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20/06/2016 | FRANCE | N°392214

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 20 juin 2016, 392214


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 juillet 2015, 30 octobre 2015 et 18 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Bryan A...and Co Limited et M. B...A...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 30 mai 2015 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé une sanction pécuniaire de 200 000 euros à l'encontre de la société Bryan A...et une sanction pécuniaire de 25 000 euros à l'encontre d

e M.A..., et a ordonné la publication de sa décision sur le site internet de l'A...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 juillet 2015, 30 octobre 2015 et 18 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Bryan A...and Co Limited et M. B...A...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 30 mai 2015 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé une sanction pécuniaire de 200 000 euros à l'encontre de la société Bryan A...et une sanction pécuniaire de 25 000 euros à l'encontre de M.A..., et a ordonné la publication de sa décision sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers ;

2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 ;

- la directive 2004/72/CE de la Commission du 29 avril 2004 ;

- le code monétaire et financier ;

- le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société Bryan A...and Co Limited et autre et à la SCP Vincent, Ohl, avocat de l'Autorité des marchés financiers (AMF) ;

1. Considérant que, par la décision attaquée du 30 mai 2015, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a infligé une sanction pécuniaire de 200 000 euros à la société Bryan A...et une sanction pécuniaire de 25 000 euros à M. A..., en sa qualité de dirigeant de la société BryanA..., pour avoir manqué à leurs obligations professionnelles, dans le cadre de l'introduction en bourse de Tekka, lors de la cession des titres Tekka en mars 2011 et lors de la diffusion de l'information financière par la note d'opération élaborée à l'occasion de l'introduction en bourse ;

Sur la régularité de la décision attaquée :

2. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, la commission des sanctions, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments développés devant elle, a exposé de façon précise et circonstanciée les éléments de droit et de fait qui l'ont conduite à estimer que les requérants avaient manqué à leurs obligations professionnelles et déontologiques ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de la décision attaquée :

En ce qui concerne les manquements :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, en vue de son introduction en bourse, la société Tekka Group a enregistré auprès de l'Autorité des marchés financiers, le 27 janvier 2011, une note d'opération ; qu'elle était notamment assistée, pour la préparation de ce document et la réalisation de son introduction en bourse, par la société BryanA..., qui a conclu avec elle, le 8 février 2011, un contrat de garantie de placement en tant que " listing sponsor " ou " introducteur agréé ", c'est-à-dire en tant qu'intermédiaire financier accompagnant un émetteur de titre dans la préparation de sa cotation sur le marché et l'assistant lors d'une augmentation de capital ; que constatant, à la fin de la période de souscription, que les fonds levés étaient insuffisants pour atteindre le seuil minimal des trois quarts de l'augmentation de capital décidée, prévu par les dispositions du 1° du I de l'article L. 225-134 du code de commerce, la société BryanA..., qui avait procédé à d'importants achats de titres pour compte propre et qui ne pouvait, faute de trésorerie suffisante, honorer son engagement de garantie, a sollicité la société Montblanc Gestion pour procéder à sa place aux achats de titres nécessaires à hauteur de 1,5 millions d'euros, contre l'engagement de lui racheter ces titres avec une prime de 2 %, dès le premier jour de cotation ; que, pour racheter ces titres à la société Montblanc Gestion, la société Bryan A...a utilisé un contrat de liquidité de 1,6 millions d'euros que la société Tekka Group avait conclu avec elle le 10 février 2011 ; que la situation financière de la société Tekka Group s'étant rapidement dégradée, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire le 4 septembre 2012 ; que la radiation de la cote des titres Tekka est intervenue le 11 octobre 2012 ;

S'agissant de l'appel à la société Montblanc Gestion et de l'utilisation du contrat de liquidité conclu avec la société Tekka Group :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 533-1 du code monétaire et financier : " Les prestataires de services d'investissement agissent d'une manière honnête, loyale et professionnelle, qui favorise l'intégrité du marché. " ; qu'en vertu de l'article L. 621-1 du même code, l'Autorité des marchés financiers veille à la protection de l'épargne investie dans les instruments financiers et les actifs mentionnés au II de l'article L. 421-1 donnant lieu à une offre au public ou à une admission aux négociations sur un marché réglementé et dans tous autres placements offerts au public, et veille à l'information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d'instruments financiers et d'actifs mentionnés au II de l'article L. 421-1 ; qu'aux termes de l'article L. 621-6 du code monétaire et financier : " Pour l'exécution de ses missions, l'Autorité des marchés financiers prend un règlement général qui est publié au Journal officiel de la République française, après homologation par arrêté du ministre chargé de l'économie. / L'Autorité des marchés financiers peut, pour l'application de son règlement général et l'exercice de ses autres compétences, prendre des décisions de portée individuelle. Elle peut également publier des instructions et des recommandations aux fins de préciser l'interprétation du règlement général. " ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 314-3 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers : " Le prestataire de services d'investissement agit d'une manière honnête, loyale et professionnelle, avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, afin de servir au mieux l'intérêt des clients et de favoriser l'intégrité du marché. Il respecte notamment l'ensemble des règles organisant le fonctionnement des marchés réglementés et des systèmes multilatéraux de négociation sur lesquels il intervient. " ;

