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22/06/2016 | FRANCE | N°387333

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 22 juin 2016, 387333


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 janvier et 7 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération paysanne de la Gironde, le comité d'action des vignerons de Bordeaux et SOS Vignerons sinistrés demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique et le ministre des finances et des c

omptes publics sur leur demande tendant au retrait de l'arrêté interministér...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 janvier et 7 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération paysanne de la Gironde, le comité d'action des vignerons de Bordeaux et SOS Vignerons sinistrés demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique et le ministre des finances et des comptes publics sur leur demande tendant au retrait de l'arrêté interministériel du 18 juillet 2014 relatif à l'extension d'un accord interprofessionnel triennal conclu dans le cadre du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) portant sur l'organisation économique du marché et le suivi aval de la qualité pour les campagnes 2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017, et d'autre part, ce même arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le règlement n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le code rural et de la pêche ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Lombard, auditeur,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

1. Considérant que le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) a intérêt au maintien de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi son intervention est recevable ;

2. Considérant que la Confédération paysanne de la Gironde, le comité d'action des vignerons de Bordeaux et SOS Vignerons sinistrés demandent l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, de l'arrêté interministériel du 18 juillet 2014 relatif à l'extension, aux viticulteurs et groupements de producteurs produisant des vins bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée (AOC), d'un accord interprofessionnel triennal conclu le 14 avril 2014 dans le cadre du CIVB et portant sur l'organisation économique du marché et le suivi aval de la qualité pour les campagnes 2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017 et, d'autre part, de la décision rejetant leur demande tendant au retrait de cet arrêté ;

Sur la légalité externe :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 164 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 : " 1. Dans le cas où une organisation de producteurs reconnue, une association d'organisations de producteurs reconnue ou une organisation interprofessionnelle reconnue opérant dans une ou plusieurs circonscriptions économiques déterminées d'un État membre est considérée comme représentative de la production ou du commerce ou de la transformation d'un produit donné, l'État membre concerné peut, à la demande de cette organisation, rendre obligatoires, pour une durée limitée, certains accords, certaines décisions ou certaines pratiques concertées arrêtés dans le cadre de cette organisation pour d'autres opérateurs, individuels ou non, opérant dans la ou les circonscriptions économiques en question et non membres de cette organisation ou association. (...) 6. Les États membres notifient à la Commission toute décision prise en application du présent article " ; que ces dispositions n'imposaient pas la notification préalable du projet d'arrêté mais simplement la communication de l'arrêté interministériel du 18 juillet 2014 ; que dès lors, et en tout état de cause, alors même qu'il ressort des pièces du dossier que les autorités françaises ont, le 11 mars 2015, notifié cette décision d'extension de l'accord interprofessionnel triennal conclu, le 14 avril 2014, dans le cadre du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, la méconnaissance de cette obligation d'information prévue au 6 de l'article 164 du règlement du 17 décembre 2013 est en elle-même sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 165 du même règlement : " Dans le cas où les règles (...) d'une organisation interprofessionnelle reconnue sont étendues au titre de l'article 164 et lorsque les activités couvertes par ces règles présentent un intérêt économique général pour les opérateurs économiques dont les activités sont liées aux produits concernés, l'État membre qui a accordé la reconnaissance peut décider, après consultation des acteurs concernés, que les opérateurs économiques individuels ou les groupes d'opérateurs non membres de l'organisation qui bénéficient de ces activités sont redevables à l'organisation de tout ou partie des contributions financières versées par les membres, dans la mesure où ces dernières sont destinées à couvrir les coûts directement liés à la conduite des activités concernées " ; qu'il ressort des pièces du dossier que, préalablement à l'extension de l'accord interprofessionnel triennal mentionné ci-dessus, l'administration a, par un avis publié le 1er mai 2014 au Bulletin officiel du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, ouvert une consultation aux acteurs concernés par la demande d'extension des contributions finançant les actions conduites par le CIVB ; qu'il ressort également des pièces du dossier que, dans le cadre de cette consultation, la Confédération paysanne de la Gironde, l'association SOS vignerons sinistrés et le mouvement de défense des exploitants familiaux ont chacun produit un avis ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu l'obligation, découlant de l'article 165 du règlement n°1308/2013, de consulter les acteurs concernés par l'accord interprofessionnel triennal, préalablement à son extension, manque en fait ; que l'absence de mention de cette consultation dans les visas de l'arrêté attaqué est sans incidence sur la légalité de celui-ci ;

