministre, dans son mémoire d'appel, a soutenu que, lors du débat oral et contradictoire, M. B...avait indiqué qu'il avait effectué son stage en qualité de salarié de la société d'avocats Sofiral, qu'il avait perçu des salaires et qu'il les avait déclarés au titre de son impôt sur le revenu, mais qu'il avait refusé de produire son contrat de travail ; que M. B...ne conteste pas sérieusement ces allégations ; qu'ainsi, conformément à l'article 7 précité de la loi du 31 décembre 1971, M. B...n'a pu constituer une clientèle personnelle qu'à partir du mois de mai 2005, date à laquelle il a cessé d'être salarié ; que, par suite, à la date de la cession de sa clientèle personnelle, le 1er octobre 2008, M. B...ne remplissait pas la condition d'exercice de l'activité cédée pendant au moins cinq ans et ne pouvait en conséquence bénéficier de l'exonération prévue à l'article 151 septies du code général des impôts ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif a regardé M. B... comme remplissant, à la date de la réalisation de la plus-value, la condition de durée d'exercice de l'activité ;

9. Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel en ce qui concerne cette plus-value ;

10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification " ; qu'il résulte de l'instruction que M. B... a reçu un avis de vérification l'informant qu'une vérification de comptabilité relative à son activité individuelle serait engagée pour la période allant du 1er janvier 2006 au 30 septembre 2008 ; que cet avis a été adressé au 6, rue Colbert à Amiens, lieu d'exercice de cette activité individuelle ; qu'est sans incidence sur la régularité de la procédure de vérification la circonstance que cette adresse était devenue, à la date de l'envoi de l'avis, celle du siège de la société dont M. B...est associé, dès lors que celui-ci a effectivement pu le recevoir et que ses mentions n'étaient pas de nature à créer un doute sur l'identité du contribuable vérifié ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la date de la vérification de comptabilité : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables " ; qu'il résulte de l'instruction que M. B...a exprimé le souhait que les opérations de contrôle ne soient pas conduites dans les locaux de la SELARL ; qu'il ne conteste pas sérieusement que la comptabilité de son activité individuelle se trouvait dans ces locaux ; qu'il ne conteste pas non plus qu'informé par le vérificateur que les opérations de contrôle pouvaient se poursuivre, à sa demande, en tout autre endroit, notamment à son domicile ou dans les locaux de l'administration, il s'est abstenu de formuler une telle demande ; que, dans ces conditions, M. B...doit être regardé comme ayant en définitive accepté que le contrôle fiscal se déroule dans les locaux de la société où était détenue sa comptabilité ; que, dès lors, le vérificateur a pu, sans entacher d'irrégularité la procédure d'imposition, conduire la vérification de comptabilité dans les locaux de la SELARL ;

12. Considérant, enfin, que M. B...a soutenu que l'administration aurait utilisé, pour fonder le redressement, des informations obtenues de tiers et que celles-ci, malgré sa demande, ne lui auraient pas été communiquées ; que le ministre fait valoir, sans être sérieusement contredit, que l'administration a été à même de tirer les renseignements utiles concernant le début de la carrière de M. B... de l'attestation émise le 10 avril 2007 par le bâtonnier de l'ordre des avocats d'Amiens, transmise par le requérant à l'administration fiscale, et des précisions apportées par le contribuable lui-même au cours de ses entretiens avec le vérificateur ; qu'ainsi, il n'est pas établi que l'administration ait utilisé des renseignements obtenus de tiers ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. B... a été assujetti au titre de l'année 2008 à raison d'une plus-value professionnelle de 150 000 euros ainsi que des pénalités correspondantes ;

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 22 janvier 2015 en tant qu'il s'est prononcé sur la plus-value de cession et les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 17 octobre 2013 sont annulés.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. B...a été assujetti au titre de l'année 2008 à raison de l'imposition de la plus-value professionnelle d'un montant de 150 000 euros ainsi que les pénalités correspondantes sont remises à sa charge.

Article 3 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif d'Amiens en tant qu'elle porte sur la plus-value de cession, le surplus des conclusions de son pourvoi et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Douai au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 388969
Date de la décision : 23/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. CONTRÔLE FISCAL. VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ. GARANTIES ACCORDÉES AU CONTRIBUABLE. - DÉROULEMENT DE LA VÉRIFICATION, EN PRINCIPE, DANS LES LOCAUX DE L'ENTREPRISE SAUF DANS LE CAS OÙ L'ADMINISTRATION, À LA DEMANDE DU CONTRIBUABLE, PROCÈDE À CETTE VÉRIFICATION AU LIEU OÙ SE TROUVE LA COMPTABILITÉ (ART. L. 13 DU LPF) - ESPÈCE [RJ1].

19-01-03-01-02-03 Contribuable ayant exprimé le souhait que les opérations de contrôle ne soient pas conduites dans les locaux de l'entreprise au sein de laquelle il exerçait son activité mais ne contestant pas sérieusement que la comptabilité de son activité individuelle se trouvait dans ces locaux et ne contestant pas non plus qu'informé par le vérificateur de ce que les opérations de contrôle pouvaient se poursuivre, à sa demande, en tout autre endroit, notamment à son domicile ou dans les locaux de l'administration, il s'est abstenu de formuler une telle demande. Dans ces conditions, le contribuable doit être regardé comme ayant en définitive accepté que le contrôle fiscal se déroule dans les locaux de la société où était détenue sa comptabilité. Dès lors, le vérificateur a pu, sans entacher d'irrégularité la procédure d'imposition, conduire la vérification de comptabilité dans les locaux de l'entreprise.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 26 février 2003, M. et Mme,, n°s 232841 232842, p. 64 ;

CE, 16 juin 2010, Min. c/ M. et Mme,, n° 311752, T. p. 709.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2016, n° 388969
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Etienne de Lageneste
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP BOUTET, HOURDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:388969.20160623
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