6 Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 1er de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché), aux fins de la directive, on entend par " pratiques de marché admises " les pratiques qui sont susceptibles d'être utilisées sur un ou plusieurs marchés financiers et qui sont acceptées par l'autorité compétente conformément aux orientations adoptées par la Commission selon la procédure prévue à l'article 17, paragraphe 2 ; que l'article 2 de la directive 2004/72/CE de la Commission du 29 avril 2004 portant modalités d'application de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne, notamment, les pratiques de marché admises, précise les critères que les autorités compétentes prennent en compte dans leur évaluation de l'acceptabilité d'une pratique de marché particulière : " (...) les États membres veillent à ce que les autorités compétentes, sans préjudice de leur collaboration avec d'autres autorités, prennent au moins en compte les critères suivants dans leur évaluation de l'acceptabilité d'une pratique de marché particulière: / a) le degré de transparence de la pratique concernée au regard de l'ensemble du marché ; / b) le besoin de sauvegarder le libre jeu des forces du marché et l'interaction adéquate entre offre et demande ; / c l'intensité de l'impact de la pratique de marché concernée sur la liquidité et l'efficience du marché ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article 612-1 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers : " Sont considérées comme des " pratiques de marché admises " les pratiques susceptibles d'être mises en oeuvre sur un ou plusieurs marchés financiers et acceptées par l'AMF " ; qu'aux termes de l'article 612-2 du même règlement général, transposant les dispositions citées ci-dessus de la directive 2004/72/CE 29 avril 2004 : " I. - Dans l'évaluation de l'acceptabilité d'une pratique de marché particulière, l'AMF prend au moins en compte les critères suivants : / 1° Le degré de transparence de la pratique concernée au regard de l'ensemble du marché ; / 2° Le besoin de sauvegarder le libre jeu du marché et l'interaction de l'offre et de la demande ; / 3° L'importance des effets de la pratique concernée sur la liquidité et l'efficience du marché ; / 4° La mesure dans laquelle la pratique concernée prend en compte les mécanismes de négociation du marché concerné et permet aux participants à ce marché de réagir de manière adéquate et rapide à la nouvelle situation de marché qu'elle a créée ; / 5° Le risque que représente la pratique concernée pour l'intégrité des marchés qui s'y rattachent directement ou indirectement, sur lesquels se négocie le même instrument financier dans l'Union européenne, qu'ils soient ou non réglementés ; / 6° Les conclusions de tout contrôle ou de toute enquête sur la pratique de marché concernée réalisé par l'AMF, par toute autre autorité ou entreprise de marché avec laquelle l'AMF collabore, par tout autre autorité ou entreprise de marché qui agit par délégation de l'AMF, sous la responsabilité de celle-ci ou par les autorités judiciaires agissant sur saisine de l'AMF, en particulier lorsque la pratique concernée a enfreint des règles ou dispositions destinées à prévenir les abus de marché ou des codes de conduite, que ce soit sur le marché concerné ou sur des marchés directement ou indirectement liés au sein de l'Union européenne ; / 7° Les caractéristiques structurelles du marché concerné, en particulier son caractère réglementé ou non, les types d'instruments financiers négociés et les types de participants à ce marché, notamment l'importance relative de la participation des investisseurs non professionnels. / Pour l'application du 2°, l'AMF tient compte, dans son appréciation, de l'incidence de la pratique de marché concernée sur les conditions de marché, au regard notamment du cours moyen pondéré quotidien ou du cours de clôture quotidien. / II. - L'AMF procède périodiquement au réexamen des pratiques de marché admises, en particulier pour prendre en compte les évolutions significatives dans l'environnement du marché concerné, telles des modifications des règles de négociation ou de l'infrastructure de marché. "