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne la représentativité du CIVB :

5. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 164 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 : " Dans le cas où (...) une organisation interprofessionnelle reconnue opérant dans une ou plusieurs circonscriptions économiques déterminées d'un État membre est considérée comme représentative de la production ou du commerce ou de la transformation d'un produit donné, l'État membre concerné peut, à la demande de cette organisation, rendre obligatoires, pour une durée limitée, certains accords, certaines décisions ou certaines pratiques concertées arrêtés dans le cadre de cette organisation pour d'autres opérateurs, individuels ou non, opérant dans la ou les circonscriptions économiques en question et non membres de cette organisation ou association. " ; qu'aux termes du 3 de ce règlement : " Une organisation ou association est considérée comme représentative lorsque, dans la ou les circonscriptions économiques concernées d'un État membre, elle représente : / a) en proportion du volume de la production ou du commerce ou de la transformation du produit ou des produits concernés : / i) pour les organisations de producteurs dans le secteur des fruits et légumes, au moins 60 % ; / ou ii) dans les autres cas, au moins deux tiers. [...] Toutefois, lorsque, dans le cas des organisations interprofessionnelles, la détermination de la proportion du volume de la production ou du commerce ou de la transformation du produit ou des produits concernés pose des problèmes pratiques, un État membre peut fixer des règles nationales afin de déterminer le niveau précis de représentativité visé au premier alinéa, point a) ii) " ; que la Confédération paysanne de la Gironde et autres soutiennent que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des règles de représentativité résultant des dispositions précitées ;

6. Considérant, d'une part, que par l'effet des dispositions combinées des articles L. 642-3 et 642-21 du code rural et de la pêche maritime, tout producteur de vins bénéficiant d'une des 32 AOC des vins de Bordeaux souscrit obligatoirement une adhésion à l'une des 25 associations ou syndicats gestionnaires d'AOC reconnus en tant qu' organismes de défense et de gestion, lesquels sont regroupés au sein de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux, cette fédération étant l'une des deux organisations professionnelles constitutives du CIVB ; que, dès lors, l'application de ces règles a pour effet d'assurer la représentation de l'ensemble des producteurs de vins classés en AOC ; que, s'agissant de l'extension d'un accord conclu dans le cadre du CIVB et applicable aux seuls viticulteurs et groupements de producteurs produisant des vins de Bordeaux bénéficiant d'une AOC, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été étendu à des producteurs de vins d'AOC de Bordeaux privés de toute représentation au sein du CIVB ne saurait par suite être accueilli ;

7. Considérant, d'autre part, que si les requérants font valoir que la Confédération paysanne de la Gironde et la coordination rurale de la Gironde ont obtenu à elles deux 43 % des suffrages lors des élections à la chambre d'agriculture de la Gironde ayant immédiatement précédé l'édiction de l'arrêté attaqué, un tel argument est inopérant au soutien du moyen tiré de la méconnaissance des règles de représentativité résultant des dispositions précitées ;

En ce qui concerne le respect de la liberté d'association :

8. Considérant que la Confédération paysanne de la Gironde et autres soutiennent que l'obligation d'adhérer à un organisme de défense et de gestion résultant de l'article L. 642-21 du code rural et de la pêche maritime priverait de toute effectivité la liberté d'association dont un producteur est en droit de se prévaloir ; que toutefois cette obligation, qui ne s'applique qu'aux opérateurs ayant fait le choix de produire des vins destinés à être commercialisés sous une AOC, résulte de l'article L. 642-21 du code rural et de la pêche maritime ; qu'en tout état de cause, la conformité de cette disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution ne saurait être utilement discutée devant le juge de l'excès de pouvoir, hormis le cas prévu à l'article 61-1 de la Constitution ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Confédération paysanne de la Gironde et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la Confédération paysanne de la Gironde et autres soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Confédération paysanne de la Gironde et autres la somme demandée au même titre par le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'intervention du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux est admise.

Article 2 : La requête de la Confédération paysanne de la Gironde et autres est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Confédération paysanne de la Gironde, au comité d'action des vignerons de Bordeaux, à SOS vignerons sinistrés, au Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 387333
Date de la décision : 22/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2016, n° 387333
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Lombard
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:387333.20160622
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