Vu la procédure suivante :
La commune d'Aix-en-Provence a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion de Mme A...C...et de tous occupants de son chef du logement qu'elle occupe 32 C, avenue de Saint-Jérôme à Aix-en-Provence (13100), de dire qu'à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, Mme C...sera condamnée à une astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard jusqu'à la libération totale et effective des lieux, d'ordonner au besoin le concours de la force publique et de lui donner acte qu'elle propose à Mme C...d'être relogée dans un appartement de même type et aux mêmes conditions que son occupation actuelle. Par une ordonnance n° 1509165 du 2 décembre 2015, le juge des référés a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État les 18 décembre 2015 et 4 janvier 2016, la commune d'Aix-en-Provence demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de Mme C...le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de la commune d'Aix-en-Provence et à la SCP Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de Mme C... ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par convention du 17 septembre 2008, la commune d'Aix-en-Provence a mis à disposition de Mme A...C..., en sa qualité d'institutrice, un logement de fonction attenant à l'école élémentaire de Cuques ; qu'en vertu de l'article L. 212-5 du code de l'éducation, qui réserve le bénéfice d'un logement ou d'une indemnité représentative de logement aux seuls instituteurs, celle-ci a été exclue de cet avantage à l'occasion de son intégration dans le corps des professeurs des écoles, le 1er septembre 2014 ; que, toutefois, par courrier du 23 octobre 2014, le maire d'Aix-en-Provence a informé Mme C...qu'elle pourrait continuer à occuper son logement de fonction moyennant le versement d'un loyer ; qu'au cours de l'année 2015, il est apparu qu'il était dans l'intérêt du service que le logement de fonction occupé par Mme C...soit attribué à M.B..., directeur de l'école élémentaire de Cuques ; qu'après diverses propositions de relogement refusées par MmeC..., la commune l'a, par courrier du 27 août 2015, informée de sa décision d'abroger son autorisation d'occupation et l'a mise en demeure de quitter les lieux dans un délai d'un mois ; que Mme C...a continué d'occuper le logement ; que la commune d'Aix-en-Provence se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 2 décembre 2015 qui a rejeté sa demande d'expulsion de Mme C... ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces soumis au juge des référés que le logement occupé par MmeC..., qui est situé dans l'enceinte scolaire comprenant l'école élémentaire et l'école maternelle de Cuques, n'est pas manifestement insusceptible d'être qualifié de dépendance du domaine public ; que, par suite, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le présent litige relève de la compétence de la juridiction administrative ;
4. Considérant qu'une décision relative à l'occupation du domaine public est précaire et révocable et peut être abrogée à tout moment ; que pour retenir l'existence d'une contestation sérieuse à la mesure d'expulsion, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a jugé que la décision du 23 octobre 2014 autorisant Mme C...à continuer à occuper son logement de fonction était une décision individuelle créatrice de droits qui ne pouvait être retirée que dans un délai de quatre mois suivant son édiction ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il avait relevé que le logement occupé par Mme C...appartenait au domaine public, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit ; que, par suite, la commune d'Aix-en-Provence est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
6. Considérant, en premier lieu, que le logement occupé par MmeC..., qui est situé dans l'enceinte scolaire comprenant l'école élémentaire et l'école maternelle de Cuques, n'est pas manifestement insusceptible d'être qualifié de dépendance du domaine public ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le maintien sur les lieux de Mme C...fait obstacle à l'occupation du logement par M.B..., qui est instituteur et directeur de l'école élémentaire de Cuques, et qui a, de ce fait, droit à un logement de fonction ; que ce logement lui a été attribué en raison de son état de santé ; que la mesure d'expulsion présente, par suite, un caractère d'urgence et d'utilité ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 6 que la décision du 23 octobre 2014 ne pouvait être régie par le droit commun des baux et pouvait être abrogée à tout moment ; que, par suite, la mesure d'expulsion de MmeC..., qui ne disposait plus de titre d'occupation, ne se heurte à aucune contestation sérieuse ;
9. Considérant que la commune d'Aix-en-Provence est, dès lors, fondée à demander l'expulsion de Mme C...; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de fixer cette astreinte à 100 euros par jour à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la date de notification de la présente décision ;
10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Aix-en-Provence au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 2 décembre 2015 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à Mme C...et à tous occupants de son chef d'évacuer sans délai le logement qu'elle occupe 32 C, avenue de Saint-Jérôme à Aix-en-Provence, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : Les conclusions de Mme C...et de la commune d'Aix-en-Provence présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la commune d'Aix-en-Provence est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Aix-en-Provence et à Mme A... C....