7. Considérant qu'en application des dispositions citées ci-dessus, l'Autorité des marchés financiers a pris, le 1er octobre 2008, une décision concernant l'acceptation des contrats de liquidité en tant que " pratique de marché admise " ; qu'aux termes du point 1 de cette décision : " Toute société ( l'Emetteur ) dont les titres de capital sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation organisé au sens de l'article 524-1 du règlement général peut conclure un contrat de liquidité avec un prestataire de services d'investissement. / Le contrat de liquidité définit les conditions dans lesquelles le prestataire de services d'investissement intervient pour le compte de l'Emetteur à l'achat ou à la vente, pour favoriser la liquidité des transactions et la régularité des cotations des titres de l'Emetteur ou éviter des décalages de cours non justifiés par la tendance du marché. Le contrat de liquidité doit respecter les principes énoncés dans la charte de déontologie annexée à la présente décision (...) " ; que parmi les principes énoncés dans la charte de déontologie annexée à la décision en cause figurent le " principe de spécialisation ", selon lequel " le contrat de liquidité doit avoir pour seuls objets de favoriser la liquidité des transactions et la régularité des cotations des titres d'une société émettrice ainsi que d'éviter des décalages de cours non justifiés par la tendance du marché ", ainsi que le " principe de proportionnalité ", selon lequel " les moyens détenus sur le compte de liquidité doivent être proportionnés aux objectifs assignés au contrat de liquidité. En aucun cas, le Compte de liquidité ne peut être utilisé à des fins de stockage de titres " ;

8. Considérant, d'une part, qu'en faisant appel à la société Montblanc Gestion dans les conditions décrites au point 3 ci-dessus, en méconnaissance du contrat de garantie de placement qu'elle avait signé et sans que les investisseurs ne soient informés de cette opération de portage de titres, la société Bryan A...a, ainsi que l'a relevé la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, manqué aux obligations d'honnêteté, de loyauté et de professionnalisme prévues par les dispositions citées aux points 4 et 5 ci-dessus ;

9. Considérant, d'autre part, que l'utilisation par la société Bryan A...de la quasi-totalité du contrat de liquidité conclu avec la société Tekka Group en vue de racheter les titres acquis par la société Montblanc Gestion n'était pas conforme à l'objectif de sauvegarde du libre jeu du marché ; qu'en outre, lors des séances de bourse des 3 et 4 mars 2011, la société Bryan A...a privilégié, dans un contexte de hausse du cours et des volumes acheteurs, la cession des titres Tekka qu'elle détenait en propre, alors même que le contrat de liquidité était à cette date presque exclusivement investi en titres Tekka et aurait pu donner lieu à une cession des titres pour le compte de l'émetteur ; que, dès lors, l'utilisation du contrat de liquidité par la société Bryan A...doit être regardée comme contraire aux principes de spécialisation et de proportionnalité définis au point 7 ci-dessus ; qu'ainsi, comme l'a estimé la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, la société Bryan A...a également manqué sur ce point à son obligation d'agir d'une manière honnête, loyale et professionnelle, qui favorise l'intégrité du marché ;

S'agissant de l'absence de diligences professionnelles relatives aux informations transmises par l'entreprise émettrice des titres :

10. Considérant qu'aux termes du III de l'article 212-16 du règlement général de l'AMF : " Lorsqu'une ou des personnes morales ou entités, prestataires de services d'investissement ou non, qui sont agréées par l'entreprise de marché ou le prestataire de services d'investissement gestionnaires d'un système multilatéral de négociation organisé au sens de l'article 524-1 participent sur ce système à une offre au public portant sur des titres de capital, cette ou ces personnes morales ou entités attestent auprès de l'AMF avoir effectué les diligences professionnelles d'usage et n'avoir décelé dans le contenu du prospectus aucune inexactitude ni aucune omission significative de nature à induire l'investisseur en erreur ou à fausser son jugement. / (...) / L'attestation est remise à l'AMF préalablement à la délivrance du visa. " ; que, s'agissant des diligences professionnelles d'usage, le code professionnel de la Fédération Bancaire Française (FBF) et de l'Association Française des Entreprises d'Investissement (AFEI) relatif aux diligences à opérer par les prestataires de services d'investissement participant à une opération financière, dans sa rédaction d'octobre 2006, précise que les diligences sont, de manière générale, réalisées par le prestataire, d'une part, par des vérifications sur pièces opérées à partir de divers documents remis par la société et, d'autre part, par des entretiens avec les principaux responsables de la société et ont pour objet de permettre au prestataire d'obtenir de la société les éléments d'information nécessaires à la délivrance de son attestation ; qu'à ce titre, il est précisé que le prestataire de service d'investissement n'a pas à " vérifier l'exhaustivité, la véracité et la sincérité des informations écrites et orales fournies par la société " ni à " effectuer des diligences entrant dans les missions des commissaires aux comptes, ou à valider leurs diligences " ; qu'il résulte de ces dispositions que, si elles n'imposent au prestataire participant à une offre au public portant sur des titres de capital ni de vérifier l'exhaustivité, la véracité ou la sincérité des informations que lui a transmises l'entreprise émettrice de ces titres, ni d'effectuer des diligences entrant dans les missions des commissaires au compte ou de valider leurs propres diligences, il appartient toutefois à ce prestataire, en vertu des responsabilités qui lui incombent en propre, d'effectuer les diligences professionnelles d'usage et, en particulier, de s'assurer, après un examen suffisamment approfondi, que les informations figurant dans le document élaboré à l'occasion de l'introduction en bourse du titre et soumis au visa de l'Autorité des marchés financiers ne comportent aucune inexactitude ou omission significative de nature à induire l'investisseur en erreur ou à fausser son jugement ; que, dans ce but, il appartient notamment au prestataire de contrôler la cohérence et la fiabilité des informations qui lui ont été communiquées par la société émettrice ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le paragraphe 3.2. de la note d'opération visée le 27 janvier 2011, réalisée par la société Bryan A...pour la société Tekka Group en vue de l'introduction de celle-ci en bourse, évaluait à 4 millions d'euros le besoin en fonds de roulement, montant qui s'est révélé largement inexact ; que la société Bryan A...n'a pu fournir aucune explication sur ce chiffrage, alors qu'il résulte de l'instruction que les données et explications fournies par la société Tekka Group comportaient des lacunes significatives ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que l'évolution défavorable de la trésorerie de la société Tekka Group et les retards dans les paiements des fournisseurs étaient connus de la société Bryan A...dès le 19 janvier 2011 ; que la note d'opération du 27 janvier 2011 comportait ainsi des omissions et des inexactitudes imputables à la société Bryan A...et susceptibles d'induire en erreur les investisseurs ou de fausser leurs jugements sur la valeur de l'entreprise Tekka Group ; que, par suite, la commission des sanctions n'a pas fait une application erronée du III de l'article 216 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers en retenant le grief tiré de l'absence de diligences professionnelles sur le chiffrage du besoin en fonds de roulement et les retards de paiement des fournisseurs;

S'agissant de la possibilité de sanctionner M. A...en sa qualité de dirigeant :

12. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 313-6 du règlement général de l'AMF : " La responsabilité de s'assurer que le prestataire de services d'investissement se conforme à ses obligations professionnelles mentionnées au II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier incombe à ses dirigeants et, le cas échéant, à son instance de surveillance. " ; que, d'une part, il résulte de l'instruction que M. A...est " company director " de la société Bryan A...and Co Limited et responsable de sa succursale parisienne ; qu'il doit ainsi être regardé comme un dirigeant de la société au sens de l'article 313-6 du règlement général de l'AMF ; que, d'autre part, si les dispositions citées ci-dessus du III de l'article 212-16 du même règlement définissent des obligations pesant sur les " personnes morales ou entités " qui participent à une offre au public, il résulte des dispositions de l'article 313-6 du règlement que la méconnaissance de telles obligations peut être imputée au dirigeant de la société prestataire de services d'investissement ; qu'il ne saurait dès lors être soutenu que la commission des sanctions aurait, en sanctionnant M. A...en sa qualité de dirigeant alors qu'il se prévalait de ce qu'il n'aurait pas participé personnellement aux faits litigieux, méconnu le principe de responsabilité personnelle et les dispositions de l'article 212-16 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

En ce qui concerne les sanctions prononcées :

13. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, les exigences du recours effectif n'impliquent pas que l'effet des sanctions prononcées par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers soit différé à l'issue des recours juridictionnels dirigés contre celles-ci, y compris lorsque cette sanction est assortie d'une publication ; qu'il est au demeurant loisible aux personnes faisant l'objet d'une telle sanction, comportant une mesure de publication, de former un recours en annulation et d'en demander la suspension ; que le moyen tiré de ce que la commission des sanctions aurait méconnu le droit à un procès équitable et à un recours effectif en décidant la publication immédiate et sans limitation de durée de la décision litigieuse ne peut par suite qu'être écarté ;

14. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne saurait être soutenu que la publication d'une décision de sanction qui n'est pas devenue définitive méconnaît le principe de la présomption d'innocence, dès lors que lorsqu'elle prononce la sanction complémentaire de publication de sa décision, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers doit être regardée comme ayant légalement admis les manquements qui la fondent et que, dans l'hypothèse où la sanction serait ultérieurement jugée illégale, les personnes sanctionnées pourraient obtenir, outre son annulation, l'indemnisation du préjudice né de sa publication antérieurement à la décision d'annulation ;

15. Considérant, en dernier lieu, qu'en infligeant à la société Bryan A...une sanction pécuniaire de 200 000 euros et à M.A..., son dirigeant, une sanction pécuniaire de 25 000 euros, ainsi qu'en ordonnant la publication de sa décision sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers, la commission des sanctions n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, infligé des sanctions disproportionnées au regard de la gravité et de la nature des manquements reprochés ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Bryan A...et M. A...ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision de la commission des sanctions ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Bryan A...et de M. A...la somme globale de 3 000 euros à verser à l'Autorité des marchés financiers, au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la société Bryan A...et autre est rejetée.

Article 2 : La société Bryan A...et M. B...A...verseront à l'Autorité des marchés financiers une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Bryan A...and Co Limited, à M. B... A...et à l'Autorité des marchés financiers.

Copie en sera transmise pour information au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 392214
Date de la décision : 20/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

13-01-02-01 CAPITAUX, MONNAIE, BANQUES. CAPITAUX. OPÉRATIONS DE BOURSE. AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. - 1) RÈGLES DONT L'AMF PEUT SANCTIONNER LA MÉCONNAISSANCE - PRINCIPES DÉONTOLOGIQUES DÉFINIS DANS UNE DÉCISION SUR UNE PRATIQUE DE MARCHÉ - EXISTENCE - APPLICATION AUX CONTRATS DE LIQUIDITÉ - 2) DILIGENCES ATTENDUES DU PRESTATAIRE PARTICIPANT À UNE OFFRE AU PUBLIC DE TITRES DE CAPITAL - PORTÉE.

13-01-02-01 Cas d'un introducteur agréé s'étant engagé à conduire l'introduction en bourse d'une société, en garantissant que le seuil minimal des trois quarts de l'augmentation de capital décidée (1° du I de l'article L. 225-134 du code de commerce) serait atteint. Pour atteindre ce seuil, l'introducteur a lui-même acheté des titres puis, faute de trésorerie suffisante, sollicité d'une société tierce, à la fin de la période de souscription, qu'elle procède à l'achat de titres.... ,,Par ailleurs, le même prestataire a conclu un contrat de liquidité avec la société introduite en bourse.... ,,1) Décision du 1er octobre 2008 de l'Autorité des marchés financiers (AMF) concernant l'acceptation des contrats de liquidité en tant que pratique de marché admise et fixant certains principes déontologiques, parmi lesquels un principe de spécialisation du contrat et un principe de proportionnalité dans l'utilisation des moyens détenus sur le compte de liquidité.... ,,En l'espèce, l'utilisation par l'introducteur agréé de la quasi-totalité du contrat de liquidité en vue de racheter ensuite les titres acquis par la société tierce n'était pas conforme à l'objectif de sauvegarde du libre jeu du marché. En outre, lors de séances de bourse ultérieures, l'introducteur agréé a privilégié, dans un contexte de hausse du cours et des volumes acheteurs, la cession des titres qu'il détenait en propre, alors même que le contrat de liquidité était à cette date presque exclusivement investi en titres de la société introduite et aurait pu donner lieu à une cession des titres pour le compte de l'émetteur. Dès lors, cette utilisation du contrat de liquidité doit être regardée comme contraire aux principes de spécialisation et de proportionnalité définis par la décision de l'AMF et constitue un manquement de l'introducteur agréé à son obligation d'agir d'une manière honnête, loyale et professionnelle, qui favorise l'intégrité du marché.,,,2) Il résulte du III de l'article 212-16 du règlement général de l'AMF que le prestataire participant à une offre au public portant sur des titres de capital doit effectuer certaines diligences professionnelles. Si cela ne lui impose ni de vérifier l'exhaustivité, la véracité et la sincérité des informations que lui a transmises l'entreprise émettrice des titres, ni d'effectuer des diligences entrant dans les missions des commissaires aux comptes ou de valider leurs propres diligences, il appartient toutefois à ce prestataire, en vertu des responsabilités qui lui incombent en propre, d'effectuer les diligences professionnelles d'usage et, en particulier de s'assurer, après un examen suffisamment approfondi, que les informations figurant dans le document élaboré à l'occasion de l'introduction en bourse du titre et soumis au visa de l'AMF ne comportent aucune inexactitude ou omission significative de nature à induire l'investisseur en erreur ou à fausser son jugement. Dans ce but, il appartient notamment au prestataire de contrôler la cohérence et la fiabilité des informations qui lui ont été communiquées par la société émettrice.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 2016, n° 392214
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste de Froment
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP VINCENT, OHL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:392214.20160620
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